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IRIN
Pakistan:
La vallée de Swat fait les frais des combats entre armée et
militants talibans
Dans la vallée de Swat, jadis une vallée
idyllique du Pakistan,
de nombreuses écoles ont été contraintes de fermer en raison
des combats
Photo:
Kamila Hyat/IRIN
ABBOTABAD, 20 décembre
2007 (IRIN) Khurram Ahmed, 36 ans, et ses quatre
enfants se réchauffent, serrés les uns contre les autres, autour
d’un feu dans la maison de son cousin à Abbotabad, une ville
montagneuse de la province de la Frontière du Nord-Ouest (NWFP)
du Pakistan.
La température est descendue à zéro degré et les enfants de M.
Khurram, dont l’aîné a 12 ans, « se plaignent d’avoir
toujours froid ».
Il n’y a plus de couverture chaude dans cette maison qui
abritaient cinq personnes avant l’arrivée de la famille Khurram,
il y a deux semaines.
« Nous souhaitons tous retourner chez nous, dans un village
proche de la ville de Matta dans la vallée de Swat. Mais notre
maison a été détruite par les bombardements de l’armée et il
est impossible d’y vivre pour l’instant. Nous la réparerons
au printemps, après l’hiver », a expliqué M. Khurram.
D’ici là, M. Khurram espère aussi pouvoir épargner
suffisamment d’argent pour remplacer certains biens qu’il a
perdus.
« Nous avons réussi à sauver notre poste de télévision et un
lecteur de cassettes, mais nous avons perdu beaucoup de choses –
notamment ma machine à coudre, nos vêtements et des ustensiles
de cuisine », a expliqué Razika Bibi, 30 ans, épouse de M.
Khurram.
Violents affrontements
La belle vallée panoramique de Swat, située à 250 kilomètres
au nord-ouest d’Abbotabad, est depuis plus d’un mois le théâtre
de violents affrontements entre les forces gouvernementales et les
militants pro-talibans dirigés par Maulana Fazalullah – un chef
religieux qui a tenté d’instaurer sa propre loi dans la région.
Les combats ont baissé en intensité au cours des deux dernières
semaines et bon nombre de bastions des militants sont tombés ;
mais dans la vallée de Swat, où vivent près de 1,5 million de
personnes, c’est la population qui a payé un lourd tribut,
selon les habitants et les organisations non-gouvernementales
(ONG).
Maisons détruites
« Selon les premières estimations que nous avons, il a eu plus
d’un millier de maisons endommagées ou détruites et au moins
400 victimes civils », a confié à IRIN Shaukat Saleem,
coordonateur du groupe permanent de la commission des droits
humains du Pakistan (HRCP), depuis Swat.
Cela contredit le bilan officiel qui fait état de 230 civils et
90 militaires tués.
Bon nombre des destructions ont été causées par l’utilisation
massive d’hélicoptères de combat contre les villages dans
lesquels l’armée pakistanaise pensait que des militants
talibans avaient trouvé refuge.
Pour Sher Muhammad Khan, un activiste basé à Swat, les
bombardements de l’armée ont été aveugles, en particulier
dans les régions montagneuses où des villages ont été bombardés
et des maisons détruites. En outre, a-t-il ajouté, avec le
couvre-feu décrété dans la région, il est difficile d’évaluer
l’ampleur des dégâts.
« Pendant des années, nous avons rencontré des difficultés en
raison de la présence des militants dont les actions ont fait
fuir les touristes et nous privent d’une source importante de
revenus. Nous avons donc été favorables à l’action de l’armée,
mais elle a aussi causé de nombreux dégâts », a expliqué
Afsar Khan, 30 ans, un habitant de la région touristique de
Miandam.
A Swat, des éléments extrémistes incitent des
parents à envoyer leurs enfants dans des écoles islamiques
Photo:
Kamila Hyat/IRIN
M. Afsar, dont
la famille est restée à Swat, s’est rendu Abbotabad – à
quelque 116 kilomètres au nord d’Islamabad – pour trouver un
emploi, étant donné que les activités touristiques ne devraient
pas reprendre dans les zones sinistrées de Swat avant au moins
une année.
Les estimations concernant le nombre de personnes déplacées
varient, mais au plus fort du conflit, certaines informations
indiquaient que jusqu’à 60 pour cent des habitants de la vallée
avaient fui leur domicile, et s’étaient réfugiés, pour la
plupart, chez des amis et des parents.
Depuis lors, bon nombre d’entre eux sont retournés dans leurs
villages, mais certains ont choisi de quitter définitivement la région.
« Qui peut prédire quand les violences éclateront de nouveau ?
», s’est demandé Sher Mir, 45 ans, un chauffeur de bus de la région
de Kalam dans la vallée de Swat, qui espère s’installer
prochainement à Islamabad ou à Peshawar.
Ecoles fermées, enfants traumatisés
Entre temps, les combats et les couvre-feux ont gravement perturbé
la vie dans la région, en particulier l’éducation, et plus de
2 000 écoles auraient été fermées pour des durées diverses.
« Le trimestre scolaire a été bouleversé pour les enfants »,
a expliqué Amjad Abbas, professeur d’un collège de la ville de
Mingora. Dans les écoles affectées par le conflit, a-t-il indiqué,
les prochaines vacances scolaires seront probablement écourtées
pour rattraper le temps perdu.
Les couvre-feux continuent d’être appliqués et des accrochages
ont encore lieu entre les troupes gouvernementales et les
combattants talibans dans quelques villages. Dans l’ensemble, le
processus de normalisation est en cours, mais on note tout de même
la persistance d’un traumatisme.
« Les enfants en particulier ont été profondément marqués. Il
ne se sentent pas en sécurité », selon M. Abbas.
Carte du Pakistan et de la région environnante.
Le district de Swat y est indiqué en rouge
Photo Google Maps
Outre les
bombardements aériens, des militants ont commis des actes de
violence et des meurtres pour se venger des personnes qu’ils
soupçonnaient d’être favorables au gouvernement. Mais le
sentiment de soulagement qui prévaut actuellement laisse penser
que le pire est passé.
« Les opérations dans la vallée de Swat ont été menées pour
le bien de la population locale qui a énormément souffert de la
présence des militants », a indiqué Javed Iqbal Cheema,
porte-parole du ministère pakistanais de l’Intérieur.
Alors que la situation se normalise, la population espère que la
région de Swat retrouvera la paix qu’elle a connue pendant si
longtemps et que les violences des six ou sept dernières semaines
ne se reproduiront plus. Copyright © IRIN
2007
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