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IRIN
Les pêcheurs de Gaza sous le feu
Sami al-Qouqa (à droite) a
perdu sa main gauche lorsque son bateau de pêche a été attaqué
par une canonnière israélienne le 12 mars 2007. Il discute avec
ses amis pêcheurs dans le port de Gaza.
Photo: Suhair Karam/IRIN
GAZA, 25 février 2010 (IRIN)
Sami al-Qouqa, un ancien pêcheur de 30 ans qui
habite le camp de réfugiés al-Shati, dans le nord de Gaza, a
perdu sa main gauche quand son bateau de pêche a été attaqué par
une canonnière israélienne le 12 mars 2007. L’incident a été
documenté par le Centre palestinien pour les droits humains
(PCHR).
« J’étais sur mon petit bateau de pêche en eaux palestiniennes
quand deux navires de guerre israéliens se sont approchés. L’un
des hommes a crié : ‘Partez ou on vous tue !’ J’ai d’abord
refusé, et ils ont commencé à me tirer dessus. L’un d’eux a
réussi à me toucher et j’ai été sérieusement blessé à
l’avant-bras et la main gauches », a dit M. al-Qouqa à IRIN.
Il a été amené à l’hôpital al-Shifa, à Gaza, où des médecins ont
amputé sa main. Depuis, il n’a pas retrouvé de travail et dépend
de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens
(UNRWA) pour nourrir sa femme et ses deux fils.
Selon les pêcheurs de Gaza, les restrictions toujours plus
strictes en matière de lieux de pêche, les attaques fréquentes
par les canonnières israéliennes et le blocus économique en
place depuis 2007 obligent un nombre croissant d’entre eux à
cesser leurs activités.
« Maintenant, les Israéliens tirent tout le temps et sans aucune
raison. La marine israélienne continue de confisquer des
équipements de pêche et de déchirer les filets des pêcheurs.
Nous voulons une solution, mais nous ne savons pas comment, quoi
ou quand. Combien de temps encore devrons-nous supporter cette
situation ? » a dit à IRIN Muhamed Subuh al-Hissi, un membre du
syndicat des pêcheurs palestiniens à Gaza.
Il a dit qu’avant la guerre qui a opposé Israël et le Hamas
pendant 23 jours, début 2009, les canonnières israéliennes
n’ouvraient le feu que sur les pêcheurs qui s’aventuraient
au-delà de la zone tampon de trois miles. Maintenant, ils tirent
même sur les bateaux qui se trouvent clairement dans cette zone.
Les pêcheurs gazaouis
prennent beaucoup de risques pour pas grand-chose
Photo:
Suhair Karam/IRIN
Les accords d’Oslo, une déclaration de principe
signée en 1993 par l’Organisation de libération de la Palestine
(OLP) et Israël, autorisaient les pêcheurs de Gaza à s’aventurer
jusqu’à 20 miles nautiques des côtes. Toutefois, depuis le début
de la seconde Intifada, en 2000, la marine israélienne a imposé
une limite de trois miles et l’a rigoureusement fait respecter
depuis la guerre de l’an dernier. Elle affirme que cette mesure
est nécessaire pour faire cesser l’introduction illégale d’armes
dans la bande de Gaza.
Le point de vue israélien
« Les marines israéliens tirent sur les bateaux palestiniens qui
sont soupçonnés de faire entrer illégalement des armes à Gaza et
qui représentent donc une menace pour la sécurité d’Israël », a
dit à IRIN Avikhay Adrii, un porte-parole de l’armée
israélienne. « Certains groupes utilisent des bateaux de pêche
palestiniens à des fins terroristes. La marine israélienne a la
responsabilité de protéger les côtes d’Israël ».
Début février, le chef de la marine israélienne, le major
général Eliezer Marom, a dit aux journalistes que des «
organisations terroristes » palestiniennes « faisaient un usage
cynique des pêcheurs de Gaza à des fins terroristes » suite à la
découverte d’un troisième dispositif explosif caché dans un fût
sur une plage israélienne. Il a ajouté que toute collaboration
avec les groupes de militants palestiniens qui revendiquent la
responsabilité du largage des fûts pourrait nuire à la
subsistance des pêcheurs de Gaza.
« Des navires de sécurité ordinaires patrouillent la zone et
leur permettent aux pêcheurs de Gaza de pêcher en toute
tranquillité. Je leur demande de ne pas coopérer avec des
organisations terroristes et de ne pas leur permettre d’utiliser
leurs bateaux de pêche à des fins terroristes », a-t-il dit.
Le Centre palestinien pour les droits humains (PCHR) a dénombré
36 attaques de la marine israélienne visant des pêcheurs de Gaza
entre le 20 janvier et le 2 décembre 2009 dans le cadre de la
surveillance de la zone tampon.
Selon des témoins locaux, le dernier incident s’est produit le
22 février dernier. Des canonnières israéliennes auraient tiré
sur des pêcheurs au large des côtes de Gaza, les obligeant à
retourner sur le rivage. Une porte-parole de l’armée israélienne
a nié qu’un tel incident se soit produit.
Diminution des prises, espoirs
Un pêcheur palestinien
décharge le poisson au port de Gaza.
Les pêcheurs disent attraper de moins en moins de poisson
à cause des restrictions toujours plus strictes imposées par
Israël.
Photo:
Suhair Karam/IRIN
Selon PAL-Think, un groupe de réflexion
palestinien dont le siège est à Gaza, il y avait environ 6 000
pêcheurs à Gaza il y a dix ans et ils attrapaient 3 000 tonnes
de poisson par an. Aujourd’hui, il n’en reste plus que quelque 3
600, et la quantité de poissons qu’ils prennent est si ridicule
que certains ont décidé d’ouvrir des fermes piscicoles sur la
terre ferme.
Le blocus israélien empêche également l’exportation de poisson à
l’extérieur de la bande de Gaza, ce qui met encore plus en péril
la subsistance des pêcheurs.
« À cause des restrictions imposées par Israël sur bande de
Gaza, les pêcheurs palestiniens n’ont pas accès à beaucoup
d’endroits et ne peuvent capturer beaucoup de poissons... Tous
les bateaux vont donc pêcher aux mêmes endroits et il n’y a plus
de poisson à Gaza », a dit à IRIN le ministre de l’Agriculture
du Hamas, M. Mohamed Ramadan Agha.
Il a appelé les organisations internationales à prendre des
mesures sérieuses pour protéger le gagne-pain des pêcheurs
palestiniens.
Pendant ce temps, M. al-Qouqa, l’ancien pêcheur, est découragé :
« Ma vie est vraiment misérable parce que je ne peux plus pêcher
avec une seule main. Je vais au port pour voir mes amis pêcheurs
et discuter avec eux. Je suis incapable de rester à la maison à
longueur de journée ».
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