RIA Novosti
Dans tous les cas de figure l'Iran
sortira vainqueur
Gueorgui Mirski
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Jeudi 12 avril 2007
Ces derniers temps la situation en Iran est examinée sous deux
aspects: premièrement, les Iraniens sont-ils vraiment en passe de
créer la bombe atomique et, secundo, les Américains ont-ils
l'intention de se lancer dans une guerre en Iran?
Pour obtenir de l'uranium enrichi à 90% et créer une bombe
atomique en l'espace d'une année quelques milliers de
centrifugeuses sont suffisants. Auparavant les Iraniens avaient
annoncé qu'ils entendaient porter leur nombre à 3.000 à l'usine
de Natanz, mais le lendemain de la célébration de la Journée du
nucléaire (9 avril) le vice-président iranien et directeur de
l'Organisation de l'énergie atomique, Gholam Reza Aghazadeh, a déclaré
que l'Iran envisageait de mettre en service 50.000 centrifugeuses.
Quoi qu'il en soit, l'Agence internationale de l'énergie
atomique (AIEA) a déclaré à plusieurs reprises qu'il était
impossible de démontrer que l'Iran cherchait à posséder son
propre armement nucléaire. Et il est peu probable que cette
situation change. Cependant, certains indices permettent quand même
de penser que les Iraniens développent un nucléaire qui n'a rien
de civil.
En 2005, déjà, la Russie avait proposé à l'Iran d'enrichir
l'uranium sur son territoire, en garantissant que les réacteurs
nucléaires iraniens seraient entièrement approvisionnés en
combustible. Téhéran a repoussé cette proposition, tout comme
les propositions faites par les membres permanents du Conseil de sécurité
de l'ONU et l'Allemagne. Rappelons qu'il avait été promis à
l'Iran de l'aider à adhérer à l'Organisation mondiale du
commerce (OMC), de lui prêter assistance dans la construction de
centrales nucléaires et de lui fournir des pièces de rechange
pour ses avions civils usagés, à condition toutefois qu'il mette
un terme à ses activités d'enrichissement d'uranium. Ces
propositions attrayantes ont pourtant été rejetées par l'Iran.
Pourquoi? Dans l'un et l'autre cas la raison est la même: le
refus de soumettre l'enrichissement d'uranium à un contrôle extérieur.
Il semble bien que l'Iran cherche surtout à faire traîner les
pourparlers en longueur de manière à pouvoir porter
l'enrichissement d'uranium au niveau nécessaire pour créer la
bombe.
Or, il est patent que l'Iran n'a pas besoin de cette bombe.
Pour la simple raison qu'il n'y a personne sur qui la lancer: les
Etats-Unis sont loin, un bombardement atomique d'Israël ferait
des victimes dans la population juive et aussi parmi les Arabes
vivant tant en Israël que dans les territoires palestiniens. La
plupart d'entre eux sont des musulmans. La République islamique
d'Iran, qui revendique le rôle de leader du monde musulman,
pourrait-elle être à l'origine de la mort de millions de ses
coreligionnaires? Bien sûr que non. D'où l'impossibilité
pratique d'utiliser la bombe. Le plus probable, c'est que Téhéran
a tout simplement décidé de se placer au niveau des cinq dernières
minutes du compte à rebours, c'est-à-dire de s'arrêter à un
pas de la création de la bombe. Ce qui permettrait aux dirigeants
iraniens de jouir d'un prestige inégalé aux yeux de la
population du pays, d'occuper des positions dominantes dans le
monde musulman et de dicter ses conditions à l'Occident.
D'ailleurs, d'ores et déjà l'Iran tient le langage de la
force avec tout le monde. Se sentant invulnérable, il ne craint
pas une agression de la part des Etats-Unis. Une opération
militaire terrestre est impensable, les Américains étant déjà
enlisés en Irak. Quant à des frappes ponctuelles contre les
sites nucléaires, même si elles rejetteraient de quelques années
en arrière le programme nucléaire iranien, elles ne
parviendraient pas à provoquer la chute du régime.
D'autre part, il est peu probable que les Iraniens ne ripostent
pas à des frappes américaines. Ils pourraient attaquer les
champs pétrolifères des pays voisins, les bases US implantées
dans la région. Cela se transformerait aussi en catastrophe pour
les Etats-Unis en Irak, du moment que tous les chiites irakiens
qui actuellement coopèrent tant bien que mal avec les Américains
se dresseraient contre ces derniers. Cela serait synonyme de défaite
du Parti républicain aux élections programmées en 2008. Les républicains
perdraient la présidence et aussi bon nombre de postes de sénateur
et de gouverneur. Et si George W. Bush est peut-être extrêmement
tenté de porter des frappes contre l'Iran, ce n'est pas un
dictateur au point de faire fi de l'opinion et de couler son
parti.
Les Iraniens ne craignent pas non plus les sanctions. Celles
qui sont stipulées dans les précédentes résolutions du Conseil
de sécurité de l'ONU manquent d'efficacité. Elles causent des
incommodités, certes, mais sans grand préjudice pour le pays. La
seule chose pouvant être durement ressentie par l'Iran, ce serait
un embargo sur ses exportations de pétrole et de gaz. Seulement
cela semble irréaliste, personne d'autre que les Américains ne réclamerait
l'application d'une telle mesure, et Téhéran en est parfaitement
conscient.
Aussi les Iraniens peuvent-ils déclarer sereinement qu'il
n'est pas question pour eux de se plier aux conditions de la
communauté internationale et de mettre un terme à
l'enrichissement d'uranium.
La question est de savoir ce qu'il conviendra de faire après
l'expiration des 60 jours écoulés depuis l'entrée en vigueur de
la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU sur l'Iran (N°1747
en date du 24 mars). Il serait logique d'en adopter une autre,
beaucoup plus contraignante, seulement il y aurait alors risque de
voir l'Iran sortir de l'AIEA et poursuivre l'enrichissement
d'uranium sans aucun contrôle.
Mais ne faudrait-il pas courir ce risque? Les Iraniens ont
besoin d'investissements comme d'oxygène. Sans eux les secteurs
de l'industrie ne pourraient répondre aux besoins du pays. Par
exemple, l'Iran, dont les réserves de pétrole sont les plus
importantes au monde, doit déjà importer 40% de l'essence qu'il
consomme. Un isolement économique de l'Iran pourrait
progressivement s'avérer efficace. Peut-être qu'alors les
autorités iraniennes feraient volte-face et renonceraient à
leurs ambitions nucléaires. Et elles pourraient ne pas perdre la
face en annonçant qu'elles avaient l'intention non pas de créer
la bombe, mais d'obtenir de nouveaux avantages et privilèges pour
développer l'électronucléaire civil. "Personne n'a pu nous
mettre à genoux, nous avons triomphé", diraient alors les
dirigeants iraniens.
Gueorgui Mirski, chercheur à l'Institut de l'économie
mondiale et des relations internationales de l'Académie des
sciences de Russie, pour RIA Novosti.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à
la stricte responsabilité de l'auteur.
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