Opinion
"Pas de quartier"
? Ma réponse à Ali Abunimah & Co.
Gilad
Atzmon

Dimanche 18 mars
2012Notre ami Gilad Atzmon, qui est
indirectement à l’origine de la création
de Tlaxcala en 2005 – c’est à l’occasion
de traductions en diverses langues d’une
interview
de lui que le noyau
fondateur de ce réseau international de
traducteurs pour la diversité
linguistique s’était connu -, vient de
faire l’objet d’une attaque insensée aux
USA, où il se trouve en tournée pour
présenter son livre The Wandering Who ?
Cette attaque a la forme d’une pétition
intitulée « sans quartier ». Cet appel
calomnieux semble avoir été rédigé et
lancé par Ali Abunimah, un citoyen
usaméricain d ‘origine palestinienne
résidant à Chicago qui dirige le site
Electronic Intifada, dont est en droit
de se demander quels buts il poursuit
avec cet appel au lynchage et s’il est
le seul auteur de ce texte. Nous
publions la réponse de Gilad Atzmon,
ainsi que l’appel de ceux qui lui
déclarent la guerre.-Tlaxcala
- 1 -
Pas de quartier :
Un appel à désavouer le racisme et
l’antisémitisme de Gilad Atzmon
Note : cet
appel a
d’abord été publié
par le Réseau de la communauté US
palestinienne (USPCN) et a pour
auteurs tous les signataires.
Depuis de nombreuses années, Gilad
Atzmon, un musicien né en Israël et
vivant actuellement au Royaume-Uni,
s’est auto-assigné la tâche de
définir pour le mouvement
palestinien la nature de notre lutte
et la philosophie devant la
sous-tendre. C’est ce qu’il a fait
dans ses divers messages publiés sur
Internet, dans des discours et des
articles. Il est actuellement en
tournée aux USA pour faire la
promotion de son dernier livre,
intitulé The Wandering Who
(sic).
Par cette lettre, nous appelons au
désaveu d’Atzmon par les camarades
d’organisations palestiniennes ainsi
que par les militants de la
solidarité avec la Palestine et les
alliés du peuple palestinien, et
signalons le danger qu’il y a à
soutenir le travail et les écrits
politiques d’Atzmon et à fournir une
quelconque plateforme pour leur
diffusion. Nous faisons cela en tant
qu’organisateurs et militants
palestiniens, travaillant à travers
les continents, les campagnes et les
positions idéologiques.
La politique d’Atzmon repose sur une
affirmation majeure qui lui sert de
trempli pour lancer des attaques
odieuses contre quiconque n’est pas
d’accord avec son obsession de la
“judéité”. Il proclame que toute
politique juive est “tribale” et
fondamentalement sioniste. Pour
Atzmon, le sionisme n’est pas un
projet colonialiste, mais un projet
transhistorique “juif”, partie
intégrante de l’autodéfinition comme
juif. C’est pourquoi, proclame-t-il,
quelqu’un ne peut pas se décrire
comme juif et en même temps
travailler à la solidarité avec la
Palestine, car s’identifier comme
juif , c’est être sioniste. Nous
sommes d’un avis diamétralement
opposé. De fait, nous croyons que
l’argument d’Atzmon est lui-même
sioniste car il est en accord avec
l’idéologie du sionisme et d’Israël
selon laquelle la seule manière
d’être juif est d’être sioniste.
Nous Palestiniens avons subi deux
siècles de domination orientaliste
(sic), colonialiste et impérialiste
de notre terre natale. Et en tant
que Palestiniens, nous considérons
ce langage comme immoral et
complètement étranger aux valeurs
fondamentales de l’humanisme, de
l’égalité et de la justice sur
lesquelles repose la lutte pour la
Palestine et son mouvement national.
Comme d’innombrables militants et
organisateurs palestiniens, leurs
partis, associations et campagnes
l’ont attesté durant le siècle
dernier, notre lutte n’a jamais été,
et ne sera jamais dirigée contre les
juifs ou le judaïsme, malgré
l’insistance des sionistes à nous
faire dire que nos ennemis sont les
Juifs. Notre lutte est plutôt
dirigée contre le sionisme, un
mouvement colonialiste moderne né en
Europe et semblable à des mouvements
dans d’autres parties du monde dont
le but est de déplacer les
autochtones et de construire de
nouvelles sociétés européennes sur
leurs terres.
