16 octobre 2008
A trois semaines de l’élection
présidentielle, et passée la période des débats télévisés, les
spéculations vont bon train, sondages à l’appui, pour tenter de
déterminer qui pourrait l’emporter. Selon la plupart des
sondages, Barack Obama semble ainsi se détacher nettement de son
adversaire, et se rapproche chaque jour un peu plus d’une
victoire qui semblait encore inespérée au début des primaires
démocrates.
Mais aux Etats-Unis, les sondages nationaux
n’ont qu’une valeur indicative, l’élection se déroulant de façon
indépendante dans chaque Etat, et ces derniers offrant au
candidat arrivé en tête l’ensemble des délégués qui y sont en
jeu. Les 538 délégués qui voteront pour les candidats sont
répartis en fonction de la population de chaque Etat, afin de
représenter au mieux la population américaine. Ainsi, la
Californie, Etat le plus peuplé de l’Union, offre 54 délégués au
candidat arrivé en tête, le Texas 34, l’Etat de New York 31, et
ainsi de suite jusqu’à un nombre d’Etats peu peuplés qui offrent
3 délégués, le minimum possible (c’est notamment le cas de
l’Alaska, où Sarah Palin est gouverneur, et qui présente la
particularité d’être à la fois l’Etat le plus vaste et l’un des
moins peuplés de l’Union). C’est ainsi que le scrutin populaire
ne garantit pas forcément une victoire, comme Al Gore en a fait
les frais en 2000.
Dans ce contexte, plutôt que de regarder les
sondages nationaux, il convient de s’attarder sur chaque Etat,
afin de voir dans quelle mesure un des deux candidats est en
mesure d’atteindre le seuil fatidique de 270 délégués lui
permettant d’assurer sa victoire. Or, si la plupart des Etats
semblent d’ores et déjà acquis à l’un ou l’autre des deux
candidats (ceux où ils ont fait leur carrière politique, mais
aussi des « bastions » traditionnels républicains ou
démocrates), d’autres restent en revanche encore indécis, et
pourraient pencher dans un sens comme dans l’autre le 4 novembre
prochain. Ainsi, par exemple, si l’Etat de New York, le
Massachussets, la Californie et Hawaï sont d’ores et déjà acquis
à Barack Obama, le Texas, l’Arizona, l’Alaska et l’Utah semblent
promis à John McCain.
Au total, et si on prend en compte certains
Etats encore indécis, mais qui devraient selon toute logique
pencher dans un camp ou dans l’autre, et ne pas créer de
surprise, Barack Obama dispose d’une avance considérable, et
presque décisive, puisque les différents instituts de sondage
lui accordent 264 délégués, contre seulement 185 pour John
McCain. Il ne manquerait donc que 6 délégués au sénateur de
l’Illinois pour assurer sa victoire dans les Etats clefs.
Ces Etats clefs sont au nombre de six (Ohio,
Virginie, Caroline du Nord, Floride, Colorado, Nevada), et
représentent un total important de 89 délégués, pour lesquels le
résultat reste indécis. C’est dans ces Etats que la victoire va
se jouer, et il n’est à cet égard pas surprenant de voir les
deux candidats y multiplier les apparitions.
Certains de ces Etats sont presque
systématiquement considérés comme « clefs », en ce qu’ils
penchent pour les Républicains ou les Démocrates en fonction de
l’élection, et sont par conséquent un terrain de luttes
politiques particulièrement marquées. D’autres Etats, comme le
New Hampshire et la Pennsylvanie, sont souvent « clefs », mais
tous les sondages effectués dans ces deux Etats indiquent assez
clairement que Barack Obama s’y imposera facilement, sauf énorme
surprise.
