Territoires Palestiniens Occupés -
IRIN
La demande de
microcrédits explose, malgré les risques
IRIN
Mahmud al-Haj
travaille sur le marché aux légumes de
Ramallah
Photo: Andreas Hackl/IRIN
Lundi 23 avril 2012
RAMALLAH, 23 avril
2012 (IRIN)
La demande de
microcrédits a connu une forte
augmentation en Cisjordanie et dans la
bande de Gaza au cours de ces dernières
années, selon les informations fournies
par le réseau palestinien de
microfinance « Palestinian Network for
Small and Microfinance » (Sharakeh), qui
regroupe 11 institutions de microfinance
à but non lucratif et dont le
portefeuille de crédits a atteint un
total de 75 millions de dollars à la fin
2011.
Entre 2007 et 2011, le nombre de
microcrédits en cours en Cisjordanie et
dans la bande de Gaza est passé de 20
000 à plus de 43 000. Cette tendance
devrait se maintenir, a indiqué Sharakeh,
qui prévoit que le nombre de prêts
atteindra 77 000 d’ici 2015. Le nombre
de clients actifs qui bénéficient de
microcrédits accordés par des
institutions de microfinance a augmenté
de 27 pour cent en moyenne par an depuis
2007, a-t-il ajouté.
« La microfinance est en pleine
croissance en Palestine, car elle
facilite la création des petites
entreprises, qui augmentent en nombre et
en importance », a dit à IRIN Shirin
al-Ahmad, chef de division auprès de
l’Autorité monétaire palestinienne
(AMP). La création d’une petite
entreprise peut être un moyen de faire
face aux problèmes pour les employés du
secteur public, mais en raison de l’état
de l’économie palestinienne, cela ne
suffit pas à protéger de la précarité.
La demande de microcrédits, qui sont
proposés à des emprunteurs généralement
sans garantie, sans emploi stable et
sans antécédents solides en matière de
crédit, s’est développée par le bouche à
oreille, a dit Alaa Abu Halawa,
coordinatrice des programmes de Sharakeh,
avant d’ajouter : « Les gens ont compris
les avantages de la microfinance. Elle
est de plus en plus importante, donc
elle attire davantage d’investisseurs. »
Présentés comme un outil permettant aux
plus pauvres d’accéder aux services
financiers, les microcrédits
représentent également une alternative
intéressante aux prêts généralement
proposés par les banques aux petites
entreprises dans le Territoire
palestinien occupé (TPO), indiquent les
institutions de microfinance
palestiniennes.
« Les banques demandent de solides
garanties et appliquent des procédures
d’octroi de prêt complexes. Ce n’est pas
notre cas », a dit à IRIN Sameer Kraishi,
gestionnaire de microcrédit de
l’Organisation arabe pour le
développement agricole (ACAD). « La
Palestine est un cas particulier …Le
montant des microcrédits que nous
octroyons, en général de l’ordre de 5
000 dollars, est élevé en comparaison
avec les pays en développement comme
l’Inde ».
Dans le cadre de son travail à l’ACAD,
M. Kraishi a vu nombre de Palestiniens
créer des entreprises avec succès grâce
à l’octroi de microcrédits. Mais il sait
également que beaucoup ont échoué. La
crise financière persistante qui frappe
une Autorité palestinienne tributaire de
l’aide, et ses répercussions sur
l’économie générale de la Cisjordanie,
sont loin d’épargner les petites
entreprises, a-t-il dit.
Manque de
soutien des bailleurs de fonds
Selon le haut responsable de l’Autorité
palestinienne Ghassan Khatib, le
paiement des salaires des employés de
l’Autorité a encore une fois été
effectué avec plusieurs jours de retard
ce mois-ci. « L’Autorité palestinienne
est incapable d’honorer ses obligations
de paiement en raison de l’insuffisance
des fonds étrangers. Les perspectives ne
sont pas bonnes pour cette année »,
a-t-il dit à IRIN.
L’insuffisance de l’aide fournie par les
bailleurs de fonds étrangers à
l’Autorité palestinienne est l’une des
raisons du ralentissement de la
croissance économique en Cisjordanie en
2011, a indiqué la Banque mondiale dans
un récent
rapport. En 2011, l’Autorité
palestinienne a demandé 1,5 milliard de
dollars au titre de l’aide budgétaire,
mais n’a finalement reçu que 814
millions de dollars environ. Le déficit
budgétaire récurrent de l’Autorité
palestinienne devrait s’élever à environ
1,1 milliard de dollars en 2012.
« L’essor de la microfinance s’explique
principalement par la dégradation de
l’économie qui, combinée à la crise
financière au sein de l’Autorité
palestinienne, a engendré un chômage
élevé et l’augmentation du taux de
pauvreté. Ainsi, les gens ont commencé à
s’intéresser aux projets privés pour
gagner leur vie », a dit Mme Halawa de
Sharakeh.
