Nouvelles et analyses humanitaires
Israël-TPO: Se
déraciner et partir pour Ramallah
IRIN
L’artiste
israélo-palestinien Elias Nicola fait
partie de ces Palestiniens
de plus en plus nombreux à quitter
Israël pour Ramallah en Cisjordanie
Photo: Andreas Hackl/IRIN
JÉRUSALEM, 10 septembre 2012 (IRIN)
De plus en plus de citoyens palestiniens
d’Israël viennent s’installer à Ramallah
en Cisjordanie pour trouver un travail,
étudier ou vivre dans ce qu’ils
perçoivent comme un environnement plus
favorable.
« Ils ne s’enfuient pas, ils essayent de
se construire un avenir. Et si cela
implique de partir au lieu de rester
dans un État discriminatoire à leur
égard, que pouvons-nous faire ? » a
déclaré Rania Laham-Grayeb, directrice
adjointe de Mossawa, le Centre pour la
défense des droits des citoyens arabes
en Israël.
Si les raisons maritales et le désir de
vivre dans un environnement
exclusivement arabe font partie des
décisions qui poussent à partir, la
marginalisation en Israël est également
un facteur important d’incitation au
départ.
« Cette évolution est liée à la
discrimination subie par les Arabes en
Israël », a déclaré à IRIN Samer Salame,
responsable de la cellule emploi du
ministère du Travail de l’Autorité
palestinienne. « Ils viennent en
Cisjordanie pour travailler dans le
secteur informatique, universitaire,
pour ouvrir un commerce ou étudier. Ils
habitent souvent ici aussi ».
Cependant, craignant de perdre leur
nationalité ou leur statut de résident
israélien, la plupart n’enregistrent pas
leur changement de domicile ou de lieu
de travail – il n’y a pas de chiffres
officiels du nombre de citoyens
palestiniens d’Israël vivant sur les
Territoires palestiniens occupés, même
si M. Salame a affirmé qu’il y avait au
moins 1 000 citoyens israéliens
dirigeants de commerces ou employés à
Ramallah, sans compter les étudiants et
les artistes.
En 2011, il y avait environ
1,5 million de Palestiniens en
Israël, représentant environ 20 pour
cent des 7,7 millions de la population.
Ces chiffres incluent les 285 000
Palestiniens de Jérusalem-Est occupé
qui, pour la plupart, n’ont pas la
nationalité israélienne mais un status
de résident permanent.
D’après un récent
rapport de International Crisis
Group, les citoyens arabes d’Israël sont
marginalisés politiquement et
désavantagés économiquement.
Adalah, une ONG qui défend les droits
civils des Palestiniens d’Israël,
affirme que 30 lois israéliennes
discriminent directement ou
indirectement les citoyens palestiniens.
« Cela place la démocratie israélienne
sous un gros point d’interrogation », a
déclaré Mme Laham-Grayeb de Mossawa.
La loi pour la citoyenneté et l’entrée
en Israël – interdisant aux Palestiniens
de Cisjordanie et de Gaza qui sont
mariés à des ressortissants israéliens
d’obtenir le statut de résident en
Israël – est une autre raison pour
laquelle les Arabes israéliens optent
pour une vie nouvelle en Cisjordanie. «
Ils n’ont pas d’autre choix. Les
considérations familiales sont un
important facteur d’émigration, car il
est impossible pour les Palestiniens
d’Israël d’épouser quelqu’un de
Cisjordanie et de vivre avec leur
conjoint en Israël ».
Perspectives d’emploi
Le citoyen israélien Saed Nashed, qui a
grandi dans un quartier mixte à Haïfa, a
obtenu son diplôme en génie électrique
dans une université israélienne avant de
travailler pendant des années comme
spécialiste TI aux États-Unis et en
Jordanie. Selon ses dires, quand il est
revenu chercher un travail en Israël, il
a rencontré des difficultés.
« J’ai postulé pour plus de 100 emplois.
Une fois, un recruteur m’a dit : « Oh,
vous êtes un Arabe de Nazareth.
Malheureusement, nous travaillons
parfois pour l’armée israélienne, je
suis désolé », a déclaré à IRIN M.
Nashed. Se voir refuser des postes pour
des raisons de sécurité est une réalité
courante pour beaucoup de Palestiniens
en Israël.