Par ailleurs, certains Etats sont considérés
comme « essentiels » dans la quête à la victoire, de par le
nombre de délégués qu’ils offrent, ou de manière purement
symbolique. On estime ainsi par exemple que le vainqueur de
l’élection présidentielle doit forcément s’imposer dans deux
Etats au moins sur les trois « clefs » les plus importants
(Floride, Ohio, Pennsylvanie). Le Missouri est également souvent
cité comme l’Etat qui revient systématiquement au vainqueur du
scrutin. Mais il ne s’agit là que de statistiques, n’ayant
aucune valeur en terme de résultats (on imagine par exemple un
candidat l’emportant dans les trois Etats sus-cités, mais
échouant dans le Missouri, et étant pourtant élu – ce scénario
pourrait très fortement se réaliser cette année).
Sur ces différents Etats, aucun institut de
sondage ne se risque à avancer le nom d’un vainqueur,
compte-tenu de la marge d’erreur des sondages qui y sont
réalisés. Mais depuis quelques semaines, tous les sondages
indiquent qu’à l’exception de la Caroline du Nord (15 délégués),
l’ensemble de ces Etats penchent de plus en plus nettement en
faveur de Barack Obama.
Par ailleurs, la stratégie d’Obama tout au
long de cette campagne a consisté à attaquer McCain dans des
Etats qui lui semblaient pourtant promis, poussant le candidat
républicain à faire campagne dans ces mêmes Etats, et perdant
une précieuse occasion de chercher à contrer son adversaire là
où les Démocrates sont donnés gagnants. Ce fut ainsi le cas de
manière très nette dans des Etats comme l’Indiana et le
Missouri, qui donnent encore une avance à McCain, mais ne sont
pas assurés pour les Républicains.
En conséquence, nous nous risquons ici à
proposer une carte de ce que pourrait être le résultat du 4
novembre, Etat par Etat.
Prévision du résultat du
4 novembre 2008
Les Etats rouges sont ceux où McCain arriverait
en tête,
les Etats bleus ceux où Obama arriverait en tête.
Cette carte n’est qu’une prévision, sur la
base des différents sondages à trois semaines du scrutin. Des
évolutions sont possibles, et aucun des résultats n’est
définitif. Mais selon toute vraisemblance, la carte électorale
américaine pourrait ressembler fortement à celle-ci à l’issue de
l’élection, sauf événement majeur venant perturber le
déroulement de la campagne.
Si on tient compte du nombre de délégués,
Obama arriverait très largement en tête, avec un total de 338
contre seulement 200 pour McCain. Notons au passage que parmi
les Etats « octroyés » à Obama, seul l’Ohio reste très indécis,
avec une avance de quelques points, tandis que du côté
républicain, plusieurs Etats « octroyés » à McCain sont encore
très serrés. Il s’agit de la Caroline du Nord, du Missouri et de
l’Indiana.
Par ailleurs, parmi les Etats qui n’ont pas
organisé de sondages pouvant être retenus, on note de nombreux
Etats qui votent traditionnellement républicain, et que nous
avons volontairement dessiné en rouge. Mais il est encore assez
difficile de savoir avec certitude si ces Etats voteront
effectivement pour le sénateur de l’Arizona. On pense notamment
aux Etats du Sud, comme la Louisiane (encore marquée par
l’ouragan Katrina qui dévasta la Nouvelle-Orléans en septembre
2005), et la Georgie, où le vote des communautés noires pourrait
apporter à Obama un soutien non négligeable. Rappelons par
exemple que Bill Clinton s’était imposé en Géorgie en 1992
contre George Bush père.
D’où l’intérêt de se pencher sur les cartes
des résultats précédents. Nous avons à ce titre sélectionné la
dernière élection (en 2004), mais également celle qui a vu la
victoire de George W. Bush sur Al Gore en 2000, et celle de Bill
Clinton sur Bush père en 1992. Nous avons volontairement choisi
de ne pas tenir compte de la réélection de Clinton contre Bob
Dole en 1996, cette élection n’apportant pas d’élément
supplémentaire à notre réflexion.