Mais les petites entreprises sont
dépendantes des dépenses des employés de
l’Autorité palestinienne. « Lorsque les
salaires sont revus à la baisse, la
demande de biens et de services diminue
», a dit à IRIN Samir Barghouti,
directeur général de l’ACAD, ajoutant :
« En conséquence, nos clients ont
souvent des difficultés à rembourser
leurs microcrédits ; cela engendre des
risques pour eux, mais aussi pour nous,
en tant qu’institution ».
L’échec
n’est jamais très loin
Mahmud al-Haj, 43 ans, vendeur de
légumes sur le marché central de
Ramallah, est l’un des clients de l’ACAD
touchés par le ralentissement
économique.
« L’année dernière, mes bénéfices n’ont
cessé de diminuer. Beaucoup de mes
clients sont des employés de l’Autorité
palestinienne. Ils n’ont pas
suffisamment d’argent quand leurs
salaires sont versés en retard, donc ils
n’achètent rien », a-t-il dit à IRIN.
Il y a quelques années, il gagnait
l’équivalent d’environ 1 600 dollars par
mois ; aujourd’hui, ses bénéfices
mensuels ne dépassent guère 500 dollars.
Il avait emprunté 3 000 dollars.
« Je vends à peine 200 kg de légumes par
mois », a-t-il dit, avant d’ajouter : «
J’ai peur de ne pas pouvoir continuer
une fois que mon prêt sera épuisé. Je
dois payer les taxes municipales. Je
dois m’occuper de ma famille. Je dois
payer les frais de scolarité de mes
enfants, l’électricité, la nourriture,
et j’ai à peine commencé à rembourser
mon prêt ».
Près de la moitié des projets mis en
œuvre grâce aux microcrédits échouent
d’une façon ou d’une autre, selon Shaker
Saadeh, directeur du bureau local de
l’ACAD à Ramallah.
« Beaucoup de nos clients occupaient des
emplois non qualifiés en Israël, ils
n’ont jamais acquis les connaissances
suffisantes pour diriger une entreprise.
D’autres utilisent les microcrédits pour
changer de profession ; une charpentier
décide par exemple de créer une
entreprise agricole, sans vraiment
savoir ce qu’il doit faire », a-t-il
ajouté.
Couture
« Au cours de ces sept dernières années,
j’ai bénéficié de 15 microcrédits
accordés par différentes organisations.
Avant, j’étais salariée, mais j’ai fini
par ouvrir mon propre atelier de couture
», a dit Na’ma Shamali, 48 ans,
installée devant sa machine dans son
atelier de Ramallah.
Son prêt actuel s’élève à 3 000 dollars,
mais l’expérience lui a appris qu’elle
devait investir l’argent emprunté avec
sagesse. « Au début de chaque mois, je
détermine mes priorités. De quoi ai-je
vraiment besoin ? Récemment, j’ai acheté
une nouvelle machine à coudre électrique
pour 9 000 shekels [2 400 dollars]. Mais
au début de chaque mois, je me force à
travailler dur, pour pouvoir rembourser
le prêt », a-t-elle dit.
Grâce à la croissance de son entreprise,
elle et son mari ont pu acheter la
maison qu’ils louaient et inscrire leurs
enfants dans une école privée. « Je fais
5 000 shekels [1 320 dollars] de
bénéfices [par mois] aujourd’hui. Je
suis contente ».
La question de savoir si la
microfinance constitue pour les
femmes un outil d’autonomisation qui
aille au-delà du simple succès financier
a fait l’objet de nombreux débats par le
passé.
Questions
liées au genre
Dans le TPO, la persistance des rôles
traditionnels empêche une réelle
autonomisation des femmes, a dit Nisreen
Swelem, directrice régionale pour la
Cisjordanie de l’Association
palestinienne des femmes d’affaires (Asala),
qui accorde des microcrédits à quelque 4
000 Palestiniennes.
« Souvent les femmes continuent à
travailler d’arrache-pied, tandis que
leurs maris prennent la direction de
l’entreprise. Nous ne pouvons tout
simplement pas contrôler les aspects
culturels », a dit à IRIN Mme Swelem.
Dans le domaine de l’agriculture
notamment, les femmes travaillent
souvent en famille, elles ne sont pas
rémunérées et demeurent dans
l’invisibilité économique, ont montré
les
recherches d’Asala.
« J’essaye de sensibiliser les gens. Je
leur demande qui contrôle l’argent », a
dit Mme Swelem.
« Il y a encore beaucoup à faire en
matière de sensibilisation au genre.
Mais, d’une certaine façon, les réunions
organisées sur la question du genre ont
un impact clairement positif. Nombre des
femmes qui participent aux formations
deviendront à leur tour formatrices ».
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Publié le 23 avril 2012 avec l'aimable
autorisation de l'IRIN
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