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Al-Ahram Hebdo
L'été entre deux
camps
Doaa Khalifa avec Nader Taman
Photo: Al-Ahram
Mercredi 30 juin 2010
Gaza.
Des camps d'été organisés
par l'UNRWA réunissent les enfants de Gaza pour les aider à
surmonter le traumatisme et se divertir. Le Hamas aussi a ses
camps, mais pour initier les garçons à la résistance à Israël.
Vivre l'été à Gaza ne signifie
pas seulement défier la chaleur, mais aussi les difficiles
conditions de vie sous un blocus étouffant. Les menaces de tirs
et bombardements israéliens provoquent des sentiments
d'insécurité permanents chez les Gazaouis. Cependant, Samar,
Mira, Rola et Rim, des filles de 11 à 13 ans, ont une bonne
raison d'être heureuses. Depuis longtemps, elles n'avaient pas
le droit de vivre un moment de joie, de divertissement, et
surtout au bord de la mer. Aujourd'hui, et après le commencement
du camp d'été de cette année le 12 juin, elles viennent tous les
jours pour dessiner, faire de la gymnastique, chanter ou danser
la Dabka (danse traditionnelle), ou même nager dans la piscine
ou dans la mer.
Cela se déroule dans les camps
d'été qui ont été créés par l'UNRWA (Agence des Nations-Unies
pour les réfugiés), depuis quatre ans, pour divertir les
enfants, leur faire oublier le traumatise de la guerre et leur
donner la chance de se défouler par des activités artistiques,
sportives et culturelles.
Des genres de divertissements
surnommés Summer Camp, un nom qui rappelle celui d'une offensive
israélienne Summer Rain (pluie d'été) en juin 2006 qui avait
fait des centaines de morts. Les camps ont été créés selon
Hossam Manea, directeur du programme de secours et des services
de l'UNRWA à Gaza, pour alléger le fardeau des enfants de Gaza
face aux problèmes économiques et sociaux dont ils souffrent.
« On vise à offrir à 250 000 enfants, de 7 à 15 ans, la chance
de se divertir, pour une durée de 4 heures par jour, pendant
presque deux semaines », explique Manea, en ajoutant que les
enfants du cycle primaire jouissent des camps installés dans les
écoles, et les plus âgés, de 11 à 13 ans, exercent des activités
au bord de la mer.
Sur la plage de Gaza, les
drapeaux des Nations-Unies flottent sur des tentes dressées
l'une à côté de l'autre et où la musique et des chants fusent.
Une scène qui suscite la curiosité dans la ville qui mène un
triste quotidien sous le blocus et les menaces israéliennes. Dès
qu'on y entre, la joie vient se substituer à la peur et à la
peine. Dessins colorés sur les toiles des tentes et rythmes de
la musique créent une ambiance euphorique. Ici, chaque groupe de
filles exerce une activité. Les unes font équipe pour fabriquer
des boîtes de cadeaux en paille, les autres font des poteries,
un troisième rassemblement opte pour danser la Dabka, aux
rythmes de la musique diffusée à partir d'un ordinateur
portable. Pas très loin, dans la piscine, d'autres filles jouent
dans l'eau tout en portant des stretchs et des blouses, mais
surtout pas de maillot de bain, tradition oblige. Des fillettes
qui rêvent du jour où elles peuvent mener un quotidien paisible
sans guerre, sans morts, comme elles le déclarent. Mais aussi
sortir de ce blocus. « J'espère pouvoir faire le tour du monde,
danser la Dabka que j'apprends ici dans le camp, pour préserver
et promouvoir le patrimoine palestinien dans le monde », dit
Samar, qui pense que les activités ici lui permettent d'oublier,
pour un certain moment, le quotidien stressant sous le blocus.
Cependant, la plupart d'entre elles ont peur de nager dans la
mer. « Je ne peux pas oublier le jour où ma copine Dalal a
assisté à la mort de ses parents qui étaient assis au bord de la
mer tandis qu'elle nageait. Les Israéliens leur ont tiré dessus
et elle a fini par perdre toute sa famille. C'est horrible de
perdre ses parents et de rester seule pendant le reste de sa
vie », dit Samar, qui préfère pratiquer la natation à la
piscine.
