Opinion
La Baronne Ashton
et la sensibilité juive
Gilad
Atzmon

Lundi 26 mars 2012
La Haute
représentante de l’Union européenne
chargée des Affaires étrangères et de la
Sécurité a été critiquée hier pour avoir
comparé l’assassinat de trois enfants et
d’un rabbin lors d’un attentat perpétré
par un tireur isolé, en France, à la
situation régnant dans la bande de Gaza.
Lors de la
conférence intitulée «
Les réfugiés palestiniens dans un
Moyen-Orient en pleine évolution »,
à Bruxelles, Mme Ashton a qualifié les
assassinats de Toulouse de «
terrible tragédie »,
mais elle a ajouté : «
Lorsque nous constatons ce qu’il se
passe actuellement à Gaza et dans
différentes parties du monde, nous ne
pouvons que nous souvenir de ces jeunes
gens et des enfants qui perdent la vie
».
Apparemment,
certains dirigeants juifs et certains
dirigeants israéliens en vue étaient
totalement en désaccord avec cette
affirmation. Pour eux, la souffrance
juive dépasse toute autre souffrance, et
en particulier celle des Palestiniens.
Le
Jewish Chronicle a cité les
propos outragés de plusieurs des
contempteurs de Mme Ashton.
«
Même lus dans leur contexte, les mots
utilisés par Ashton sont inadmissibles
», a ainsi déclaré Oliver Worth (un
Britannique), président de l’Union
Mondiale des Étudiants Juifs. Il a
ajouté que les propos de Mme Ashton
étaient « véritablement
outranciers et dégoûtants » et il en
a appelé à sa démission au motif qu’elle
aurait « perdu toute
crédibilité ». Pourtant, M. Worth se
dispense de nous expliquer pour quelle
raison au juste il serait «
outrancier et dégoûtant
» de mettre la souffrance juive et la
souffrance des Palestiniens sur un pied
d’égalité.
«
Les commentaires de la Baronne Ashton
sont à la fois grossiers et entièrement
inappropriés », a dit le président
du Board of Deputies
(l’équivalent du CRIF en
Grande-Bretagne, ndt), qui se garde bien
lui aussi de nous en apporter le début
d’une démonstration.
«
Il n’y a strictement aucune équivalence
entre la situation à Gaza et
l’assassinat brutal et de sang-froid du
rabbin Jonathan Sandler et de ces trois
enfants », a dit quant à lui Stefan
Kerner, chargé de relations publiques de
la Fédération sioniste britannique. Je
me demande bien pourquoi il n’y a pas d’
« équivalence »,
est-ce parce que les juifs (à la
différence de Gaza, ndt) ne se sont pas
encore retirés de Toulouse ? Ou bien
alors, peut-être M. Kerner attend-il, de
fait, que les Français se retirent de
Toulouse et laissent cette ville à la
disposition du rabbin Sandler et de
quelques juifs ? Décidément, j’avoue
renoncer à suivre la logique sioniste…
Et le rabbin
d’ajouter : « Pour
quelqu’un qui occupe la position de la
Baronne Ashton, le simple fait de
considérer que ces propos étaient
appropriés est détestable. Elle devrait
immédiatement retirer sa déclaration et
présenter ses plates excuses pour
l’offense qu’elle a causée ». Je me
demande bien pourquoi le fait que
quelqu’un mette sur un même pied la
souffrance des juifs avec celle des
goyims serait «
inapproprié et
détestable ». Ce rabbin croit-il
réellement que la souffrance juive
serait en quoi que soit supérieure à
celle des non juifs ?
Le ministre
israélien des Affaires étrangères
Avigdor Lieberman a déclaré qu’il
considérait les remarques de Mme Ashton
« inappropriées ».
Il a ajouté qu’il espérait qu’elle «
les réexaminerait et
qu’elle les retirerait ». Je me
demande quel genre de rétractation
pourrait agréer au Gouvernement
israélien ? Celui-ci attend-il de la
Baronne Ashton qu’elle reconnaisse le
fait que la souffrance juive est la
forme ultime de la peine humaine ?
La criminelle de
guerre et néanmoins dirigeante de
l’opposition israélienne Tzipi Livni y
est allée elle aussi de son commentaire.
Elle a qualifié les observations de Mme
Ashton de «
répréhensibles et insupportables »
et d’« erroné » tout
lien « entre
l’assassinat d’enfants à Toulouse, les
massacres perpétrés par Assad en Syrie
et la situation à Gaza ». Mme Livni
a peut-être raison, pour une fois. En
effet, le crime perpétré à Gaza par
l’État juif au nom du peuple juif est
unique dans l’histoire de la brutalité.
Le fait que 94 % de la population juive
d’Israël a soutenu les tactiques
génocidaires des Forces Israéliennes de
Défense lors de l’opération
Plomb Durci (hiver
2008-2009, ndt) est lui aussi tout à
fait unique. Les crimes de guerre
d’Israël, d’une cruauté inouïe,
outrepassent en effet toute comparaison.
Mais Mme Livni est
allée plus loin, tentant d’étayer son
affirmation : « Un crime
haineux ou un dirigeant assassinant son
propre peuple, cela n’a rien à voir avec
un pays combattant le terrorisme, même
si des civils sont touchés ».
D’après Mme Livni, la Baronne Ashton n’a
pas fait « le distinguo
moral approprié ». Pour commencer,
nous ne savons toujours pas ce qui a
conduit à l’événement tragique survenu à
Toulouse. Toutefois, le fait qu’Israël
qualifie les Palestiniens de «
terroristes » n’est
qu’une excuse de plus pour fournir à
l’État juif une excuse morale pour
massacrer la population autochtone de la
Palestine et pour violer tous les droits
humains, sans exception aucune.
J’imagine que nous
sommes tous en train de devenir
allergiques à la logique politique
juive. Mais cela n’est peut-être qu’un
énième symptôme de la sionisation de la
réalité dans laquelle nous vivons. Et
voici que nous serions sommés
d’obtempérer ?
Gilad Atzmon
gilad.co.uk, 22 mars
2012.
Traduit de
l’anglais par Marcel Charbonnier
(24.03.2012)
Texte original en
anglais 22.03.2012) :
http://www.gilad.co.uk/writings/baroness-ashton-and-jewish-sensitivities.html
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