Nous réaffirmons qu’il n’y a pas de
place dans cette analyse de
l’histoire et des fondements de
notre lutte pour une quelconque
attaque contre nos alliés juifs, les
Juifs ou le judaïsme, ni pour une
négation de l’Holocauste, ni pour
une association, sous quelque forme
que ce soit, avec quelque théorie
conspirationniste que ce soit,
quelques arguments , associations et
entités d’extrême-droite,
orientalistes et racistes que ce
soit. Affronter le sionisme, y
compris le pouvoir illégitime
d’institutions qui soutiennent
l’oppression des Palestiniens, et
l’usage illégitime d’identités
juives pour protéger et légitimer
l’oppression, ne doit jamais devenir
une attaque contre des identités
juives, ni le dénigrement et la
négation d’histoires juives dans
toute leur diversité.
De fait, nous considérons toute
tentative de lier ou d’adopter un
langage antisémite ou raciste, même
si c’est dans le cadre d’une
politique se présentant comme
anti-impérialiste et antisioniste,
comme une réaffirmation et une
légitimation du sionisme. En plus
d’être immoral, ce langage occulte
le rôle fondamental de
l’impérialisme et du colonialisme
dans la destruction de notre patrie,
dans l’expulsion de son peuple et le
maintien de systèmes et d’idéologies
d’oppression, d’apartheid et
d’occupation. Il met celui qui
l’adopte totalement en dehors de la
véritable solidarité avec la
Palestine et son peuple.
L’objectif du peuple palestinien a
toujours été clair :
l’autodétermination. Et nous ne
pouvons exercer ce droit inaliénable
que par la libération, le retour de
nos réfugiés (qui sont la majorité
absolue de notre peuple) et par
l’obtention de droits égaux pour
tous par la décolonisation. En tant
que tels, nous sommes aux côtés de
tout et chaque mouvement réclamant
la justice, la dignité humaine,
l’égalité et les droits sociaux,
économiques, culturels et
politiques. Nous ne ferons jamais de
compromis sur les principes et
l’esprit de notre lutte de
libération. Nous ne nous laisserons
pas l’opportunisme nous pousser à
des alliances avec ceux qui
attaquent, dénigrent ou s’en
prennent de tout autre manière à
notre fraternité politique avec
toutes les luttes de libérations et
tous les mouvements pour la justice.
C’est notre devoir collectif, en
tant que Palestiniens, que nous
soyons en Palestine ou en exil,
d’assurer la bonne orientation de
notre lutte de libération à la base.
Nous devons protéger l’intégrité de
notre mouvement, et pour cela nous
devons continuer à être vigilants à
ce que ceux auxquels nous
fournissons des estrades parlent
vraiment en respectant ces
principes.
Quand le peuple palestinien appelle
à l’autodétermination et à la
décolonisation de notre patrie, nous
le faisons avec la promesse et dans
l’espoir d’une communauté fondée sur
la justice, où tous sont libres,
égaux et où tous sont bienvenus.
Jusqu’à la libération et au retour.
Signataires:
Naseer Aruri,
Professeur émérite, University of
Massachusetts, Dartmouth
Omar Barghouti,
militant des droits humains
Hatem Bazian,
president des Musulmans américains
pour la Palestine
Andrew Dalack,
Comité national de coordination,
Réseau de la communauté US
palestinienne
Haidar Eid,
Gaza
Nada Elia,
Boycott universitaire et culturel
d’Israël aux USA
Toufic Haddad
Kathryn Hamoudah
Adam Hanieh,
chargé de cours, Ecole d’études
orientales et africaines (SOAS),
Londres
Mostafa Henaway,
Tadamon! Canada
Monadel Herzallah,
Comité national de coordination,
Réseau de la communauté US
palestinienne
Nadia Hijab,
auteur et défenseure des droits
humains
Andrew Kadi
Abir Kobty,
blogueur et militant palestinien
Joseph Massad,
Professeur, Université Columbia, NY
Danya Mustafa,
coordinateur national US de la
Semaine apartheid israélien &
Etudiants pour la Justice en
Palestine- Université du
Nouveau-Mexique
Dina Omar,
Etudiants pour la Justice en
Palestine Columbia
Haitham Salawdeh,
Comité national de coordination,
Réseau de la communauté US
palestinienne
Sobhi Samour,
Ecole d’études orientales et
africaines (SOAS), Londres
Khaled Ziada,
SOAS Palestine Society de l’ Ecole
d’études orientales et africaines
(SOAS), Londres
Rafeef Ziadah,
poétesse et défenseure des droits
humains
Fuente:
http://uspcn.org/2012/03/13/granting-no-quarter-a-call-for-the-disavowal-of-the-racism-and-antisemitism-of-gilad-atzmon/
- 2 -
Réponse à Ali
Abunimah & Co.

