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Al-Ahram Hebdo
Reconnaissance de l'Etat hébreu
Hassan Abou-Taleb

Mercredi 16 juin 2010
Ce n'est pas la première fois
qu'un responsable israélien appelle les Palestiniens à accepter
Israël en tant qu'Etat hébreu, comme partie de la résolution
prévue pour le conflit historique entre les Arabes et les
Israéliens. Cette réclamation a été dernièrement formulée par
Sharon et répétée à maintes reprises par Olmert, l'ex-premier
ministre israélien, et son ministre des Affaires étrangères,
Tzipi Livni. Et dernièrement avant que Netanyahu ne parte à la
rencontre d'Obama, il a annoncé que parmi les conditions de la
résolution il faut que l'Autorité palestinienne accepte Israël
en tant qu'Etat juif et que l'Etat palestinien prévu soit
désarmé pour ne pas permettre à l'Iran de mettre pied en
Cisjordanie. Si la condition du désarmement est compréhensible à
la lumière de la stratégie israélienne connue et qui consiste à
être l'Etat le plus puissant au niveau militaire parmi ses
voisins, la question de l'Etat juif peut être prise en
considération à partir de nombreux angles différents, qui mènent
tous à des résultats désastreux pour toute la région.
Comme d'habitude, les Israéliens
ne voient qu'eux-mêmes, considèrent que leurs réclamations
doivent être réalisées à tout prix et les autres parties doivent
les accepter sans discussion, même si elles impliquent des
menaces directes. Comme il est connu, l'expression d'« Etat
hébreu » a été mentionnée dans la décision de la division de
1948, qui a réclamé un Etat pour les Arabes et pour les juifs.
Remarquons que les pères spirituels ou les fondateurs d'Israël
ne définissaient pas l'Etat qu'ils ont usurpé d'« Etat juif »
mais d'« Etat d'Israël », prenant en considération la vérité que
dans le nouvel Etat vivent un grand nombre d'habitants
non-juifs, comme les Arabes musulmans et chrétiens qui sont les
vrais propriétaires de la terre.
Depuis cette date, ces
habitants, qui constituent entre 18 et 20 % de la population en
Israël, représentent un grand problème à plusieurs dimensions.
Premièrement, la présence des non-juifs affecte la conception
sioniste de l'Etat d'Israël en tant qu'Etat purement réservé aux
juifs selon des légendes religieuses et non religieuses.
Deuxièmement, la présence arabe suscite la problématique de
l'Etat à double-nation, même si un Etat palestinien est fondé
selon les frontières de 1967. En effet, les Arabes palestiniens
continueront à constituer un obstacle face à la judaïsation de
l'Etat, malgré toutes les lois promulguées par la Knesset et
imposées par force aux Arabes d'Israël.
Ceci nous mène à la troisième
dimension relative à la discrimination pratiquée par l'Etat et
protégée par la loi contre une partie des habitants. La fameuse
expression répétée par des hommes politiques de 1948 qui est
« Israël est l'Etat de tous ses citoyens » n'est qu'une
tentative politique et juridique visant à mettre fin à la
discrimination pratiquée par les institutions de l'Etat et la
communauté juive contre les Arabes, propriétaires originaux de
la terre. Et en contrepartie, les extrémistes israéliens
affirment que les Arabes d'Israël peuvent être musulmans ou
chrétiens à l'intérieur de leur maison, mais à l'extérieur, il
doivent être juifs sionistes.
Tous ces aspects reflètent le
dilemme dans lequel vit l'élite israélienne au pouvoir. Elle
désire un Etat purement juif et fait son possible pour imposer
ce concept à tous les citoyens. Mais au fond d'elle-même,
quelque chose manque : la reconnaissance de l'entourage direct
d'Israël en tant qu'Etat purement juif. Cette reconnaissance ne
constitue pas uniquement une question psychique commune, mais
concerne également la sécurité et la légitimité historique du
projet sioniste sur les territoires palestiniens.
En effet, malgré toutes les
réalisations juives, du point de vue sioniste, cette légitimité
ne s'est pas encore réalisée. En fait, pour les juifs, il n'est
pas uniquement question du présent mais de l'avenir. Cette
légitimité signifie mettre fin au conflit, réaliser une défaite
commune pour les Arabes et surtout garantir leur droits à
purifier la terre des ancêtres de tous les éléments étrangers,
c'est-à-dire procéder à l'expulsion de tous ceux qui ne sont pas
juifs. Les Israéliens veulent un Etat basé sur une assise
religieuse qui octroie les droits de citoyenneté à ceux qui
appartiennent à cette religion seulement et non pas aux
musulmans et aux chrétiens. Et la légitimité historique du point
de vie sioniste signifie avant tout compléter le projet
sioniste.
Certains observateurs pensent
que les négociations nécessitent de traiter avec la réclamation
de l'Etat juif selon le principe du marchandage. Et ce pour
parvenir le mieux possible à un Etat palestinien prévu et pour
ne pas donner à Israël des prétextes pour entraver les
négociations et les questions relatives au statut final. Or, il
suffit de s'approfondir dans les significations de la conception
de l'Etat juif pour comprendre que toutes les solutions
possibles resteront dans un cadre sioniste. Avec toutes ces
répercussions stratégiques sur la région et sur l'Etat
palestinien au cas où les négociations aboutiraient à une
formule autour de cet Etat, avec ses 2 scénarios probables.
Premièrement, un Etat
palestinien sur les frontières de 1967 sous une autorité
palestinienne unique dont les territoires sont la Cisjordanie et
le secteur de Gaza. La seconde probabilité est un Etat
palestinien sur une partie des territoires palestiniens, la
Cisjordanie ou Gaza, et sous une autorité palestinienne qui ne
représente pas tout le peuple palestinien et qui est en litige
avec une autre autorité sur l'autre partie des territoires. Ce
qui ressemble beaucoup à la situation palestinienne actuelle.
Dans tous les cas de figure, si
le négociateur palestinien et après lui le négociateur arabe,
acceptent le principe de l'Etat juif, les répercussions seront
désastreuses, comme le démantèlement géographique et
démographique et la perte du droit au retour des réfugiés, ce
qui causera des troubles sécuritaires et sociaux dans toute la
région arabe.
Droits de reproduction et de diffusion réservés. ©
AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 16 juin 2010 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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