Nouvelles et analyses humanitaires
TPO: L'eau de Gaza
pourrait cesser d'être potable d'ici
2016
IRIN
Près de
Gaza, les eaux usées non traitées
polluent le Wadi Gaza,
puis finalement la mer, ainsi que les
nappes phréatiques - Photo: ICRC
JÉRUSALEM, 3
septembre 2012 (IRIN)
Dans la bande de
Gaza, l’eau polluée affecte sérieusement
la santé de la population et la
situation semble empirer, ont averti les
Nations Unies
dans un nouveau rapport.
Selon le rapport, la population de Gaza
— qui se chiffre actuellement à environ
1,64 million d’habitants, mais qui croît
rapidement et devrait compter 500 000
âmes de plus d’ici 2020 — pourrait
bientôt perdre sa principale source
d’eau douce. L’aquifère côtier pourrait
en effet devenir inexploitable d’ici
2016 et les dommages pourraient être
irréversibles d’ici 2020.
Selon Mahmud Daher, responsable de
l’Organisation mondiale de la santé
(OMS) à Gaza, la plupart des Gazaouis ne
peuvent pas consommer plus de 70 à 90
litres d’eau par personne et par jour,
soit une quantité inférieure aux 100
litres minimum recommandés par l’OMS.
« Nous sommes témoins de maladies
respiratoires, cutanées et oculaires et
de gastroentérites, qui peuvent toutes
être liées à la pollution de l’eau », a
dit Mohamed al-Kashef, directeur général
du département de coopération
internationale du ministère de la Santé
gazaoui.
Selon un
rapport du Fonds des Nations Unies
pour l’enfance (UNICEF) publié en 2010,
les affections liées à l’eau
représentent environ 26 pour cent des
maladies à Gaza. Cependant, M. Daher
veille à ne pas faire de rapprochements
hâtifs. « Rien ne prouve que la
situation actuelle en matière d’eau
constitue un problème de santé publique
majeur. Nous sommes cependant certains
que les maladies virales et les
parasites sont liés à la pollution de
l’eau. »
Selon l’UNICEF,
la contamination par les nitrates de
l’aquifère représenterait un danger pour
les nourrissons et les femmes enceintes.
L’une des maladies infantiles liées à la
pollution de l’eau est la
méthémoglobinémie, ou « syndrome du bébé
bleu », qui touche des nourrissons nés
dans la bande de Gaza. La maladie serait
causée par le taux élevé de nitrates
dans les nappes phréatiques.
Selon Mahmud Daher, la diarrhée, qui est
devenue très courante dans la bande de
Gaza, serait liée aux mauvaises
conditions d’hygiène dans les
entreprises de désalinisation de l’eau.
« Difficile de dire si le problème vient
[seulement] de l’eau ou s’il peut y
avoir d’autres origines », a-t-il
ajouté.
Mesures
correctives
« En l’absence de mesures correctives
immédiates, les dommages infligés à
l’aquifère côtier seront irréversibles
», est-il écrit dans le rapport des
Nations unies.
Chaque année, 160 millions de mètres
cubes (m3) d’eau en moyenne sont
prélevés dans l’aquifère alors que les
précipitations et les eaux de
ruissellement des collines d’Hébron ne
l’alimentent qu’à hauteur de 50 à 60
millions de m3. La différence entre la
quantité d’eau disponible et la
consommation est donc considérable. Le
niveau de la nappe phréatique est par
conséquent en chute, permettant ainsi
l’infiltration d’eau salée.
Par ailleurs, le rapport prévoit que la
demande en eau atteigne 260 millions de
m3 en 2020, soit une augmentation de 60
pour cent par rapport à aujourd’hui.
« Quand je donne une douche à ma fille,
je dois la rincer une deuxième fois avec
de l’eau en bouteille, car on peut
littéralement sentir le sel collé sur sa
peau », a dit Sami Abu Sultan, une
travailleuse humanitaire de la bande de
Gaza qui intervient dans des projets de
purification de l’eau. « La plupart des
gens estiment que l’eau que nous
consommons n’est pas du tout salubre ».
Il semble en effet qu’ils aient raison :
selon le rapport des Nations Unies, 90
pour cent de l’eau de l’aquifère n’est
pas potable si elle n’est pas traitée.
Une eau
polluée
« Ici, l’approvisionnement en eau pour
la population ne remplit aucun des
critères sanitaires qui existent dans le
monde », a dit Mohamed al-Kashef à IRIN.
« La pollution de l’eau entraîne de
nombreuses maladies, notamment chez les
enfants. »
L’une des sources de pollution est
l’intrusion d’eau de mer dans
l’aquifère, alors que 90 000 m3 d’eaux
usées sont reversés dans la mer chaque
année et que les engrais agricoles,
lessivés par l’irrigation, contaminent
l’eau par les nitrates.
« Les Nations Unies sont optimistes
lorsqu’elles estiment que 90 pour cent
de l’eau est inutilisable. Je dirais
plutôt 95 pour cent », a dit Munther
Shoblak, directeur général de l’office
des eaux des municipalités de la côte de
Gaza (Coastal Municipalities Water
Utility, CMWU).
M. Shoblak a ajouté que le niveau de
nitrates atteignait 500 mg par litre
dans certaines zones et 100 à 150 mg par
litre en moyenne. La norme
internationale recommande un niveau de
nitrate inférieur à 50 mg.
Dans la bande de Gaza,
500 000 personnes environ ne sont
pas raccordées au réseau d’égouts et
doivent donc utiliser des fosses
d’aisance et des canaux d’écoulement à
surface libre qui contaminent souvent
l’environnement et polluent l’aquifère.
L’eau fournie par les réseaux municipaux
étant polluée, environ
83 pour cent des foyers achètent de
l’eau dessalée, qui absorbe jusqu’au
tiers du revenu des familles. Or, même
cette eau n’est pas toujours
suffisamment propre. Par ailleurs, ceux
qui n’ont pas les moyens d’en acheter
utilisent des puits privés ou agricoles,
souvent contaminés et pollués.
Programmes
de dessalement
Des efforts sont en cours pour améliorer
la situation en dessalant de l’eau de
mer, ce qui pourrait réduire la quantité
d’eau puisée dans l’aquifère tout en
fournissant une eau potable plus propre.br>
« Plusieurs solutions ont été adoptées
», a dit M. Shoblak, du CMWU. «
L’objectif à court terme est de dessaler
13 millions de [m3] d’eau d’ici 2015. La
priorité sera donnée aux zones les plus
vulnérables où la pollution est
particulièrement élevée. À long terme,
de grandes usines de dessalement
devraient produire au moins 100 millions
de [m3] d’eau par an avant 2020. »
SSelon M. Shoblak, la Banque islamique de
développement et l’Union européenne ont
apporté une partie des fonds nécessaires
pour atteindre le premier objectif.
L’Union pour la Méditerranée participe à
l’avancement du plan à long terme,
a-t-il ajouté. L’organisation
prévoit l’installation d’une usine
de dessalement d’une capacité de 55
millions de m3 par an dans une première
phase, puis de 110 millions de m3 dans
une deuxième phase.
Pourtant, malgré les efforts visant à
résoudre cette crise, une véritable
solution est loin d’être atteinte. «
Même en employant des mesures
correctives pour mettre fin à
l’extraction d’eau, il faudra des
décennies avant que l’aquifère ne se
rétablisse complètement », indique le
rapport des Nations Unies./p>
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