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IRIN
Irak: Les déchets issus de la guerre et la
pollution,
cause de la hausse de la mortalité liée au cancer ?
Un jeune de Bassorah à côté
d’une pile de mortiers non-explosés, près de sa maison (photo
d’archive)
Photo : Mike White
BAGDAD, 15 octobre 2009 (IRIN)
A la fin des années 90, Manal Sabir Abdullah,
âgée de 22 ans et originaire de Bassorah, a découvert qu’elle
était atteinte d’un cancer des poumons, dont elle est morte en
2004.
« Son cancer était bizarre car personne dans notre famille
n’avait eu de cancer et elle n’avait jamais été en mauvaise
santé, elle n’avait aucune mauvaise habitude », a dit Hassan
Najim Ghanim, son époux. « Aucun médecin n’a pu déterminer
comment elle avait développé la maladie, mais la plupart pense
qu’elle a probablement été causée par l’air, le sol et l’eau
contaminés ».
Selon des officiels, les déchets issus des trois dernières
guerres en Irak – la guerre Iran-Irak dans les années 1980, la
guerre du Golfe en 1991, et l’invasion conduite par les
Etats-Unis en 2003 – associés à une absence de contrôles
gouvernementaux adéquats sur les émissions et les effluents
industriels, ont transformé l’Irak en l’un des pays les plus
contaminés au monde.
« Il y a un certain nombre de défis environnementaux en Irak »,
a dit Narmin Othman, la ministre de l’Environnement, à IRIN. «
L’un d’entre eux est la contamination de l’eau, de l’air et du
sol causée principalement par les émissions des voitures et des
générateurs dans les zones surpeuplées, l’utilisation
inappropriée des engrais chimiques, les déchets issus de la
guerre et des bombardements avec de l’uranium appauvri ».
Elle a dit que son ministère avait identifié des véhicules
militaires et des chars contaminés avec des matériaux
radioactifs datant des guerres de 1991 et de 2003, mais
qu’aucune action n’avait été entreprise pour s’en débarrasser.
Il y a eu un manque de surveillance du gouvernement concernant
les déchets déversés dans les deux principaux fleuves du pays –
le Tigre et l’Euphrate. Ces déchets incluent ceux de l’industrie
lourde, des usines de tannage et de peinture, ainsi que les eaux
usées et les déchets des hôpitaux, a-t-elle dit.
« Les niveaux de contamination augmentent de façon significative
en Irak », a-t-elle conclu.
Uranium appauvri
Les forces de la coalition conduite par les Etats-Unis ont
utilisé de l’uranium appauvri (UA) comme un « pénétrant » du
blindage des chars durant les guerres de 1991 et 2003. Parmi les
rapports de plus en plus nombreux sur les problèmes de santé des
vétérans, une campagne internationale a demandé une
interdiction
mondiale des armes à l'uranium appauvri sur la base de
considérations de santé publique.
Une
enquête de l’Agence internationale de l’énergie atomique au
Koweït en 2002 a montré que l’uranium appauvri des munitions
utilisées lors de la guerre du Golf de 1991 ne représentait pas
un risque d’irradiation.
Photo: IAEA
Le département de la Défense des Etats-Unis a
nié que l’uranium appauvri constitue une menace quand on y est
exposé, mais il surveille les soldats qui ont reçu des éclats de
blindage contenant de l’uranium appauvri pendant les combats.
Jusqu’ici, les niveaux d’uranium appauvri détectés après
des tests « ne posent pas » de risques « connus » pour la santé,
a dit dans une
déclaration William Winkenwerder, secrétaire adjoint à la
Défense pour les Affaires Médicales.
Mais dans un jugement qui fait date, un
tribunal britannique a conclu en septembre 2009 que
l’exposition à l’uranium appauvri lors de la guerre du Golf de
1991 était la cause probable du cancer du colon qui a tué le
vétéran britannique Stuart Dyson en juin 2008.
L’uranium appauvri est un métal lourd, produit dérivé du
processus d’enrichissement de l’uranium. Il peut pénétrer dans
le corps humain par inhalation, en mangeant de la nourriture
contaminée, en mangeant avec des mains contaminées ou en
exposant une plaie ouverte à de la poussière ou des débris
contaminés, selon Rahim Hani Nasih, médecin à Mossoul.
Il contamine aussi le sol et l’eau, et recouvre les bâtiments de
poussière radioactive. Le vent et les tempêtes de sable
disséminent la contamination, ce qui engendre des maladies, y
compris le cancer, selon M. Nasih.
Dans une publication datant de 2005, le Programme des Nations
Unies pour l’environnement (UNEP) a identifié 311 sites en Irak
contaminés par l’uranium appauvri et a dit que le nettoyage de
ces sites prendrait plusieurs années. Aucune donnée chiffrée
n’était disponible au ministère de la Santé sur le nombre de cas
de cancer qui pourrait être lié ou causé par la contamination
par les déchets issus de la guerre.
L’étude de Bassorah
Qusai Abdul-Latif Aboud, responsable du Directoire pour
l’Amélioration de la Santé (EHD – affiliée au ministère de la
Santé) dans la province méridionale de Bassorah, a dit que les
déchets issus de la guerre en Irak étaient devenus une des
causes principales de cancer – avec le tabac, les émissions de
gaz toxiques et d’autres types de pollution.
En début d’année, une étude de l’EHD a noté que 340 cas de
leucémie avaient été enregistrés entre 2001 et 2008 à Bassorah.
Il y avait eu 17 cas en 1988 et 93 cas en 1997, selon M. Aboud.
Cette étude porte uniquement sur la leucémie, car les cas de
cette maladie sont en très nette augmentation à Bassorah.
On a aussi trouvé que le niveau d’uranium dans le sol de
Bassorah a bondi de 60-70 becquerels par kilogramme de terre
avant 1991 à 10 000 becquerels par kilogramme en 2009. Des
niveaux allant jusqu'à 36 205 becquerels par kilogramme ont été
enregistrés dans des zones contenant des déchets issus de la
guerre.
Mr Aboud a dit que l’EHD comptait sur les médias et les chefs de
communautés pour une plus grande sensibilisation à
l’autoprotection et sur les moyens d’éviter les zones
contaminées.
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