Opinion
La grippe
tunisienne
Hedy
Belhassine
Mardi 1er novembre
2011
La grippe qui
fauche les vieux à l’entrée de l’hiver
est venue frapper à ma porte. Mon voisin
Normand m’a apporté une fiole de
réconfortant miracle avec son mode
d’emploi. « Tu mets ta chéchia au
bout du lit. Tu sirotes. Quand tu en
vois deux, tu es guéri ! »
A peine convalescent, on me pousse à
prendre position. « Alors la Tunisie
? Islamiste ou séculariste ? »
Je soupire et feins
l’assoupissement.
Que sais-je des militants d’Ennahda ?
Quels crimes ont-ils commis autres que
ceux attribués par le satrape ?
Premier prisonnier politique de Ben Ali,
Si Mahmoud grand père de mes enfants,
avait été jeté dans le pavillon des
islamistes. L’usurpateur espérait qu’ils
le lyncheraient. Ils l’ont protégé. A
son procès, Maître Mourou est venu
l’embrasser montrant ainsi qu’il n’était
pas dupe.
A la prison, chaque soir après dix
heures, les tortionnaires arrivaient.
Coups et hurlements. Les nervis «
attendrissaient » la viande de leur
semblable, trop hallal à leur goût.
Vous n’aimez pas beaucoup les
islamistes, constatait alors un ministre
français au cours d’un diner avec son
homologue. Mais au contraire « je les
aime saignants » s’esclaffait le
tunisien en entamant son beefsteak.
Triste époque !
Notre vieille maison à Hamilcar, œuvre
d’un ancien colon italien orientaliste,
avait un petit minaret. C’est sans doute
pour effacer l’offense que Ben Ali
l’aura fait raser ; à moins que ce ne
soit pour que l’un de ses protégés
puisse construire la demeure de ses
ambitions.
Voici pourquoi les benalistes tunisiens
anti-islamistes qui étaient
d’authentiques fascistes ne seront
jamais mes amis.
Leurs amis de France non plus.
Depuis 1993, et sans que rien n’ait
jamais pu lui être reproché, Monsieur
Karkar était assigné à résidence dans
une chambre d’hôtel au fin fond de la
France profonde. L’homme tenu en laisse
devait se présenter deux fois par jour
au commissariat.
Hier seulement, la mesure vient d’être
levée. Il faut dire que Salah Karkar est
co-fondateur du parti qui vient de
gagner les élections en Tunisie. La
France retiendra t- elle la leçon qu’il
ne faut jamais chercher à appliquer sur
son sol la loi d’un dictateur étranger ?
Ce n’est pas certain.
En attendant, j’invite le retourné
d’exil à venir s’installer chez Monsieur
Tahar Materi occupant l’ancienne Dar
Belhassine où je l’y rejoindrai
volontiers avec toute ma famille aux
prochaines vacances.
Bien sur, je suis partial et satisfait.
Mais quel démocrate le serait à moins.
Entre la peste et le choléra, entre la
dictature et l’obscurantisme, je choisi
la grippe.
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