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Rapport
EGYPTE: Manque de préparation des pouvoirs
publics aux catastrophes urbaines
Ces éboulements
tragiques ont une nouvelle fois provoqué les foudres des
populations
face à la lenteur de l’intervention des secours publics
Photo: IRIN
LE CAIRE, 8 septembre 2008 (IRIN)
Quelques jours à peine après l’incendie qui a
ravagé la chambre haute du Parlement égyptien, au cœur du Caire,
la capitale égyptienne a été le théâtre d’une autre catastrophe,
le 6 septembre, lorsque des éboulements ont balayé 50
habitations dans un bidonville de l’est de la ville.
Ces crises ont souligné les lacunes en matière de mesures
publiques de planification urbaine et le manque de respect des
mesures de sécurité, selon les observateurs.
D’après les responsables des services de sécurité, environ huit
blocs de pierre de quelque 60 tonnes chacun se sont effondrés
sur le bidonville du quartier de Deweka, dans l’est du Caire, le
long de la colline du Moqattam, à la périphérie de la ville.
À ce jour, plus de 30 personnes ont trouvé la mort et des
dizaines de personnes ont été blessées ; des dizaines d’autres
sont encore ensevelies sous les décombres de leurs habitations,
selon les habitants du quartier. La zone touchée serait
d’environ 60 mètres de large et 15 mètres de long, selon les
estimations.
« La famille de ma femme habite à Deweka », a expliqué Talaat
Kamal, un jeune habitant de Manchiyet Nasser, à l’ouest de la
colline du Moqattam. « Notre famille va bien, heureusement, mais
les gens sont traumatisés, ils pleurent, ils crient. La crise
est survenue tôt dans la matinée et pendant le Ramadan [mois de
jeûne musulman] ; les gens ne quittent leur domicile que tard
dans la journée. Cela a augmenté le nombre des victimes ».
La police a bouclé le périmètre, mais aucun engin lourd de
secours aux victimes n’a été aperçu par les personnes présentes
avant une heure avancée de la journée.
À l’arrivée des engins sur le site, ceux-ci n’ont pas été
utilisés de crainte qu’ils ne provoquent davantage de dégâts.
Selon M. Kamal, les habitants du quartier ont tenté, en vain, de
déblayer ensemble le site.
Sans matériel adéquat, les sauveteurs ont dû
se contenter de leurs mains nues
pour tenter de dégager les
victimes coincées sous les décombres
Photo: IRIN
L’Association pour la protection de
l’environnement (APE) ainsi qu’un groupe d’organisations
non-gouvernementales (ONG) locales se trouvaient sur place, avec
leurs bénévoles.
« Treize de nos jeunes ont distribué de l’eau toute la journée
[le 6 septembre]. [Le 7 septembre], nous y [sommes retournés] de
nouveau avec d’autres bénévoles pour distribuer de la nourriture
», a indiqué Ezzat Naim, directeur de l’APE.
Les centres de santé de Deweka et de Manchiyet Nasser ne
disposant pas des structures d’urgence nécessaires pour faire
face au grand nombre de blessés, les patients ont été évacués
vers les hôpitaux d’el Hussein et d’el Zahraa, à 10 minutes de
là, en voiture.
« Un grand nombre d’ambulances ne sont pas prêtes à accueillir
des blessés. Et il n’y a pas de médecins ni d’infirmières dans
les ambulances pour aider les personnes touchées », selon Sabah
Mohammed, un des bénévoles qui participent aux opérations de
secours menées dans la zone.
Les zones situées en contrebas de la colline du Moqattam
abritent des milliers de migrants extrêmement pauvres venus de
la campagne, à l’origine d’une expansion urbaine tentaculaire,
en particulier dans les quartiers de Manchiyet Nasser et de
Deweka. Le premier est traditionnellement le quartier des
éboueurs de la ville, et le second, celui des domestiques.
Un grand ensemble controversé
À Deweka, un grand ensemble, financé par le gouvernement, est en
cours de construction, qui doit permettre de reloger les
habitants des bidonvilles, mais les habitants du quartier se
plaignent d’avoir été tenus à l’écart de ces plans et ont imputé
les retards de construction à la corruption des employés
municipaux.
« Un bidonville juste à côté d’un grand ensemble financé par le
gouvernement, ça vous montre les lacunes en matière de
planification urbaine et la corruption qui l’entache. Nous
sommes venus au Caire dans l’espoir de trouver un moyen de
subsistance. Nous ne nous doutions pas que, même ici, la mort
nous guetterait », a confié Rizk, un habitant du quartier, en se
souvenant des éboulements de 1993, qui avaient fait 30 morts
dans la même zone.
Des résidents sur le site de la catastrophe
Photo: IRIN
Rizk a évoqué les préoccupations croissantes
des habitants à l’idée que les flancs instables de cette falaise
rocheuse puissent provoquer d’autres éboulements. « Le
gouvernement a dressé des cartes géologiques pour identifier les
zones à risque, mais aucune information n’est communiquée aux
communautés qui y vivent », a-t-il dit.
Dans son rapport publié en 2000, Mahmoud Yousif, du département
de géologie de l’université d’Ain Shams, a mis en garde contre
l’instabilité des flancs de la falaise au niveau du plateau
moyen et prévenu que cette instabilité pouvait provoquer des
effondrements qui détruiraient les quartiers voisins.
« Les mesures proposées de précaution et de taillage des flancs
doivent être prises en considération pour pouvoir réduire ces
risques d’effondrement. Des dangers semblables peuvent être
évités dans d’autres zones similaires et dans les nouvelles
villes, en empêchant l’extension anarchique des zones habitables
et l’exploitation sauvage des terres, et en veillant à une
planification urbaine consciencieuse », a recommandé M. Yousif
dans son rapport.
Selon Mohammed el Helw, avocat au Centre égyptien du droit au
logement, toute construction sur cette colline est dangereuse et
devrait être interrompue immédiatement.
« Nous avons engagé des procédures [judiciaires] contre le
gouverneur du Caire et la municipalité de la zone, pour demander
[l’arrêt] des travaux de construction menés sur la colline, qui
menacent la vie des populations », a-t-il indiqué, ajoutant
qu’une trentaine de familles de la région soutenaient ces
procédures, engagées au cours du mois de juillet.
Outre le manque de planification à long terme, les éboulements
tragiques qui ont eu lieu récemment au Moqattam ont une nouvelle
fois provoqué les foudres des populations face à la lenteur de
l’intervention des secours publics.
Deux semaines plus tôt, en raison de cette inefficacité et de ce
délai de réaction, l’incendie déclaré dans la chambre haute du
Parlement s’était propagé aux bâtiments voisins.
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