Résultat de l’élection
de 2004
En rouge les Etats où Bush est arrivé en tête,
en bleu les Etats où Kerry est arrivé en tête.
En 2004, George W. Bush est parvenu à asseoir
la domination des Républicains dans les Etats du Sud et du
Midwest, invitant même à l’époque les analystes politiques à
estimer qu’une victoire des Démocrates devenait de plus en plus
difficile, et que l’Amérique s’orientait ainsi vers un
conservatisme permanent, que les libéraux devaient accepter, ou
combattre sur d’autres terrains. Au total, Bush est arrivé en
tête dans 31 Etats (contre 20 à John Kerry, si l’on compte
Washington DC), et a remporté 286 délégués, contre 252 pour
Kerry. La Floride, qui resta dans la camp républicain, fut une
nouvelle fois décisive.
Résultat de l’élection
de 2000
En rouge les Etats où Bush est arrivé en tête,
en bleu les Etats où Gore est arrivé en tête.
Al Gore est arrivé en tête en nombre de voix
(avec une avance de 500.000 sur son adversaire), mais George W.
Bush a remporté un plus grand nombre de délégués à l’occasion de
cette élection. C’est la Floride qui, au terme d’un feuilleton
politique tragi-comique de plusieurs semaines, a tranché en
faveur du candidat républicain. Au total, Bush s’est imposé dans
30 Etats contre 20 (+DC), et a remporté 271 délégués contre 266,
pour ce qui constitue le scrutin le plus serré de l’histoire
récente des Etats-Unis.
Notons enfin l’échec d’Al Gore dans les Etats
du Sud, qui avaient pourtant offert la victoire à Bill Clinton.
L’élu du Tennessee n’est même pas parvenu à s’imposer dans son
Etat, ce qui est assez rare.
Résultat de l’élection
de 1992
En rouge les Etats où Bush père est arrivé en
tête, en bleu les Etats où Clinton est arrivé en tête.
Bill Clinton a, comme nous l’avons indiqué,
bâti sa victoire sur George Bush père en l’emportant dans des
Etats où il n’était pas en position de force en tant que
candidat démocrate. C’est notamment le cas de la Géorgie, mais
également de l’Arkansas, où il était gouverneur avant de briguer
la fonction présidentielle, du Tennessee (en partie grâce à son
colistier, Al Gore) et de la Louisiane. Mais le résultat de
cette élection fut fortement influencé par le score de
l’indépendant Ross Perrot, qui priva Bush d’une réélection en
empiétant très largement sur son électorat conservateur. Au
total, Clinton est arrivé en tête dans 33 Etats (dont DC) contre
18, et a remporté le nombre impressionnant de 370 délégués
contre 168 à Bush père. Ce score nous permet de mesurer l’écart
entre le vote populaire et le nombre de délégués, Clinton ayant
une avance de 5 millions de voix (ce qui reste malgré tout
exceptionnel) sur Bush père, mais cette avance se traduisant par
plus du double de délégués ! Preuve s’il en est, avec le
résultat de 2000, que les sondages nationaux n’ont vraiment
qu’une valeur indicative, chaque Etat votant de manière parfois
très différente.
Nous remarquons sur les quatre cartes que
certains Etats sont de manière presque systématique rouges ou
bleus. Un axe qui va du Dakota du Nord au Texas pour les
Républicains, et la côte Pacifique pour les Démocrates. Le
résultat de cette année confirmera cette tendance, une surprise
dans l’un de ces Etats, fut-il rouge ou bleu, étant quasiment
exclue, et constituerait un événement politique majeur.
Ces cartes nous enseignent par ailleurs qu’un
écart important en nombre de délégués est possible.
Elles indiquent enfin les évolutions
importantes relevées à l’occasion de cette campagne, et qui
pourraient se transformer en résultats électoraux.
Barthélémy Courmont,
chercheur à l'IRIS
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Publié le 20 octobre avec l'aimable autorisation de l'IRIS.