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IRIN
Monde:
Les nouveaux géants de l'aide humanitaire
Bill Gates, Président de Microsoft
Corporation
et co-président de la Fondation Bill et Melinda Gates
Photo Microsoft NAIROBI, 12
novembre 2007 (IRIN) L’ardeur entrepreneuriale, l’innovation
et les budgets colossaux des fondations privées permettront-ils
de réussir là où une industrie internationale humanitaire sclérosée
et indisciplinée a échoué ? Ou alors, la « nouvelle
philanthropie capitaliste » n’est-elle que la simple
manifestation d’une certaine forme d’arrogance, de vanité et
de naïveté de la part de grosses fortunes, dans un univers où mêmes
les experts humanitaires ont échoué ?
Pour l’économiste Jeffrey Sachs, avec un budget annuel de 150
milliards de dollars, il est possible d’atteindre les Objectifs
du millénaire pour le développement (OMD) fixés à l’horizon
de l’année 2015.
« Nos gouvernements ne font rien, alors que des gens meurent »,
a-t-il déploré. Plutôt que de faire appel aux pays du G8 – le
groupe des huit pays les plus industrialisés –, M. Sachs pense
que les personnalités figurant sur la liste des plus grosses
fortunes du monde établie par le magazine américain Forbes représentent
les meilleures sources potentielles de financement pour se
procurer les fonds nécessaires à la réalisation de ces
objectifs. En effet, précise M. Sachs, en ne prélevant que cinq
pour cent sur les revenus des 950 milliardaires en dollars recensés
dans le monde, on peut aisément réunir ces fonds.
Mais certains doutent de l’efficacité de cette approche. « Les
difficultés que nous rencontrons dans le cadre de la réduction
de la pauvreté, des maladies et de bien d’autres problèmes ne
sont pas d’ordre financier », a affirmé Randolph Kent,
directeur du projet ‘Humanitarian Futures’ au King’s College,
de l’Université de Londres (University of London). «
Lorsqu’on injecte plus d’argent pour tenter de résoudre des
problèmes, on court plus le risque de voir ces derniers se
multiplier que d’apporter des solutions idoines à ces problèmes».
Les grosses fortunes de ce monde et ceux qui les soutiennent ne
sont pas de cet avis. « Notre génération a une occasion unique
de marquer l’histoire. Nous avons l’argent, le savoir et nous
connaissons des personnalités capables d’aider l’Afrique.
Nous pouvons y arriver avec le concours de personnes comme Bill
Gates », a affirmé le chanteur de rock et activiste irlandais,
Bono.
La bonne volonté
Depuis l’année 2000, la fondation Bill et Melinda Gates a
investi quelque 13,6 milliards de dollars dans des projets
nationaux et internationaux. Et les avoirs de la fondation
devraient atteindre les 60 milliards de dollars avec
l’importante contribution financière de l’homme d’affaires
et investisseur américain Warren Buffett.
Dans un nouveau style d’action appelée « capital-risque
philanthropique (venture philanthropy) », la fondation Gates
tente de résoudre quelques-uns des graves problèmes de la planète,
en particulier dans le domaine de la santé, en optant pour une
approche pratique et novatrice.
Ainsi, dans cadre d’une de ses dernières initiatives, la
fondation a démarré en octobre 2007 un nouveau programme sur
cinq ans, d’un montant de 100 millions de dollars, destiné à
encourager les recherches médicales innovantes. Lancée au Cap,
en, Afrique du Sud, cette initiative, baptisée Grand Challenges
Explorations programme, a pour objectif d’aider des
scientifiques de pays africains et asiatiques dans leurs
recherches en leur octroyant des subventions d’un montant de 100
000 dollars.
La fondation a massivement investi dans certains aspects clés de
la recherche médicale et de la chirurgie, en particulier dans des
domaines considérés comme non rentables par l’industrie
pharmaceutique et médicale du secteur privé.
La puissance des partenariats
Aux côtés des grosses fortunes figurent des activistes comme le
chanteur Bono et Bill Clinton, l’ancien président des
Etats-Unis.
Le forum annuel que M. Clinton organise à New York pour collecter
des fonds permet de réunir un millier de participants parmi
lesquels figurent les plus grosses fortunes du monde et de
nombreux décideurs internationaux. Ce forum a eu lieu cette année
au mois de septembre et 52 anciens et actuels chefs d’Etat y ont
participé, chaque participant ayant versé 15 000 dollars pour débattre
de sujets qui, autrefois, étaient le domaine réservé des
organisations humanitaires.
L’objectif de la Clinton Global Initiative (CGI) « est de créer
un groupe permettant de réunir des personnalités disposant
d’importants moyens financiers et des décideurs ayant les idées
les plus novatrices ». La CGI n’accorde pas de subventions mais
agit comme un entremetteur. Dans le cadre de cette initiative,
considérée comme « une bourse aux dons destinés à des causes
utiles », des promesses de dons d’un montant d’environ 10
milliards de dollars ont déjà été enregistrées.
Entrepreneurs philanthropes
L’aspect le moins reluisant de cette nouvelle philanthropie est
le nouveau type de relations qu’elle instaure entre le secteur
privé et les organisations caritatives.
« Certains philanthropes entrepreneurs », comme l’Impetus
Trust au Royaume-Uni, ont introduit dans le secteur du bénévolat
des techniques empruntées au capital-risque pour aider les
organisations caritatives à améliorer leur gestion et leurs
performances. Acumen Fund, un fonds américain, investit dans des
entreprises en faveur des pauvres, mais attend que celles-ci réalisent
des bénéfices, tout en cherchant à promouvoir des produits
rentables et des bonnes causes.
Des critiques qui dérangent
Mais Muhammad Yunus, lauréat du Prix Nobel de la paix et
fondateur de la première institution de microcrédit, doute plutôt
de ces méthodes.
« Lorsqu’une entreprise réalise un bénéfice de 100 dollars
et en consacre cinq pour une bonne cause, et ce dans le seul but
peut-être de ne pas payer des impôts, cela ne m’impressionne
pas vraiment ».
« Je m’intéresse plus à ce que représente la philanthropie
à l’échelle mondiale qu’au simple don individuel de quelques
milliardaires anglo-américains », a fait remarquer M. Kent de
l’Université de Londres.
« S’il est vrai que pour l’instant les organisations
humanitaires ne sont pas encore parvenues à résoudre
quelques-uns des plus graves problèmes de la planète, rien ne
permet d’affirmer que les milliardaires y parviendront. Je ne
suis pas convaincu qu’ils présentent un quelconque avantage en
termes de capacité d’analyse et de fiabilité par rapport aux mécanismes
habituels mis en œuvre pour résoudre ces problèmes », a conclu
M. Kent.
« Certes, il est trop tôt pour en juger, mais je ne serais
surpris s’ils parvenaient à trouver des solutions radicales aux
problèmes qui perdurent ».
Au moins un de ces milliardaires n’a pas de doute sur les
raisons qui le poussent à agir. « Si nous ne réglons pas le
problème du changement climatique, nous serons amenés à nous
retourner contre nous-mêmes […] Et avant de finir tous brûlés,
nous nous entretuerons », a indiqué George Soros, financier et
philanthrope américain.
Quant à Richard Branson, propriétaire du groupe britannique
Virgin, il semble bien résumer l’esprit de la nouvelle
philanthropie dans cette affirmation : « Je refuse de penser que
ne nous ne pouvons pas résoudre ces problèmes ». Copyright © IRIN
2007
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