Gilad Atzmon
Entre Dominique
Vidal et Esther
Gilad Atzmon

Lundi 9 avril 2012
Dans le premier chapitre de
La Parabole d’Esther,
je précise d’emblée que, en ce qui
concerne la perception de soi, ceux qui
s’appellent eux-mêmes juifs peuvent être
répartis entre trois grandes catégories :
1. ceux qui suivent les préceptes du
judaïsme ;
2. ceux qui se considèrent comme des
êtres humains dont il se trouve qu’ils
sont d’origine juive ;
3. ceux qui placent leur judéité
au-dessus de tous les autres traits de
leur personnalité.
Dans mon livre, je m’intéresse
uniquement à cette 3e
catégorie, ceux qui se définissent
d’abord et avant tout comme juifs.
J’insiste également sur le fait que les
deux premières catégories correspondent
à un groupe de personnes inoffensives et
innocentes, d’un point de vue politique
ou éthique. L’ouvrage traite de la
politique identitaire juive. Je
m’efforce de définir ce en quoi
précisément consiste cette politique, et
quelle est son idéologie sous-jacente.
En effet, puisqu’Israël se définit
lui-même comme « l’État juif », et que
ses tanks arborent des symboles juifs,
il me semble que nous devons pouvoir
être en mesure de nous demander ce que
cela signifie : c’est-à-dire
concrètement, qu’est-ce que le judaïsme
et qu’est-ce que la judéité ?
Les sionistes, de manière évidente,
appartiennent à cette 3e
catégorie. Politiquement, ils
s’identifient avant tout comme juifs.
Mais, il est intéressant de souligner
que certains juifs antisionistes qui
agissent sous la bannière politique de
l’antisionisme dans des associations
ouvertes « seulement aux juifs » font
partie de cette 3e catégorie.
En fait, ils se comportent politiquement
comme des sionistes de gauche ou des
antisionistes sionistes.
J’ai appris cette semaine que
Dominique Vidal s’est scandalisé
de mon travail critique sur la politique
identitaire juive. [1] Je me demande
s’il pense que la politique identitaire
juive est au-dessus de toute critique ?
Ou s’il est convaincu que les juifs
sont, d’une certaine manière, parfaits ?
Que l’Histoire et l’héritage juifs
doivent tout simplement être exclus du
débat intellectuel ? Ou bien encore
qu’ils sont réellement le Peuple Élu ?
Je me pose et je lui pose ces questions.
De
toute évidence, dès que l’on aborde la
question de la politique identitaire
juive, certaines personnes, tout comme
lui, s’avèrent imperméables à la raison
et opposées à la plus élémentaire
liberté d’expression. Il met même sa
réputation en danger, en essayant ainsi
de faire taire un débat d’idées, ce à
quoi on ne s’attendrait pas de la part
d’un ancien rédacteur en chef adjoint du
prestigieux
Monde diplomatique.
En fait, le livre
La Parabole d’Esther,
qui a fait réagir si violemment M.
Vidal, est soutenu par les plus
grands humanistes de notre
temps, et les intellectuels les plus
respectés de notre mouvement.
Et pourtant, mis à part quelques noms
d’oiseaux (pour rester poli), Vidal ne
parvient pas à présenter le moindre
élément critique, ni un seul argument
raisonné, contre le livre. Il ne cherche
même pas à prouver que j’ai tort, ni à
établir en quoi je me trompe. Pour
l’instant, tout ce qu’il a pu produire
est une longue liste d’extraits
soigneusement sélectionnés de mon livre,
(et donc dépouillés de leur contexte
explicatif plus général), qu’il semble
trouver particulièrement insupportables.
