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IRIN
La crise des liquidités à Gaza a des conséquences humanitaires
tangibles

Dégâts causés aux habitations
de la ville de Rafah, dans la bande de Gaza,
par les frappes aériennes israéliennes, en janvier 2009
Photo Free Gaza
GAZA-VILLE, 27 mai 2009 (IRIN)
Une crise bancaire et un manque de liquidités
pénalisent les Palestiniens de la bande de Gaza : les
fonctionnaires luttent pour obtenir leurs salaires, et la
distribution de l’aide humanitaire est retardée. Des milliers de
bénéficiaires ne reçoivent pas les prestations sociales qui leur
sont dues.
Cette semaine, Israël a autorisé l’envoi à Gaza de 50 millions
de nouveaux shekels israéliens (ILS, soit l’équivalent de 12,7
millions de dollars) pour permettre la
rémunération des 65 000 employés de l’Autorité
palestinienne, sise à Ramallah (Cisjordanie), qui vivent à Gaza,
selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des
affaires humanitaires (OCHA).
Depuis la prise de pouvoir du Hamas, à Gaza, en juin 2007, les
transferts de fonds à Gaza se limitent à des envois épisodiques
de 50 à 100 millions d’ILS. En raison de ces restrictions, les
banques de Gaza ne disposent pas de liquidités suffisantes pour
permettre aux employés de l’AP de retirer leurs salaires. Ce
manque de liquidités empêche les transactions financières les
plus simples et le fonctionnement des programmes humanitaires,
selon OCHA. Il a également donné lieu à une thésaurisation.
« A Gaza, nos principales opérations sont financières. Nous
aidons l’AP, à Ramallah, à verser les salaires et les retraites,
et la Commission européenne [CE] verse des aides aux familles
vulnérables sur leurs comptes bancaires, mais il n’y a pas assez
d’argent liquide dans les banques pour pouvoir effectuer ces
paiements », a expliqué à IRIN Christian Berger, représentant de
la Commission européenne à Jérusalem.
La CE, principal bailleur des Palestiniens, contribue à hauteur
de 33,4 millions de dollars au versement des salaires mensuels
des employés de l’AP, soit environ la moitié de la somme totale
à verser.
Elle verse également environ 250 dollars à 48 000 personnes en
difficulté sociale tous les trois mois, dont environ la moitié
se trouvent à Gaza. Les familles de Gaza ont reçu leur versement
de mars en mai, mais la CE n’est pas certaine qu’elle disposera
d’assez de liquidités pour les versements de juin.

Le président palestinien
Mahmoud Abbas, du Fatah (milieu droit)
et le Premier ministre Ismail Haniya, du Hamas (milieu gauche).
Photo: PPO/Apollo Images/IRIN
« Le système bancaire de Gaza est au bord de
l’effondrement car il n’y a pas assez d’argent liquide dans les
caisses », a indiqué M. Berger de la CE. « Nos projets ne
reçoivent pas l’argent liquide dont ils ont besoin pour
fonctionner ».
Israël a consenti à autoriser l’envoi mensuel de 50 millions
d’ILS, mais Gaza a besoin d’un minimum de 100 millions d’ILS par
mois, selon M. Berger.
« L’argent liquide arrive [à Gaza] généralement une fois par
mois, par le point de passage d’Erez, pour permettre la
rémunération des employés de l’AP, à Ramallah », a déclaré à
IRIN Shlomo Dror, porte-parole du ministère israélien de la
Défense. « Nous autorisons l’envoi des fonds destinés aux
organismes internationaux et aux agences des Nations Unies
uniquement si nous savons exactement où ces fonds vont aller ;
sinon, on ne peut pas être sûr que l’argent liquide envoyé à
Gaza ne finira pas entre les mains du Hamas ».
Lorsque le Hamas a pris le contrôle de Gaza, les banques
israéliennes ont décidé de ne pas entretenir de relations avec
les banques de Gaza, le Hamas étant considéré comme une «
organisation terroriste », selon M. Dror.
« Si le Hamas agit comme une organisation terroriste, nous
[Israël] n’aiderons ni ne consulterons leur gouvernement », a
indiqué M. Dror.
Le gouvernement du Hamas assume la responsabilité financière du
système scolaire public, de la défense civile, des hôpitaux
publics et des 54 centres de santé primaire de Gaza.
Le programme du PNUD compromis
« Nous sommes aussi touchés par cette question de liquidités. Le
Programme des Nations Unies pour le développement [PNUD] a mis
en place un système de paiement pour les non-réfugiés dont les
logements ont été endommagés ou détruits au cours de la dernière
opération militaire menée par Israël », a indiqué Husam Toubil,
responsable de programme du PNUD, à Gaza.
« Nous avons distribué 20 millions de dollars d’aide financière
et devons en distribuer 6,3 millions de plus, mais les
versements sont retardés parce que les banques manquent d’argent
liquide », a-t-il indiqué.

