À l'approche de la présidentielle
L'armée égyptienne
rue dans les brancards israéliens
Djamel Bouatta
Mercredi 25 avril 2012
Hormis la
coopération sécuritaire, et quelques
contrats tels que l'accord gazier, les
deux pays n'ont jamais établi de réelles
relations commerciales ou culturelles,
car le traité de paix signé par Begin et
Sadate en 1979 à la Maison-Blanche, n'a
jamais été accepté par la population
égyptienne.
Les relations se dégradent entre Israël
et l'Égypte. Le ton avait été donné
durant le printemps du Nil lorsqu’un
incident frontalier entre soldats
israéliens et égyptiens avait déclenché
de violentes manifestations, qui avaient
culminé par la mise à sac de l'ambassade
israélienne au Caire en septembre 2010.
Cette fois-ci, le maréchal Tantaoui, le
chef de l’armée au pouvoir depuis la
chute de Moubarak, se fait plus menaçant
en répliquant indirectement aux
manœuvres militaires israéliennes dans
le Sinaï. “Si quelqu'un s'approche des
frontières de l'Égypte, nous lui
casserons la jambe”, a averti le chef
suprême des armées et numéro un du
Conseil supérieur de l’armée qui est
resté aux commandes malgré l’élection
d’un Parlement chargé de rédiger la
Constitution post-Moubarak. L’armée,
sous la pression de l’opinion égyptienne
qui manifeste depuis la chute du
“pharaon” son hostilité croissante aux
accords de paix avec Israël s’est vu
obligée de sortir de l’indifférence
qu’elle avait observé jusqu’ici, malgré
les pressions de Washington qui tient le
Caire avec ses 3 MDS affectés chaque
année pour contenir les ressentiments
anti-israéliens des Égyptiens. La
rupture du contrat gazier avec Israël
constitue une nouvelle étape dans la
dégradation progressive des relations
entre les deux pays depuis la révolution
égyptienne de février 2011. Un incident
frontalier ayant occasionné la mort de
plusieurs soldats égyptiens en août
2011, tués par l'armée israélienne
lancée à la poursuite des auteurs d'un
attentat terroriste sur une route du Sud
d'Israël, avait déclenché de violentes
manifestations, qui avaient culminé avec
l’assaut de populations contre la
représentation diplomatique israélienne
au Caire. Depuis, les diplomates
israéliens n'assurent plus qu'une
présence symbolique de quatre jours par
semaine dans la capitale égyptienne, où
ils n'arrivent plus à trouver à louer de
locaux. Hormis la coopération
sécuritaire, et quelques contrats tels
que l'accord gazier, les deux pays n'ont
jamais établi de réelles relations
commerciales ou culturelles, le traité
de paix signé par Begin et Sadate en
1979 à la Maison-Blanche n'a jamais été
accepté par la population égyptienne
laquelle outre l’abandon de la question
palestinienne n’a jamais vu d’avantages
à cette paix virtuelle. Et si l'armée
égyptienne défendait la capitulation de
Camp David, parce que ce fut le choix
délibéré de ses responsables et la
contre-partie d’une colossale aide
militaire américaine ainsi que la place
fictive par ailleurs accordée à l’Égypte
dans la gestion des affaires arabes.
La rétrocession du Sinaï par Israël n'a
engendré des bénéfices que pour les
puissants investisseurs, proches de
Moubarak ou généraux à la retraite, qui
ont depuis développé des stations
balnéaires dans la péninsule. Les
islamistes, opposants historiques aux
régimes Sadat et Moubarak, n'ont cessé
de dénoncer la normalisation des
relations avec Israël comme une trahison
de la cause arabe. Aujourd'hui
majoritaires au Parlement égyptien et
aux portes du pouvoir, les islamistes
ont multiplié les assurances qu'ils ne
remettraient pas en question la paix
avec Israël, mais en les assortissant de
déclarations ambiguës. En coulisse, les
Américains tentent de sauvegarder un
traité qui a longtemps constitué un
élément essentiel de leur politique au
Moyen-Orient. Tout récemment, le
département d’État américain a déployé
le tapis rouge sous les pieds dune
délégation des Frères musulmans aux
États-Unis. Le temps de l'étroite
coopération entre le Mossad et les
Moukhabarates (services de
renseignements égyptiens) est révolu
depuis le printemps du Nil et les deux
voisins se regardent désormais en chiens
de faïence. Israël a lancé au printemps
dernier des travaux de construction
d'une barrière de sécurité le long de sa
frontière désertique avec le Sinaï. La
région Sud, longtemps l'une des plus
sûres d'Israël, connaît depuis plusieurs
mois des états d'alerte réguliers. Les
vacanciers israéliens, qui se rendaient
régulièrement sur les plages du Sinaï
égyptien, ont presque totalement déserté
la péninsule, les autorités israéliennes
déconseillant à présent formellement à
leurs ressortissants de se rendre en
Égypte. L'armée égyptienne a quant à
elle considérablement renforcé son
dispositif militaire dans le Sinaï, ce
qu'interdisait expressément le traité de
paix, qui prévoyait que seules des
forces de police réduites soient
stationnées dans cette région. Le
ministre israélien des AE, Avigdor
Lieberman, caricature de l’anti-Arabe,
n’arrête plus d’alerter ses homologues
occidentaux contre le danger que
représente à présent l'Égypte. Le
commandement sud de l'armée israélienne
a été renforcé de trois divisions. Reste
que, après un an d'instabilité
chronique, l’Égypte est toujours plongée
dans l'incertitude.
Depuis quelques semaines, les Frères
musulmans et l'armée se livrent à un
bras de fer pour le partage du pouvoir,
rapport de forces qui conduit à la
paralysie politique du pays et même
l'écriture de la future Constitution est
dans l'impasse. La présidentielle, dont
le premier tour doit avoir lieu les 23
et 24 mai, font l’objet d’une âpre
compétition entre militaires et
islamistes.
D. B.
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Publié le 25 avril 2012 avec l'aimable
autorisation de Liberté.
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