Dans un esprit de concision, voici
certaines de celles qui bouleversent
tant M. Dominique Vidal :
-
« Dès lors qu’Israël se définit comme
l’“État juif”, nous sommes parfaitement
en droit de nous interroger sur la
signification réelle des notions de
judaïsme, judéité, culture et idéologie
juives » (La
Parabole d’Esther,
page 29) ;
- « Manifestement, nous n’avons pas
affaire seulement à Israël et aux
Israéliens. En réalité, nous sommes en
conflit avec une philosophie pragmatique
extrêmement déterminée qui génère et
promeut des conflits internationaux
d’ampleur gigantesque » (page
30) ;
- « En raison de la nature raciste,
expansionniste et judéo-centrique de
l’État juif, le juif de
la Diaspora se trouve
intrinsèquement associé à une idéologie
intégriste et ethnocentrique, ainsi qu’à
une interminable liste de crimes contre
l’Humanité » (page
92) ;
- « Les antisionistes d’origine juive
(cette catégorie peut englober des gens
haineux d’eux-mêmes et fiers de l’être,
comme moi) sont là pour donner une image
de pluralisme idéologique et de souci de
l’éthique » (page
118) ;
- « Le débat entre les sionistes et les
soi-disant “juifs antisionistes” n’a
strictement aucun impact sur Israël ni
sur la lutte contre la politique
israélienne. Il a pour seule fin de
maintenir le débat “au sein de la
famille”, tout en semant davantage de
confusion chez les Goyim. Cela permet
aux militants juifs ethniques
prétendument “progressistes” d’affirmer
que “tous les juifs ne sont pas
sionistes”. Cet argument de peu de poids
a pourtant réussi à faire voler en
éclats toute critique du lobbying juif
ethnocentrique qui a pu être exprimée au
cours des quatre décennies passées » (page
157) ;
- « Si Shlomo Sand est dans le vrai (…),
si les juifs ne sont pas une race et
s’ils n’ont rien voir avec le sémitisme,
alors l’“antisémitisme” est formellement
un mot vide de sens. Autrement dit, la
critique du nationalisme, du lobbying et
du pouvoir juifs ne peut être considérée
comme autre chose qu’une critique
légitime d’un idéologie, d’une politique
et d’une praxis » (page
212) ;
- « La religion de l’Holocauste était
déjà bien établie très longtemps avant
la Solution
finale (1942), bien avant
la Nuit
de Cristal (1938), les Lois de Nuremberg
(1936) et même avant la naissance
d’Hitler (1889). La religion de
l’Holocauste est sans doute aussi
ancienne que les juifs le sont
eux-mêmes » (page
221) ;
- « Tant dans Exode que dans le Livre
d’Esther, l’auteur du texte réussit à
prédire le genre d’accusations qui
allaient être jetées contre les juifs
pour les siècles à venir, telle que la
recherche du pouvoir, le tribalisme et la tricherie. De
manière choquante, le texte d’Exode fait
penser à une prophétie de l’Holocauste
nazi (…) Pourtant, aussi bien dans Exode
que dans le Livre d’Esther, au final, ce
sont les juifs qui tuent » (page
228) ;
- « Il m’a fallu des années pour
comprendre que mon arrière grand-mère
n’avait pas été transformée en
“savonnette” ou en “abat-jour”
contrairement à ce qu’on m’enseignait en
Israël. Ella a sans doute péri
d’épuisement ou du typhus, ou peut-être
a-t-elle été victime d’un mitraillage
collectif (au cours de ce qu’on appelle
la Shoah
par balles). C’était assurément triste
et tragique, mais cela n’est pas très
différent du sort qu’ont connu des
millions d’Ukrainiens qui ont eu à
apprendre le sens réel du mot
communisme. Le sort de mon arrière
grand-mère n’a pas été très différent de
celui de centaines de milliers de civils
allemands tués dans un bombardement
aveugle cyniquement orchestré, pour
l’unique raison qu’ils étaient
allemands » (page
248) ;
- « Soixante six ans après ans après la
libération du camp d’Auschwitz, nous
devrions pouvoir poser la question du
“pourquoi”. Pourquoi les juifs
étaient-ils haïs ? [2] Pourquoi les
peuples européens se sont-ils levés pour
faire la guerre à leurs voisins ?
Pourquoi les juifs sont-ils haïs au
Moyen-Orient, où ils avaient sûrement
une chance d’ouvrir une nouvelle page de
leur histoire ? S’ils avaient envisagé
de le faire, comme le clamaient les
pionniers du sionisme, pourquoi ont-ils
échoué ? Pourquoi l’Amérique a-t-elle
durci ses lois d’immigration au plus
fort du danger pour les juifs
européens ? Nous devons aussi nous
demander à quoi servent, au juste, les
lois sanctionnant le négationnisme de
l’Holocauste ? Qu’entend cacher la
religion de l’Holocauste ? [3] Tant que
nous ne nous poserons pas de questions,
nous serons assujettis aux sionistes et
à leurs complots. Nous continuerons à
tuer au nom de la souffrance juive » (page
249) ;
- Et les dernières lignes de l’épilogue
du « livre » sont les suivantes : « Je
ne saurais laisser passer l’opportunité
qui m’est ici offerte de remercier du
fond du cœur ma demi-douzaine de
détracteurs juifs marxistes qui m’ont
harcelé, moi et ma carrière musicale,
nuit et jour, des années durant, et sans
lesquels je n’aurais jamais pris toute
la mesure de la profondeur de la
férocité tribale. Ce sont ces activistes
juifs soi-disant “antisionistes” qui
m’ont appris infiniment plus de choses
que n’importe quel sioniste enragé au
sujet de la véritable signification
pratique – ô combien dévastatrice – de
la politique identitaire juive » (page
268).
