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IRIN
Israël-TPO:
Le village de Nu'man presque enclavé par la barrière de
Cisjordanie

Les enfants doivent passer le poste de contrôle pour se
rendre à l'école
Photo:
Kareem Jubran/B'tselem
NUMAN, 10 mars 2008 (IRIN)
« Avec le tracé du Mur, on ne peut aller nulle
part », s’est indigné Youssef el Darawi, en dessinant le tracé
de la barrière dressée par Israël, qui isole le village de
Nu'man à la fois de Jérusalem Est et de la Cisjordanie, et en
fait presque une enclave.
« Tous les gens qui veulent nous rendre visite doivent figurer
sur la liste qui se trouve au poste de contrôle situé à l’entrée
du village », a-t-il expliqué, y compris les prestataires des
services les plus élémentaires. La plupart des 170 habitants du
village doivent y entrer et en sortir à pied.
Seuls quelques habitants sont autorisés à pénétrer dans le
village à bord de leur véhicule, ce qui limite les importations
de marchandises, tandis que les soldats israéliens restreignent
encore davantage les quantités de farine, de viande et de
légumes susceptibles d’être apportées au village, selon les
villageois.
« Si l’on veut entrer dans le village avec un sac de 50 kilos de
farine, les soldats l’ouvrent et vérifient ce qu’il y a dedans.
Parfois, la farine devient inutilisable, ou bien on en perd une
partie », a expliqué Youssef el Darawi. « Quand on amène du
fourrage, ils l’étalent pour l’examiner. Cela prend trois heures
et ça nous fait perdre du fourrage ».
Selon B'tselem, une association israélienne de défense des
droits humains, ces restrictions « ont paralysé la vie
économique du village ».
Le porte-parole de la police israélienne des frontières n’a pas
souhaité répondre aux questions d’IRIN, mais le gouvernement
israélien a expliqué, à de nombreuses reprises, l’importance de
la barrière, essentielle, selon lui, à la sécurité du pays.
Cartes d’identité

Nidal au milieu des ruines de sa maison
Photo:
Shabtai Gold/IRIN
Après l’occupation de 1967, les Israéliens ont
annexé Jérusalem Est et accordé aux habitants un permis de
séjour israélien, tout en délivrant des cartes d’identité
distinctes aux Cisjordaniens. Les habitants de Nu'man ont reçu
le statut de Cisjordaniens, bien que le village se situe dans
Jérusalem, ce qui ne représentait pas un problème majeur,
jusqu’au début du régime d’enfermement mis en place par Israël,
dans les années 1990.
A la suite des flambées de violence de 2000, la circulation des
populations a été restreinte davantage et la construction du Mur
a abouti à l’établissement d’un poste de contrôle, en 2006, par
lequel toutes les allées et venues doivent s’effectuer.
En 2004, les habitants du village ont déposé une requête auprès
de la Haute Cour israélienne, pour exiger que le tracé de la
barrière soit modifié ou qu’ils se voient délivrer des cartes
d’identité de Jérusalem et accorder la liberté de circulation.
Un comité devait être formé pour mettre à jour leur statut,
pourtant rien n’a changé, à en croire l’association de défense
des droits humains israélienne B'tselem. En 2007, les villageois
sont retournés devant la cour, pour réitérer leur revendication
; la requête est en instance.
Selon Sarit Michaeli, porte-parole de B'tselem, l’expansion de
la colonie israélienne de Har Homa, située non loin, et la
construction prévue d’autres colonies, sont à l’origine du
problème de Nu’man. Les colonies ont déjà monopolisé une partie
des terres qui appartenaient au village.
« Quand on regarde ce qui se passe sur place, on est en droit de
se préoccuper », a déclaré Mme Michaeli.
Permis de travail israéliens

Sama, âgée de 10 ans, doit passer le poste de contrôle
toute seule pour se rendre à l'école
Photo:
Shabtai Gold/IRIN
Jusqu’en 2003, bon nombre d’habitants
travaillaient comme ouvriers en Israël ; aujourd’hui, la plupart
d’entre eux ne parviennent plus à obtenir de permis de travail
israéliens.
Tel était le cas de Nidal. Le jeune homme a travaillé en Israël
pendant quelques années, et a mis de l’argent de côté pour se
construire une maison. En 2006, malheureusement, la municipalité
de Jérusalem a détruit sa maison, dont la construction n’avait
pas été autorisée, selon les autorités.
« J’étais fiancé à une fille de Bethlehem à l’époque de la
démolition », a raconté Nidal, 26 ans, debout au beau milieu de
la partie de sa maison qui a échappé à l’effondrement.
« Le mariage a été annulé par la suite, puisque nous n’avions
nulle part où habiter », a-t-il ajouté. Sans permis de travail
israélien, le jeune homme n’avait pas les moyens de reconstruire
et a depuis lors emménagé chez sa mère.
Les habitants ont été scandalisés par les démolitions menées par
la municipalité. « Comment se fait-il qu’ils se souviennent de
nous après avoir omis de nous offrir le moindre service depuis
40 ans ? », s’est interrogé l’un d’entre eux.
« Le problème de ces habitants qui ne sont pas résidents de
Jérusalem a été soumis à l’examen du ministère de la Justice et
la municipalité attend la décision du ministère à ce sujet », a
déclaré à IRIN la municipalité de Jérusalem.
Plus que gênant ?
Les problèmes matrimoniaux de Nidal ne sont pas un cas isolé. En
général, les villageoises préfèrent épouser des hommes qui
vivent hors du village et partir, tandis que les femmes qui
vivent hors du village hésitent à épouser des hommes de Nu'man
et s’exposent à de strictes restrictions.

La maison de Nidal, détruite par la municipalité de
Jérusalem
Photo:
Shabtai Gold/IRIN
Le jour du dernier mariage qui a eu lieu à
Nu'man, à la fin de l’année 2006, le marié, qui habitait un
autre village, n’a pas obtenu l’autorisation d’entrer. La mariée
a dû se rendre à pied jusqu’au poste de contrôle, le jour de ses
noces, pour rencontrer son futur mari et l’épouser.
Les habitants qui veulent être soignés doivent passer par le
poste de contrôle, puis trouver un taxi qui les emmène au centre
de santé le plus proche. De même, les enfants vont généralement
à pied à l’école, dans les villages alentour ; certains
parviennent néanmoins à s’y faire déposer à partir de la route
principale, une fois qu’ils ont passé le poste de contrôle.
Sama, 10 ans, parcourt trois kilomètres à pied chaque jour pour
se rendre à l’école, « qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il fasse
chaud », a expliqué Jamal, son père, qui s’inquiète pour sa
fille.
« Parfois, je dois rester tard à l’école, parce que je participe
à des activités extrascolaires », a expliqué la fillette. « Ces
jours-là, je suis obligée de rentrer seule ». Copyright © IRIN
2008
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