Gilad Atzmon
Le fait
qu’Ali Abunimah & Co. Se présentent
comme des défenseurs d’un “seul État
démocratique en Palestine” me laisse
perplexe : quel genre de démocratie
ont-ils exactement en tête ? Car en
appelant à me “désavouer”, ils
démontrent sans ambigüités qu’ils ne
peuvent pas même tolérer la plus
élémentaire critique culturelle, une
critique qui est endossée et appréciée
par quelques-uns des penseurs les plus
respectés dans notre mouvement et
au-delà.
De fait, je suis plutôt ravi des
réactions indignées que suscitent mes
idées. Je suppose que cela nous permet
de cartographier le discours et ses
frontières et signifie que ces
frontières sont maintenant officielles.
Mon dernier livre , The Wandering Who?
Le…quoi? errant) ne fait pas seulement
des vagues, il a aussi réussi à mettre
d’accord Alan Dershowitz et Abe Foxman
avec Ali Abunimah et Max Blumenthal.
C’est plutôt encourageant : la paix est
donc possible.
Mais j’ai une mauvaise nouvelle pour
ceux qui voudraient me réduire au
silence, qu’ils soient palestiniens ou
juifs. Je n’ai aucune intention de
baisser la garde ou de changer de cap.
Je suis un musicien de jazz et quelqu’un
qui pense en toute indépendance. Je suis
fondamentalement un électron libre : je
dis ce que je pense et je pense ce que
je dis. La popularité de mes écrits
parmi les Palestiniens, les militants de
la solidarité et ceux qui cherchent la
vérité est le résultat direct de mon
approche sincère de cette thématique.
Que mes détracteurs le veuillent ou non,
la force de mes arguments est fondée sur
la transparence et la véracité de mes
prémisses. Jusqu’à présent, aucun de mes
adversaires n’a été en mesure de pointer
la moindre contradiction dans mon
argumentation ou dans les faits que
j’expose. J’affirme par exemple que
puisque Israël se définit lui-même comme
l’État juif – avec ses tanks et ses
avions ornés de symboles juifs -, il est
de notre devoir de poser la question :
qui sont les Juifs ? Qu’est-ce que le
judaïsme ? Et qu’entend-on par judéité ?
Le fait que certains militants craignent
et évitent de poser ces questions ne
veut pas dire que tous les autres
devraient adopter la même attitude
lâche.
Au cas où mes détracteurs – qu’ils
soient sionistes, sionistes
antisionistes ou Palestiniens – ne s’en
seraient pas encore rendus compte, la
Palestine n’est plus seule, et elle
n’est plus l’objet d’un discours isolé
et lointain. Au moment même où j’écris
ces lignes, l’AIPAC continue
publiquement et inexorablement à pousser
l’Amérique vers un nouveau conflit
mondial. En Grande-Bretagne, 80% des
députés conservateurs font partie des
Amis conservateurs d’Israël. Nous sommes
en train d’assister à un passage très
clair du discours sioniste de la “terre
promise” à la “planète promise”. Je suis
convaincu que cela pourrait réellement
sauver le monde –y compris les
Américains, les Britanniques, les
Iraniens et les Palestiniens - que
d’appeler un chat un chat. Mais cela
peut aussi sauver les Juifs des graves
conséquences potentielles que leur
infligeraient les lobbies juifs.