Je
saisis l’opportunité qui m’est ici
donnée de souligner que je ne me réjouis
nullement des polémiques stériles, ou
des procès d’intention auxquels je
commence à être habitué depuis 10 ans.
Je préfèrerais m’engager dans un débat
contradictoire portant sur le cœur même
de mon livre. Je regrette donc que M.
Vidal n’ait pas donné suite à ma
proposition de débattre sereinement, et
de manière dépassionnée, avec lui. Mais
je reste convaincu que cela est possible
en France…
Je
reviendrai dans un prochain article sur
les extraits ci-dessus pour en
expliciter mieux le contenu, car ces
citations doivent bien évidemment être
resituées dans leur contexte original.
Notes
[1] Pourtant,
comme l’explique clairement M.
Jean Bricmont,
(lui aussi violemment pris à partie par
M. Vidal), dans sa préface (page 18) : «
Il est très facile de “démontrer“ le
prétendu antisémitisme d’Atzmon :
celui-ci distingue fréquemment, y
compris au début de son livre, trois
sens du mot “juif“ : les gens d’origine
juive, avec lesquelles il n’a aucune
querelle, les personnes de religion
juive, avec lesquelles il n’a également
aucune querelle et ceux qu’il appelle de
la troisième catégorie, c’est-à-dire
ceux qui, sans être particulièrement
religieux, mettent constamment en avant
leur “identité“ juive et la font passer
avant et au-dessus de leur simple
appartenance au genre humain. Il suffit
alors d’interpréter selon la première
définition (les gens d’origine juive) le
mot “juif“ chez Atzmon, lorsqu’il est
utilisé dans le troisième sens, dans un
discours dont le style est souvent
extrêmement polémique, pour “faire ainsi
la preuve“ de son soi-disant
antisémitisme ».
[2] Ici enfin, M.
Vidal oublie une note de l’auteur qui
est pourtant signifiante. La voici :
« Loin de moi l’idée de laisser entendre
qu’ils méritaient la haine qu’on leur
portait à l’époque ; il n’est pas
question de blâmer les victimes. Par
ailleurs, les juifs ne sont pas les
seules victimes de ce conflit. ».
[3] Pour finir, et
parce que M. Vidal termine son propre
texte de manière ignominieuse par une
allusion au principal organe de
propagande nazie, nous indiquons ici
deux notes de l’auteur qui montrent
clairement – si besoin était – que
M. Atzmon
n’est pas un négationniste, comme
voudrait le faire accroire ses
adversaires, mais qu’il s’élève
simplement contre les lois mémorielles,
au nom de la liberté d’expression :
- « Il ne s’agit
pas ici de mettre en doute la
criminalité des politiques nazies, mais
simplement de souligner la nécessité de
dépouiller l’Holocauste de sa primauté
judéo-centrée. Au lieu de continuer à
servir d’argument politique et de
paravent (voire de prétexte) pour
justifier les invasions et les guerres,
la Shoah
doit devenir une leçon historique
portant un message humaniste et
universel. » (Note de l’auteur : page
248)
- « En raison de leur endoctrinement
(dans la religion de l’Holocauste), les
jeunes générations de juifs ont
développé une forme unique de mentalité
de victime collective, indépendamment de
leur histoire familiale réelle. En
Israël par exemple, il y a un large
débat sur les symptômes de la 3e et 4e
génération des fils et des filles de
l’Holocauste. En fait, la façon dont
l’Holocauste est enseignée, ajoutée à
l’endoctrinement religieux, fait que
beaucoup de jeunes Israéliens sont
traumatisés par un événement qui peut
n’avoir aucun lien direct avec
l’histoire personnelle spécifique de
leurs ancêtres… » (Note de l’auteur :
pages 262-3)

La Parabole d’Esther :
Anatomie du Peuple Élu
Editions Demi Lune
À commander sur la librairie en ligne du
Réseau Voltaire :
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