Les infirmiers font la
grève pour exiger une hausse de salaire (photo d’archives)
Photo: Naela Khalil/IRIN
Ahmed Abbo, 23 ans, qui suit une formation
d’infirmier, a perdu son logement à Jabaliyia Est au cours de
l’offensive israélienne (27 décembre 2008 - 18 janvier 2009).
Les habitants de son immeuble attendent, a-t-il indiqué, que le
PNUD leur verse 5 000 dollars d’aide à la reconstruction par
logement ; toutefois, les coûts de reconstruction totaux, pour
les huit appartements détruits, s’élèvent à au moins 250 000
dollars.
Quelque 13 300 foyers sont inscrits sur les listes de
bénéficiaires du PNUD, et environ 4 300 attendent encore de
recevoir les fonds qui leur sont dus pour pouvoir trouver un
autre moyen d’hébergement ou réparer leurs logements.
Ahmed Al-Sultan, 59 ans, travaillait auparavant comme manœuvre
en Israël ; sa femme Sabah et lui-même attendent de recevoir 5
000 dollars du PNUD pour pouvoir louer un appartement pour leur
famille de 12, leur logement ayant été détruit, à Jabaliyia,
pendant l’offensive. « Aujourd’hui, ma famille vit à Jabaliyia
dans une maison qui se compose d’une seule chambre à coucher et
d’une seule salle de bain », a expliqué Ahmed Al-Sultan. «
J’étais censé recevoir les fonds il y a un mois, mais le
versement a été retardé ».
Le programme de l’UNRWA compromis
Le même système a été mis en place pour les réfugiés de Gaza par
l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens
(UNRWA).
« L’UNRWA est en train de verser des subventions financières aux
réfugiés dont les logements ont été endommagés ou détruits », a
expliqué Adnan Abu-Hasna, porte-parole de l’UNRWA à Gaza. « Nous
avons versé cinq millions de dollars, et nous voulons en verser
20 millions de plus, mais nous nous débattons face au manque
d’argent liquide ».
L’UNRWA a également des difficultés à envoyer de l’argent
liquide à Gaza pour pouvoir verser des subventions aux personnes
en difficulté sociale, essentiellement pour subvenir à leurs
besoins alimentaires.
Le versement des dernières subventions dues à 96 000 réfugiés
inscrits sur les listes des personnes en difficulté sociale a
été retardé de près de quatre mois, et 25 pour cent des 96 000
bénéficiaires n’ont encore rien perçu, selon M. Abu-Hasna.
Quelque 1 075 000 Palestiniens sont inscrits sur les listes des
réfugiés de Gaza, selon l’UNRWA. Environ 1,5 million de
Palestiniens vivent sur ce territoire, d’une surface de 356
kilomètres carrés.

La zone située à
l’intérieur du point de passage de Rafah, du côté palestinien.
Cette porte s’ouvre sur une multitude de tunnels, qui servent à
faire passer des denrées alimentaires de base,
du matériel et de l’argent liquide.
Photo: Erica Silverman/IRIN
Marché noir
La CE et les agences des Nations Unies qui opèrent à Gaza
s’inquiètent à l’idée que la pénurie d’argent liquide puisse
éroder la transparence du système bancaire palestinien et créer
un marché noir dangereux.
Les tunnels creusés le long de la frontière entre l’Egypte et
Gaza servent en effet à l’import d’espèces, selon les bureaux
d’OCHA à Gaza.
Les marchandises importées à Gaza sont presque toutes achetées
en espèces, les banques gazaouies et israéliennes n’entretenant
aucun contact entre elles, selon Jihad Al-Wazir, gouverneur des
Services monétaires palestiniens (SMP), sis à Ramallah. Cela
donne lieu à une fixation des prix et à des transactions
déréglementées, a-t-il indiqué.
Ouverture d’une nouvelle banque
La Banque nationale islamique (NIB) a ouvert il y a trois
semaines, à Gaza-Ville.
« Nous travaillons uniquement à l’échelle locale. Nous n’avons
pas obtenu de permis des SMP en raison du clivage politique », a
expliqué Hazem Housni, manager de la banque. « Le gouvernement
de Gaza a plus de 25 000 employés et les autres banques refusent
de les servir ».
La NIB espère atténuer les effets de la crise des liquidités en
récoltant des fonds auprès de ses clients gazaouis, et en
réinvestissant ces fonds à Gaza pour les faire circuler de
nouveau.
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