Malheureusement, Ali Abunimah a dénaturé
ma pensée. Il est évident qu’il n’y a
dans mes écrits aucun racisme, aucun
antisémitisme et aucune négation de
l’holocauste. Aussi déterminés
soient-ils à en trouver trace, mes
détracteurs n’ont pas pu trouver le
moindre début de preuve de telles
tendances dans mon travail. Ali Abunimah
me fait dire que “l’on ne peut pas se
définir comme Juif et en même temps
faire un travail de solidarité avec la
Palestine, car s’identifier comme juif,
c’est être sioniste”. C’est là une
interprétation grotesque de mes écrits,
dans lesquels je m’efforce toujours de
définir la question en termes
catégoriques. Ce à quoi je m’oppose de
toute évidence, c’est l’exclusivité
raciale juive. Si Israël a tout faux en
voulant être un
État-pour-les-seuls-Juifs – c’est mon
argument -, alors ses critiques juifs
seraient mieux avisés de le combattre en
recourant à une idéologie et à une
pratique inclusive et universaliste.
Je suis bien critique à l’égard de toute
politique identitaire juive, culture
juive et idéologie juive. Je suis aussi
critique vis-à-vis de l’attitude
culturelle juive face à l’histoire. Je
critique la judéité et toute forme de
militantisme politique exclusivement
juif. Et je me demande pourquoi
quiconque cherche la justice et la paix
devrait faire des objections à ma
démarche. La culture ou la politique
identitaire juives sont-elles à l’abri
de toute critique ? Les Juifs
seraient-ils après tout les élus ?
Désolé de décevoir la ligue de mes
opposants palestiniens et juifs, mais il
semble bien que leur terminologie soit
défectueuse et induise en erreur : le
sionisme n’est pas un colonialisme, car
le colonialisme est défini comme
l’échange matériel entre une mère patrie
et un État de colons. Le fait qu’il
n’existe pas de mère partie juive
indique que le sionisme ne rentre pas
dans le modèle colonial.
Israël n’est pas non plus un État
d’apartheid, car l’apartheid est défini
par l’exploitation de résidents
indigènes. Mais l’État juif préfèrerait
la disparition pure et simple des
Palestiniens. En d’autres termes, nous
avons affaire ici à une philosophie
expansionniste à base raciale pas
vraiment différente du Lebensraum nazi.
Israël n’est pas le sionisme et
vice-versa. Israël est le produit du
projet sioniste. Si le sionisme est la
promesse d’établir un “foyer national
juif en Palestine”, Israël est son
produit postrévolutionnaire. D’ailleurs,
les Israéliens sont très peu
familiarisés avec la pensée et
l’idéologie sioniste. De leur pont de
vue, les rengaines antisionistes sont un
discours lointain émanant de la
diaspora.
Shalom ne veut pas dire paix,
réconciliation ou harmonie. Sa
traduction exacte est “sécurité pour les
Juifs”. La culture israélienne manque
d’une notion claire de la “paix” telle
que nous l’entendons, c’est-à-dire
harmonie et réconciliation.
Je suggère à mes détracteurs de
consacrer un certain temps à réfléchir à
cela, afin qu’ils comprennent que les
questions liées à ce conflit et à sa
résolution vont bien au-delà du simple
discours politique.
Je saisis l’occasion pour signaler à mes
adversaires que leur campagne est
contre-productive. Ceux que mes idées
intéressent se rendent compte que nous
vivons à une époque post-politique et
post-idéologique. Tout comme moi, ce qui
les intéresse, c’est l’argument éthique.
Ils ne sont pas encartés et ne reçoivent
pas d’ordres de groupes ou d’appareils
idéologiques sectaires. Ils ne font
qu’écouter leur cœur. Les organisations
pro-palestiniennes qui sponsorisent mon
actuelle tournée aux USA réalisent très
bien que mon travail galvanise le
traçage d’une ligne de démarcation entre
la vérité et ses ennemis.
La campagne acharnée de dénigrement de
mes écrits n’a abouti à rien d’autre
qu’à mettre au jour une accablante
intolérance intellectuelle dans nos
propres rangs. Si ceux qui s’opposent à
moi sont intéressés par mes idées, ils
devront apprendre à débattre. Mais avant
cela, j’imagine, il faudra que mes
détracteurs commencent par lire mon
livre et décident contre quoi ils sont
exactement.
Source:
http://www.gilad.co.uk/writings/washington-report-to-disavow-or-debate-gilad-atzmon.html
Date de parution de l'article original:
14/03/2012
Traduit par
Fausto Giudice فاوستو جيوديشي
Le sommaire de Gilad Atzmon
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