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IRIN
Israël-TPO:
Des bergers palestiniens contraints de quitter leurs terres
Avec le coût de plus en plus élevé du
fourrage, le poids économique sur les bergers
et les paysans de Cisjordanie sera énorme
Photo:
Mel Frykberg/IRIN
IDHNA, SUD DE
LA CISJORDANIE, 19 décembre 2007 (IRIN) « Le plus gros
avantage de Khirbet Qassa, c’était les pâturages. Nous avions
de grands espaces. Maintenant, nous sommes dépendants des autres
et de leurs terres », a déploré Abdel Halim Nattah, un berger
du sud de la Cisjordanie.
Plusieurs semaines plus tôt, Abdel Halim Nattah et les autres
habitants de son village – 37 familles en tout, soit 272
personnes – ont été évacués de Qassa par l’armée israélienne,
qui leur a ordonné d’aller s’installer ailleurs.
Selon l’Administration civile israélienne, ces villageois
palestiniens vivaient sur un site archéologique placé sous l’égide
de l’Etat, et avaient reçu des avertissements concernant leur
évacuation prochaine.
« Ils sont venus à 7 h 30 du matin », a raconté un villageois
à IRIN. « Nous avons renvoyé les femmes, les enfants et les
moutons. Un vieil homme a supplié les soldats de nous laisser
“partir nous-mêmes”. Ils nous ont donné jusqu’au lendemain
dans l’après-midi, et nous ont dit que toute personne qui
resterait [dans le village] serait arrêtée et que tout ce
qu’on laisserait derrière nous serait confisqué ».
Lorsque les villageois ont dit aux soldats qu’ils n’avaient
nulle part où aller, ceux-ci leur ont rétorqué : « Ce n’est
pas notre problème. Ces terres appartiennent à l’Etat ». Certains
villageois ont observé que Qassa se situait entre le mur de séparation
dressé par Israël et la ligne verte tracée avant 1967 ; pour
eux, cette situation géographique a joué un rôle dans leur
expulsion.
La plupart des familles de Khirbet Qassa n’en étaient pas à
leur premier déplacement forcé : 29 des 37 familles expulsées
sont inscrites sur les listes de réfugiés de l’UNRWA,
l’agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens.
Avant de venir à Qassa pendant la guerre israélo-arabe de 1948,
les membres les plus âgés de ces familles vivaient à Beit
Jubrin, aujourd’hui sur le territoire israélien.
« Ce n’est pas facile de tout recommencer en hiver 2007 », a
expliqué Abdel Halim Nattah, 63 ans.
Fourrage perdu
« Nous avions assez de fourrage pour nourrir nos moutons pendant
un an, et tout d’un coup, on a tout perdu. C’est un choc pour
nous », a raconté à IRIN Khaled el Aghberiya, 37 ans, père de
cinq enfants.
Quand l’armée israélienne est venue, à la fin du mois
d’octobre, pour expulser les villageois, bon nombre de leurs
biens, et notamment 240 tonnes de fourrage, 180 dispositifs
d’affouragement et plusieurs réservoirs d’eau ont été détruits.
« Le principal problème, c’est le fourrage. Nous en avions
acheté tellement et nous avons tout perdu. Nous allons devoir
vendre un certain nombre de nos moutons pour en racheter », a
expliqué Khaled el Aghberiya. Avec la hausse du prix du fourrage,
la charge économique sera lourde.
Le prix de l’eau
Les villageois expulsés regrettent également le puits d’eau de
leur ancien village. Pour le moment, les organisations
humanitaires, telles que le Comité international de la
Croix-Rouge (CICR) et Action contre la faim, leur fournissent de
l’eau et des réservoirs, mais ils finiront par être obligés
d’acheter de l’eau eux-mêmes, ce qui leur arrivait rarement
auparavant.
« La communauté vit sur ce territoire depuis 1948 et dépend
entièrement des terres et des ressources en eau qui s’y
trouvent », a indiqué Manuel Bessler, qui dirige le Bureau des
Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires
(OCHA) dans les territoires palestiniens occupés. « Etant donné
qu’ils ont été déplacés et n’ont pas de moyen de
subsistance autre que l’élevage, ils vont devenir plus pauvres
encore et se trouver confrontés à de graves difficultés ».
Après leur expulsion, la plupart des villageois se sont rendus à
Idhna, un village des environs, où ils ont des amis et de la
famille.
« C’est mon chez-moi, pour l’instant. C’est ici que nous
passons tous (29 personnes) la nuit », a expliqué Abdel Halim
Nattah, debout dans un bâtiment à moitié construit dans lequel
il entre en marchant sur une planche de bois placée au travers de
ce qui deviendra un jour un cadre de fenêtre. Toutes les autres
ouvertures béantes qui jalonnent les murs du bâtiment sont
recouvertes de plastique et un gril à charbon fait office
d’unique source de chaleur.
D’autres villageois expulsés dorment sous des tentes fournies
par le CICR et montées sur des terres agricoles, aux environs
d’Idhna.
Les enfants stressés
Ce déménagement forcé a perturbé de nombreux enfants. Ma
fille de neuf ans s’est mise à se réveiller au beau milieu de
la nuit. Mes autres enfants ont commencé à faire pipi au lit »,
s’inquiète un villageois. Son épouse, enceinte de trois mois
au moment de l’expulsion, a fait une fausse couche le lendemain,
a-t-il expliqué.
Fiers, ces bergers n’aiment pas être contraints de demander de
l’aide. « Depuis 1948, nous n’avons jamais demandé quoi que
ce soit aux organisations [humanitaires et aux agences des Nations
Unies]. Mais aujourd’hui, nous avons besoin d’aide », a déclaré
Khaled el Aghberiya.
« Mais nous ne voulons pas la charité. Donnez-nous des
programmes de création d’emplois. S’il le faut, nous vendrons
nos moutons pour contribuer au financement de programmes éducatifs.
S’ils nous forment, nous nous assurerons que cela devienne une
source de revenus durable », a-t-il ajouté, inquiet à l’idée
que lui et les autres bergers ne retrouvent jamais de pâturage
convenable où s’installer. Copyright © IRIN
2007
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