La longue course aux Primaires démocrates et républicaines a commencé avec les caucus dans l’Iowa, Etat peu peuplé qui désigne traditionnellement en premier les délégués pour les conventions des deux partis. Si les multiples sondages communiqués ces derniers jours prévoyaient la victoire de Mike Huckabee et un résultat serré entre les trois principaux candidats démocrates (le quotidien Des Moines Register étant le seul à prévoir la victoire assez nette de Barack Obama), il convient de s’attarder sur les premiers distancés, ceux qui ont pris un retard certain, et qu’il leur faudra combler au plus vite pour ne pas être définitivement battus.

Chez les Républicains, les grands vainqueurs du jour sont évidemment Mike Huckabee, l’ancien gouverneur de l’Arkansas, mais aussi John McCain, qui malgré une campagne très discrète dans l’Iowa, est tout de même parvenu à remporter 13% des voix, loin derrière le duo de tête, mais compte-tenu de son assise à échelle nationale, ce résultat reste satisfaisant. Mitt Romney est arrivé deuxième, mais compte-tenu de l’énorme énergie dépensée dans l’Iowa (sans compter les fonds de campagne investis dans cet Etat), ce résultat peut s’apparenter à une défaite. L’ancien gouverneur du Massachusetts est distancé par un candidat que certains analystes américains estiment comme « sorti de nulle part », et ne parvient à battre que des candidats n’ayant quasiment pas fait campagne dans l’Iowa. Sa défaite pourrait être comparée à la décevante troisième place d’Howard Dean dans ce même Etat en 2004 (derrière Kerry et Edwards), ou à la troisième place d’Hillary Clinton dans le camp démocrate, sur laquelle nous reviendrons en détail. Pour Romney en tout cas, cette deuxième place ne doit pas masquer une immense déception.

Mais le grand vaincu est indiscutablement Rudolf Giuliani, qui ne recueille que 4% des voix, et une piteuse sixième place dans le camp républicain. L’ancien maire de New York n’a pas tardé à s’exprimer, depuis Miami (où il fait campagne pour les Primaires en Floride), sur son score, rappelant qu’il n’a pas fait campagne dans l’Iowa, et que ses 4% ne signifient pas grand chose. Sa stratégie « des 50 Etats », comme il l’a surnommée, consiste à ne pas se concentrer sur les Primaires l’une après l’autre, mais à aborder ce vote de façon globale. Jouant sur son prestige personnel, hérité de ses prestations au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, Giuliani est de loin le plus « connu » des candidats républicains. Mais cela n’a pas suffi, loin sans faut, dans l’Iowa. Et sa stratégie pourrait rapidement montrer des signes de faiblesse s’il ne parvient pas à rectifier le tir dans le New Hampshire, où il s’est montré plus présent. Distancé mais certainement pas vaincu, l’ancien maire de New York est conscient que ni Huckabee, ni Romney, ne représentent a priori des candidats de poids au niveau national. Mais c’est un pari risqué, et le fait que McCain soit arrivé loin devant lui confirme que sa popularité ne suffira pas.

Chez les Démocrates, la victoire de Barack Obama, si elle est un véritable événement dans un Etat que l’on imaginait il y a encore quelques semaines peu disposé à voter majoritairement pour un candidat noir, ne peut éclipser la désillusion du camp d’Hillary Clinton, qui espérait il y a encore peu remporter haut la main les premiers caucus. L’ancienne First Lady a pourtant fait campagne très activement dans cet Etat, consciente de l’importance des premiers résultats des Primaires. Mais elle n’est pas parvenue à incarner le changement, et si près d’un tiers des caucus se sont prononcés en sa faveur, le reste s’est porté sur deux candidats qui incarnent d’une certaine manière l’anti-Clinton : Obama et Edwards. En effet, le sénateur de l’Illinois et l’ancien sénateur de Caroline du Nord se montrent tous deux très critiques du programme d’Hillary Clinton, et ses penchants souvent jugés trop conservateurs. En d’autres termes, il est hautement probable qu’entre Obama et Edwards, les délégués de celui qui jettera l’éponge le premier se tourneront vers l’autre en vue de la convention démocrate de Denver fin août, et le principal défi d’Hillary Clinton sera de rassembler ceux qui n’auront pas voté pour elle. Pour cela, il lui faudra axer davantage sa campagne sur les questions de société, thème cher à la branche libérale du parti de l’âne.

Mais nous n’en sommes pas encore là. A ce stade, Hillary Clinton devra rebondir très rapidement, et les primaires organisées dans le New Hampshire le 8 janvier seront à cet égard cruciales. La leçon qu’elle devra avoir retenue du résultat dans l’Iowa est la même que celle de Giuliani : dans un pays où le processus électoral se fait Etat par Etat, les sondages nationaux ne veulent rien dire. Et pour elle, une autre leçon, peut-être plus importante encore : la candidate démocrate n’a cessé au cours des dernières semaines de railler ses adversaires en mettant en avant son expérience comme meilleure garantie du succès. Cette stratégie ne fonctionnera pas, et il lui faudra trouver autre chose, car l’expérience ne permet pas de remporter l’élection aux Etats-Unis. Elle devrait le savoir mieux que quiconque, pour avoir épaulé son inexpérimenté mari dans sa victoire contre les très expérimenté George Bush en 1992 !

Un mot rapide enfin sur les deux vainqueurs : l’Iowa, ce n’est pas encore l’Amérique, mais ça y ressemble un peu quand même, pourraient ainsi se réjouir les équipes de Mike Huckabee et de Barack Obama, qui vont se retrouver dans les prochains jours sous les feux des médias, dans un fauteuil de leader, certes provisoire, mais qui confirme leurs prétentions nationales. Il leur faudra désormais confirmer leur position de leader, ce qui nous amène à penser que, pour l’un comme pour l’autre, le plus dur, mais aussi le plus excitant, reste à venir.