Ces fillettes sont autorisées à
choisir librement les activités qu'elles désirent exercer. « A
la fin, elles organisent une exposition ou présentent une pièce
de théâtre qu'elles ont préparée », explique Samah Al-Tanna,
surveillante du camp d'été où beaucoup de jeunes Palestiniens y
trouvent un boulot rompant le chômage qui règne à Gaza, au moins
durant deux mois d'été. Samah explique qu'il y a 35 camps sur la
plage de Gaza et le nombre d'enfants qui y sont inscrits est en
augmentation. « Au départ, les fillettes avaient peur de venir
tout près de la mer où elles peuvent être la cible des tirs
israéliens. Mais, c'est à travers des cours d'assistance
psychologique dans les écoles et grâce à des jeux amusants que
le nombre a atteint 170 filles dans le camp ... Celui-ci est
vrai et est aménagé de manière à en accueillir 250 », dit Samah
qui elle et ses autres collègues déploient des efforts pour
aider les filles à surmonter ce traumatisme. Fatma, Chaïmaa et
Wafaa dessinent le drapeau d'une patrie qu'elles rêvent de voir
libre. « Pourquoi n'avons-nous pas le droit d'aller à
Jérusalem ? », s'interroge Chaïmaa, qui aimerait devenir médecin
« pour traiter les maux de ma patrie », dit-elle. Des maux, des
cauchemars et des soucis qui ne s'oublient que partiellement
sous les rythmes de la musique traditionnelle autour de laquelle
les filles sont assemblées dans un tableau dansant et restent
dans l'euphorie jusqu'à 12h30. A cette heure, elles doivent
quitter le camp pour permettre aux garçons de prendre leur place
et de jouir aussi des activités au bord de la mer. Cette année,
la mixité a été interdite. Selon Hossam Manea, « il y avait des
gens qui critiquaient cette mixité dans les camps, alors, nous
avons préféré l'interdire par respect aux traditions. Ce n'est
pas logique de priver un enfant de se divertir dans les camps
parce que ses parents préfèrent ne pas l'envoyer à cause de la
mixité », dit-il.
En fait, les camps d'été de
l'UNRWA sont dénoncés par les extrémistes radicaux à Gaza. Au
mois de mai, des hommes masqués ont incendié des installations
des camps d'été. Cependant, les responsables de l'UNRWA ont
déclaré que les activités d'été continueront malgré tout dans
l'intérêt de ces enfants privés de tout plaisir. « Et l'afflux
des petits prouve qu'ils ont besoin d'avoir ce genre de
défoulement », dit Manea.
Le revers de la médaille
Pendant que les enfants se
défoulent dans les camps de l'UNRWA, d'autres enfants de 6 à 12
ans portant des casques et des drapeaux avec le nom du Hamas,
lèvent des photos des prisonniers et des martyrs palestiniens et
scandent le slogan « Notre Aqsa, nos prisonniers, la liberté est
au rendez-vous ». Ils font des défilés dans la rue pour annoncer
le commencement des camps d'été du Hamas. Des camps qui portent
le nom, soit d'un militant du Hamas tué par les Israéliens, soit
d'un prisonnier. Le groupe du prisonnier Yéhia Hassan Salama
rejoint celui de Yéhia Ayach et les autres groupes dans un
défilé militaire dans les rues du quartier de Cheikh Radwane,
ouest de Gaza. Il s'y trouve 1 450 enfants dans 7 camps, tout en
répétant les slogans de la liberté et de la guerre et en portant
deux pigeons dans une cage, symbole des prisonniers. « Le
mouvement ne mourra jamais », répètent les petits garçons qui,
une fois sortis du rang, sont battus ou insultés par le
surveillant. « Nous leur offrons des activités religieuses,
sportives et aussi de la technologie. Ils vivent dans une
ambiance de guerre et doivent être éduqués d'une manière qui
leur permettra d'être les leaders du futur », explique Ahmad
Galaqa, un des surveillants du camp. Moetaz et Mohamad Ziad, 9
et 10 ans, deux enfants qui ont pu nous chuchoter quelques mots
loin des regards des durs surveillants, expliquent qu'ils
pratiquent des exercices de guerres. « Des tirs et des manœuvres
des combats en plus de l'apprentissage du Coran », disent les
petits, avant de se résigner aux ordres de leurs chefs ou
surveillants, alors que beaucoup d'entre eux semblent souffrir
de la chaleur et du long trajet.
De longs kilomètres de marches
militaires avant que le discours d'un des leaders commence par
un verset de Coran suivi par l'annonce des activités religieuses
et culturelles du camp, tout en répétant : « Nous refusons les
camps de débauche. Evitez-les ». Une ambiance militaire et des
chants de guerre des défenseurs de la résistance du Hamas,
répétés par les petits, avant que chacun ne rejoigne son camp.
Dans ces camps, les tentes sont garnies des photos d'hommes
masqués portant des armes en main en état de guerre. Ces camps
accueillent des petits qui ont déjà vécu des moments horribles
sous les tirs et les bombardements israéliens lors de la guerre.
Cependant, ils semblent toujours vivre dans une atmosphère de
guerre.
Ils n'ont pas de chance ces
garçons. Mais d'autres petits du cycle primaire s'extériorisent
en jouant du football, volley-ball, nagent dans la piscine ou
passent du temps à pratiquer les jeux populaires connus à Gaza.
Ces garçons de 7 à 15 ans jouissent de ces activités dans un
camp de l'UNRWA. Les enfants de ce camp, qui se situe dans une
école, n'oublient jamais que leur patrie est dans un état de
blocus qu'ils rêvent de voir prendre fin. « Il est indispensable
que les pays du monde interviennent pour nous faire sortir de
cette cage du blocus », déplore Mohamad, 12 ans, dont le temps
passé à jouer et à se divertir ne peut lui faire oublier les
cris de faim de ses petits frères à cause du manque de lait.
« Notre divertissement et notre véritable bonheur sont d'avoir
la liberté, le droit de se déplacer dans notre pays, la
Palestine », dit Ahmad Al-Madhoune, 10 ans.
Droits de reproduction et de diffusion réservés. ©
AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 30 juin 2010 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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