Ainsi, 60 Sahraouis «accusés d’avoir manifesté contre le
démantèlement par les forces de l’ordre marocaines d’un
campement de contestataires» près d’El Ayoun, au Sahara
occidental, ont été renvoyés devant la justice, dont
6 devant un juge militaire, a indiqué un communiqué du
parquet de la ville d’El Ayoun, cité par l’AFP. Absurde.
C’est le moins qu’on puisse dire. C’est le bourreau qui juge
ses victimes. Gagné par la panique, le palais royal s’entête
dans son aveuglement. «Six des mis en cause ont été déférés
devant le directeur de la justice militaire pour
compétence», a précisé un communiqué. Ils seront présentés
devant un juge militaire. Parmi les six figure
l’emblématique militant sahraoui des droits de l’homme,
Naâma Esfari. Il faut rappeler que l’activiste sahraoui
avait disparu depuis la veille de l’assaut donné par l’armée
marocaine pour démanteler le camp. Il a déjà séjourné
plusieurs fois dans les geôles de «sa majesté».
Les autres personnes ont été présentées au juge
d’instruction pour interrogatoire sur les «crimes» qui leur
sont reprochés. Le parquet a précisé qu’elles étaient
poursuivies pour «crime contre des forces de l’ordre et
destruction de biens publics et privés». Face à cette
répression barbare, de nombreuses voix s’élèvent pour
dénoncer la fureur marocaine. Même la députée Guejmoula Bent
Abbi du Parti du progrès et du socialisme (PPS),
ex-dirigeante du Polisario passée au Maroc, a fini par
sombrer devant la cruauté du régime marocain. Dans une
interview accordée à la chaîne publique catalane, elle a
déclaré : «A aucun moment, je ne m’attendais à ce que le
démantèlement du camp à Gdeim Izik se fasse de la manière
dont il a été fait (…) Cela s’est fait de manière violente.
Il y a eu des morts, beaucoup de blessés. Et beaucoup de
gens, beaucoup de femmes et d’enfants ont traversé ce désert
long de 18 km dans des conditions très très difficiles, en
marchant et avec la peur au ventre.
En réalité, j’ai été vraiment impressionnée de constater
que des citoyens marocains, avec la police, ont menacé des
Sahraouis en détruisant les maisons et en emportant les
biens des Sahraouis (…).» Cependant, l’acharnement du
régime de Mohammed VI ne fait que renforcer la détermination
du peuple sahraoui dans sa lutte pour son autodétermination.
Chaque jour qui passe, des secteurs importants de l’opinion
internationale rallient cette cause juste. La preuve en a
été donnée encore une fois, hier à Madrid, où plusieurs
milliers de personnes ont manifesté contre la répression
marocaine.
La manifestation, initiée par la Coordination nationale
d’associations solidaires avec le Sahara, a vu la
participation des leaders des deux grands
syndicats espagnols, Candido Mendez de l’UGT et Ignacio
Fernandez Toxo du CCOO, ainsi que du célèbre acteur espagnol
Javier Bardem. «Nous appelons l’Union européenne et
l’Espagne à condamner cette brutale répression et les
invitons à demander au roi du Maroc qu’il mette fin à
cette violence injustifiée, disproportionnée et cruelle», a
déclaré Javier Bardem dans un discours, à la fin de la
manifestation. Les manifestants ont scandé à vive voix
«Maroc coupable, Espagne responsable», «Sahara libre
maintenant !» ou encore «Maroc dehors, 35 ans
d’occupation cela suffit».
L’attitude du gouvernement socialiste de Jose Luis
Rodriguez Zapatero a été vivement dénoncée par les
organisateurs de la manifestation. Comment ne pas le faire
alors que Zapatero préfère les intérêts bassement mesquins
qui passent avant le droit d’un peuple à une vie libre et
digne ? Il a expliqué, à partir de Séoul, que «les intérêts
de l’Espagne devaient passer en premier» et que «la relation
avec Rabat était une question prioritaire, une question
d’Etat». Le dirigeant de l’opposition espagnole,
Mariano Rajoy, a critiqué aussi cette position de Zapatero
au cours d’un meeting en Catalogne, hier.
Par ailleurs, plusieurs gouvernements ont énergiquement
dénoncé la répression marocaine. Le gouvernement
sud-africain a indiqué avoir «appris avec consternation la
manière brutale» avec laquelle les forces d’occupation
marocaines ont attaqué le camp sahraoui et appelé à une
«solution qui permette l’autodétermination du peuple du
Sahara occidental». Même ton utilisé par le gouvernement
vénézuélien. Caracas a condamné avec des termes forts
l’agression «brutale» perpétrée par l’armée d’occupation
marocaine contre les Sahraouis. Le gouvernement bolivarien a
exprimé «son inquiétude» face à des actes de violence
exécutés par les forces de répression marocaines.