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Opinion - El Watan
Le rejet de Moubarak
embrase l'Égypte
Hacen Ouali
Photo: El Watan
Samedi 29 janvier 2011
Le régime du raïs Hosni Moubarak est sérieusement menacé par une
révolte populaire qui secoue l’Egypte depuis quatre jours.
Plusieurs villes du pays ont vécu un vendredi très mouvementé où
des milliers d’Egyptiens sont sortis dans les rues pour exiger
le départ du président Hosni Moubarak (82 ans) au pouvoir depuis
1981.
S’il est difficile de prédire une chute immédiate du clan
Moubarak, comme ce fut le cas pour le président tunisien, les
Egyptiens ne jurent que par son départ. Le scénario tunisien
n’est pas à exclure. Le régime de Moubarak le redoute et le
peuple égyptien en rêve.
L’évolution spectaculaire des évènements indique une fin
tragique d’un régime qui dirige l’Egypte, depuis 30 ans, d’une
main de fer. La journée d’hier a été un tournant important dans
le face-à-face qui oppose le pouvoir du Caire aux millions
d’Egyptiens très en colère. Face à la déferlante populaire et à
l’incapacité de la police de contrôler la situation, le
président Moubarak, en sa qualité de chef des forces armées, a
décrété un couvre-feu dans trois villes (Le Caire, Alexandrie et
Suez) et a fait appel à l’armée «pour apporter de l’aide aux
forces de police».
Des camions et des blindés de l’armée ont investi les principaux
boulevards de la capitale et de la ville de Suez, hier soir. Ils
ont pris position devant les bâtiments publics.
Cependant, le couvre-feu est défié par les manifestants qui se
sont attaqués, en début de soirée, au siège central de Parti
national démocratique au pouvoir (PND) que dirige Hosni
Moubarak. L’imposant bâtiment qui abrite les locaux du PND est
dévoré par les flammes. Le feu aurait menacé le musée d’Egypte
qui se trouve au centre de la place Tahrir (Libération) non loin
du siège de la Ligue arabe, alors que la compagnie aérienne
égyptienne EgyptAir a décidé de suspendre tous ses vols pour une
durée de douze heures. Ainsi, la contestation est à son
paroxysme. Et face à la violente répression des forces de
sécurité, les manifestations se sont radicalisées. En début de
soirée, les manifestants ont tenté de prendre d’assaut le
ministère des Affaires étrangères et le siège de la Télévision
égyptienne, alors que les affrontements se sont poursuivis
durant toute la journée d’hier, faisant plusieurs blessés et des
centaines d’arrestations.
Des informations ont fait état de trois personnes assassinées
par balle à Alexandrie et une autre au Caire. Le pays du Nil a
donc connu un vendredi de colère, où toutes les villes
égyptiennes ont été investies par des manifestants dès la fin de
la traditionnelle prière du vendredi. Le leader de l’opposition,
Mohamed El Baradei, a été assigné à résidence surveillée après
avoir participé à la prière dans une mosquée au centre du Caire.
Alors que le pouvoir est de plus en plus contesté et le peuple
déterminé à faire tomber «le pharaon du Caire», aucune réaction
officielle n’a été enregistrée, hormis celle du président de la
commission des affaires étrangères du Conseil du peuple (le
Parlement), Mustapha El Fakih, qui a demandé de dissoudre le
gouvernement «qui est rongé par la corruption et qui est
incapable de mettre en œuvre sa politique». Pendant ce temps,
les capitales occidentales n’ont pas cessé d’appeler les
autorités égyptiennes «au respect de la liberté d’expression et
de manifestation du peuple égyptien».
La secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton a exprimé, lors
d’un point de presse, «la profonde préoccupation» de son pays
face à la dégradation de la situation en Egypte, et demande au
régime de Moubarak «d’opérer des réformes économiques et
sociales immédiatement», tout en assurant le soutien de son pays
au pouvoir du Caire. Tandis que les Egyptiens exigent tout
simplement «le départ de Hosni Moubarak du pouvoir et
l’engagement que son fils ne se présente pas à l’élection
présidentielle» prévue pour septembre prochain. La France, quant
à elle, appelle à «la retenue et au dialogue», a déclaré la
ministre française des Affaires étrangères, Michèle
Alliot-Marie, faisant part de «sa vive préoccupation» face aux
récents événements.
De son côté, la chancelière allemande Angela Merkel a appelé,
depuis Davos (Suisse), le président égyptien Hosni Moubarak à
assurer la liberté d’expression et à faire cesser les violences
de rue qui ont fait au moins huit morts. Se disant «choquée» par
les images provenant des rues égyptiennes, Mme Merkel, dans une
courte déclaration à la presse, a déclaré : «Cela ne sert à rien
d’enfermer les gens et de limiter les possibilités de
l’information, nous devons parvenir à un dialogue pacifique en
Egypte.» «La stabilité du pays est naturellement d’une
exceptionnelle signification, mais pas au prix de la liberté
d’opinion», a-t-elle ajouté. L’Union européenne a demandé aux
autorités cairotes de libérer «immédiatement toutes les
personnes arrêtées pendant ces évènements». La Fédération
internationale des droits de l’homme (FIDH) a joint sa voix pour
dénoncer la répression qui s’abat sur le peuple égyptien. Dans
une déclaration rendue publique hier, l’organisation a appelé
avec force les autorités égyptiennes «à mettre un terme à la
répression violente des mouvements pacifiques de protestation
sociale et démocratique et à rétablir immédiatement l’accès à
internet et aux services de téléphonie mobile».
En somme, au moment où les regards du monde entier sont braqués
sur le Nil, le président Moubarak se mure dans un silence
troublant. Une attitude perçue par de nombreux observateurs
comme un «signe de panique qui s’est emparé du régime». Hosni
Moubarak est apparu, face à cette révolte, tel un homme malade.
Ses jours sont-ils comptés ?
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