Opinion
Egypte : le peuple
en a voulu ainsi
Badis
Guettaf
Samedi 28 janvier
2012
L’Egypte a
changé. Pas comme le voulait les
«cyberdissidents» et comme le
prévoyaient les observateurs médiatiques
autorisés. Ce sont les islamistes, les
«modérés» plus les «durs» les Salafistes
qui raflent les trois quarts des sièges
du Parlement. Le peuple en a voulu
ainsi. Apparemment, la démocratie il ne
sait même pas qu’elle existe, mais il
sait ce qu’il veut. Il veut un travail
et un revenu décent, l’accès aux soins,
l’école et tout ce qui fait un quotidien
moins dur à vivre. Les islamistes on ne
les a pas trop vus à la place Tahrir,
pourtant ils sont là où on ne devait pas
les attendre. Alliés des militaires et
imbriqués dans les milieux d’affaires,
ils devaient représenter un des piliers
du système qui devait être «dégagé». Il
en fut l’exact contraire des
perspectives d’un mouvement qui semblait
irrésistible. Le peuple a voté pour ceux
qui lui promettaient le paradis ici et
au ciel, qui paraissent immaculés et
ennemis de la corruption et qui vont
faire en sorte d’instaurer la justice
sociale, au sens, en principe, de ce que
peuvent en penser le pauvre et l’exclu.
C’est là qu’il faut les attendre et nous
allons être servis en termes de mode de
gouvernance et d’orientations
économiques. Tahrir n’est pas satisfaite
et a repris du service. Ne pouvant nier
la vox populi, les jeunes
révolutionnaires continuent d’exiger la
destitution du pouvoir militaire,
prolongement de Hosni Moubarak, incarné
par le Conseil supérieur des forces
armées-CSFA. Les Frères ne veulent pas
de cette solution. Ils ne voudraient,
même pas, de la présidence. Se pose
alors cette vérité. Les délégués du
peuple ne veulent pas de la révolution,
mais du statu quo. Il en sera ainsi. De
toute évidence. Les islamistes ne se
sont engagés ni à changer de système
économique et social, ni à abolir les
privilèges, ni à réviser la politique
extérieure de l’Egypte. Ils ont bien
fait, de leur point de vue. Seulement,
les Egyptiens qui les ont choisis ne
s’encombrent pas des subtilités
politiques. Ils voudront des résultats.
C’est-à-dire qu’ils attendent qu’on les
sorte de la précarité et de la misère
dans laquelle ils se trouvent. Les
questions de mode de vie, de coupe de la
barbe, du hidjab ou du niqab, feront
long feu et laisseront vite la place à
la vie réelle, celle du panier à
provisions, du toit et du carnet de
santé. Les Frères, au moins, plus
politiques que les Salafistes, savent
qu’il y a loin de récupérer le
mécontentement contre les autres, que de
le calmer fondamentalement. Ils savent
que la structure économique de l’Egypte
va perdurer et qu’ils n’ont aucune
intention d’inverser les choses. Pour
cela, ils garderont le CSFA autant de
temps que possible et laisseront la
magistrature suprême à qui voudra bien
l’assumer, pour autant qu’il montre
patte blanche et souscrive à leurs
conditions, de façon à voir venir et
tenter de se prémunir d’une disgrâce
inévitable. Ce qui nous mène à
considérer que si les islamistes vont
peut-être jouir assez longtemps de la
confiance populaire, le temps que soient
épuisées les rhétoriques qu’ils vont
servir pour expliquer le peu d’impact de
leur élection sur le système qui devait
«dégager». Eléments du système, ils
devront le défendre un jour. Ainsi va la
prise de conscience des peuples.
Publié sur
Le jour d'Algérie
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