Le ministre des Affaires étrangères
israélien a déclaré à IRIN qu’Israël ne
faisait pas de discrimination ethnique
mais qu’une formation en rapport avec
l’armée pouvait être exigée pour
certains postes. Cela ne s’applique pas
seulement aux Israéliens d’origine
palestinienne mais également aux
nouveaux immigrés qui n’ont pas effectué
leur service militaire en Israél.
« Le sentiment général de
marginalisation et de
discrimination m’a simplement
poussé à m’installer du côté
palestinien » |
Aujourd’hui, M. Nashed dirige sa propre
entreprise à Ramallah. « Mais les
salaires ici sont beaucoup plus bas
qu’en Israël et l’environnement est
moins passionnant », a-t-il dit. «
J’aimerais travailler en Israël. C’est
plus stimulant, plus cosmopolite. Mais
tant que ces barrières racistes n’ont
pas disparu, vous ne vous sentez pas
bienvenu dans les villes ».
En réaction à ces allégations, le
ministre israélien du travail a rétorqué
à IRIN que le droit du travail était «
très progressiste en matière d’égalité
des chances ». Récemment, une commission
d’égalité d’accès à l’emploi a été
créée. La directrice nationale, Ina
Soltanivich-David, a déclaré à IRIN : «
Nous considérons le sujet de la
discrimination contre la population
arabe dans le monde du travail comme
l’un des principaux problèmes et, par
conséquent, nous investissons une grande
partie de nos ressources pour éliminer
le phénomène d’interdiction ».
Éducation
Mahmoud Mi’ari, qui était censé obtenir
un poste à l’Université d’Haïfa en 1972
a quitté Israël depuis longtemps.
« Dix jours seulement avant que je ne
commence à enseigner, le Shin Bet [les
services secrets israéliens] a annulé ma
nomination », a affirmé M. Mi’ari,
professeur à l’Université de Birzeit de
Ramallah. Il a été écarté pour des
raisons de sécurité. M. Mi’ari a dit
qu’il n’avait jamais découvert ce qu’ils
avaient contre lui exactement. « Le
sentiment général de marginalisation et
de discrimination m’a simplement poussé
à m’installer du côté palestinien ».
D’autres intellectuels arabes ont
souligné la marginalisation des
universitaires palestiniens dans le
système universitaire israélien comme
étant la cause principale de départ,
faisant remarquer l’obligation de
travailler en hébreu. Majid Shihade, un
autre professeur de l’Université de
Birzeit qui est citoyen israélien, a
déclaré à IRIN : « Nos qualifications
ont plus de valeur ici ».
Les étudiants tournent également le dos
aux universités israéliennes. D’après le
Centre israélien d’information et de
recherche de la Knesset (lien en
hébreu), quelque 1 300 étudiants arabes
étudient actuellement dans des
universités de Cisjordanie, dont environ
800 inscrits à l’Université américaine
de Jenin, et 400 étudiants, pour la
plupart bédouins, inscrits à
l’Université d’Hébron. Quelque 5 400
étudiants israélo-palestiniens suivent
leurs études supérieures en Jordanie.
Le centre de recherche a également
remarqué que les étudiants palestiniens
diplômés des universités israéliennes
avaient des difficultés à trouver un
travail s’ils n’avaient pas effectué
leur service militaire.
Un ghetto culturel ?
« Les artistes, les écrivains, toutes
sortes de gens dans le domaine de la
culture partent s’installer en
Cisjordanie. Il y a simplement plus
d’opportunités qu’en Israël, où le
ministère de la culture dépense moins de
3 pour cent de son budget pour soutenir
les organisations culturelles », a
déclaré Mme Laham-Grayeb.
L’artiste Elias Nicola de Haïfa est l’un
des Palestiniens de nationalité
israélienne qui sont venus vivre à
Ramallah pour des raisons culturelles.
Il gère un restaurant rattaché au
théâtre Al-Kasaba de Ramallah, après
avoir dirigé un bar à Haïfa. Les
enseignants, artistes, étudiants et
homme d’affaires qui s’intéressent à
l’artisanat traditionnel ont tous été
attirés par l’environnement culturel,
a-t-il ajouté.
Cependant, M. Nicola craint que
l’émigration des Palestiniens d’Israël
ne soit ce que le gouvernement
recherche, déclarant : « Il serait
content de nous voir tous vivre à
Ramallah ».
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Publié le 10 septembre 2012 avec
l'aimable autorisation de l'IRIN
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