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Oumma.com
Les derniers croisés
de l'empire américain
Hicham Hamza
Lundi 7 septembre 2009 Crimes de
guerre, corruption, assassinats de témoins, proxénétisme,
tortures, déportations : bienvenue dans le monde enchanté de
Blackwater, groupe paramilitaire made in Usa. A la surprise
générale, le contrat en Irak des sinistres mercenaires vient
d’être prolongé, avec l’accord tacite d’Obama. Plongée en apnée
dans les abysses du cauchemar américain.
Pas besoin de plan média pour
Blackwater, désormais rebaptisé « Xe »
(prononcez « Ziii ») : depuis deux ans, la
société privée de militaires globe-trotteurs n’arrête
pas de faire la une, allant d’un scandale à un autre, au gré des
nouvelles turpitudes dévoilées par d’intrépides journalistes
d‘investigation. Depuis la
fusillade de 17 civils irakiens le 16 septembre 2007
jusqu’à la révélation ces jours-ci par le New York Times d’un
programme secret d’assassinats commandité par la CIA et
sous-traité par Blackwater, la firme privée de soldats
baroudeurs n’en finit pas d’en prendre pour son grade. Mais pas
au point de tomber en disgrâce pour l’Administration américaine.
Le département d’Etat, sous la férule d’Hillary
Clinton, vient de reconduire
« pour des semaines ou des mois » le contrat, dont
la fin était prévue
pour le
3 septembre, liant Blackwater à l’ambassade des
Etats-Unis à Bagdad. Précisément, et malgré
l’expiration de précédentes missions de protection, la
firme, persona non grata pour le gouvernement irakien, s’est vue
accordée le droit de
continuer à garantir la sécurité des diplomates
américains lors de leur transport par voie aérienne. Cette
décision fait pourtant suite à la protestation officielle de
certains membres du Congrès américain qui avaient
solennellement demandé à Hillary Clinton de cesser toute
coopération et tout financement, déjà
trop généreux dans le passé, d’une société dont les
pratiques criminelles sont largement avérées.
Mais, visiblement, le tandem
Obama-Clinton a fait fi de la réputation sulfureuse des
mercenaires, préférant le statu quo à la rupture. Etrange
désinvolture, au vu du nombre et de la taille des casseroles que
traîne Blackwater. Sombre florilège : une vingtaine d’Irakiens
tués entre 2005 et 2007 sans aucun motif de légitime défense, un
programme d’assassinats de leaders d’Al Qaida, commandité par la
CIA de 2004 jusqu’à juin 2009 et tenu secret pour le Congrès
de
par la volonté du vice-président Cheney, une mission
d’acheminement en Afghanistan et au
Pakistan de drones transportant missiles et
bombes téléguidées vers des « cibles désignées », la
déportation et la torture de terroristes présumés d‘Asie
centrale à Guantanamo, les
meurtres
de témoins d’exactions « extra-judiciaires » commises
par le groupe, l’enquête militaire en cours sur
la mort suspecte de deux Afghans à Kaboul le 5 mai
dernier, un
réseau de prostitution d’adolescentes organisé par et
pour ces miliciens basés en Irak et , enfin, la
volonté affirmée par le fondateur
Erik Prince, et
corroborée par plusieurs sources, d’éradiquer
l’islam de la planète.
Prince des ténèbres
L’homme est une caricature : chrétien
conservateur âgé de 40 ans, converti au catholicisme romain pour
se rapprocher des origines, cet ancien commando des Marines voue
un culte aux croisades, au point de s’être inspiré des Templiers
et de leurs signes de reconnaissance pour communiquer avec
certains de ses frères d’armes. Ce milliardaire, fils d’une
famille influente de Républicains, prétend ne pas « être
guidé par l’argent » et admet tout au plus avoir le
« cœur d’un guerrier ». Très présent auprès des personnages
qui comptaient sous l’Administration Bush, l’homme a délaissé le
titre de Pdg en début d’année, même s’il conserve encore des
fonctions de direction. Fin connaisseur du gotha politique lié
au monde de l’espionnage, Erik Prince a su au fil des années
tisser des liens d’amitié avec nombre d’anciens cadres de la
CIA, à tel point que certains d’entre eux l’ont rejoint au
conseil d’administration de Blackwater, tel Alvin « Buzzy »
Krongard, ex-numéro 3 de l’Agence, ou Cofer Black, ancien
responsable chargé du contre-terrorisme.
Blackwater contre Al Qaida,
tout contre
Dès lors, il peut sembler logique que
la logistique guerrière de Blackwater puisse s’être accordée
avec l’habileté de la CIA pour collecter des renseignements afin
de traquer, capturer et éliminer les membres importants du
réseau de Ben Laden. Et la dernière révélation du New York Times
sur ce projet commun paraît finalement évidente. Cependant, un
léger détail a échappé aux commentateurs depuis l’annonce de ce
programme secret sous-traité par Blackwater et dirigé par
l’agence d‘espionnage. En 2006, il a été démontré que le groupe
de paramilitaires avait bel et bien été « en contact » avec un
membre éminent d’Al Qaida. Et pas n’importe lequel : Zacarias
Moussaoui.
En effet, un document dévoilé durant le procès
de celui-ci a
intrigué les experts du terrorisme : le numéro de
téléphone d’un camp d’entraînement de Blackwater a été identifié
dans le
calepin du Franco-Marocain. Celui qui fut rapidement
surnommé « le 20ème pirate de l’air » aurait donc été en
contact, ou voulu rentrer en contact, et ce avant l’été 2001 et
son arrestation par le FBI, avec une société privée de barbouzes
déjà liée aux membres influents du Parti républicain au pouvoir.
La question prend une nouvelle acuité avec la récente découverte
de la collaboration Cia-Blackwater pour traquer Al Qaida : quel
intérêt avait donc un islamiste apprenti-terroriste à rentrer en
contact avec des paramilitaires américains dirigés par un
chrétien ultra-conservateur de mèche avec les pontes de la CIA
et l’Administration Bush ?
Du fond de sa cellule au Colorado, un
ancien gamin des cités françaises, condamné à perpétuité et
regrettant aujourd’hui, à l’âge de 41 ans, d’avoir
plaidé coupable, connaît sans doute la réponse.
Mais qui ira désormais entendre et
vérifier son récit ?
Publié le 7
septembre 2009 avec l'aimable
autorisation d'Oumma.com
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