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The Electronic Intifada

Lettre de Ali Abunimah à la Présidence de l'Union Européenne

Le 6 novembre 2006

S.E. Monsieur Erkki Tuomioja
Ministre des Affaires étrangères
Ministère des Affaires étrangères
Helsinki
Finlande

Monsieur le Ministre Tuomioja,

Je vous écris à propos du communiqué du Gouvernement finlandais s’exprimant en sa qualité de Président de l’Union Européenne et portant sur les violences actuelles à Gaza. Cette question me touchant très profondément en tant que Palestinien et en tant qu’être humain, j’espère que vous ne m’en voudrez pas d’avancer quelques arguments et suggestions.

Votre communiqué du 4 novembre disait : « L’Union Européenne est profondément préoccupée par le redoublement de violence à Gaza. La Présidence déplore le nombre croissant de victimes civiles causées par l’opération militaire israélienne. Le droit de tout Etat à se défendre ne justifie pas un usage disproportionné de la violence, ni des actions contraires au droit humanitaire international. »

Il ajoutait que « La Présidence appelle les dirigeants palestiniens à mettre fin aux activités terroristes, y compris les tirs de roquettes contre le territoire israélien ».

Je voudrais attirer votre attention sur ce qui suit :

• Les dirigeants israéliens ont montré qu’ils ne faisaient pas de distinction entre civils et combattants de la résistance armée. Selon l’organisation israélienne des droits de l’homme « B’Tselem », le Premier Ministre israélien Ehoud Olmert a déclaré, le 30 octobre, devant le Parlement israélien, qu’au cours des trois derniers mois, l’armée israélienne avait tué 300 « terroristes » dans la Bande de Gaza. D’après les investigations de B’Tselem, les forces israéliennes d’occupation ont effectivement tué 294 Palestiniens à Gaza entre le 26 juin et le 27 octobre. Mais plus de la moitié d’entre eux – soit 155 personnes, dont 61 enfants – ne participaient pas aux combats lorsqu’ils ont été tués. Ces chiffres N’incluent PAS les 49 Palestiniens tués par Israël depuis le 1er novembre.

• Comme indiqué, entre le 1er novembre et aujourd’hui, les forces d’occupation israéliennes ont tué 49 Palestiniens, en ont blessé plus de 150 et causé des destructions énormes à l’encontre d’un peuple sous occupation qu’aux termes du droit international, Israël est tenu de protéger. Parmi les victimes de ces toutes dernières atrocités israéliennes se trouvent au moins sept enfants, deux femmes et deux auxiliaires médicaux du Croissant Rouge venus porter assistance aux blessés. Pourriez-vous me dire combien d’Israéliens ont été tués ou blessés par l’activité « terroriste » qui autoriserait, selon vous, l’action militaire israélienne à Gaza ?

• Alors que personne ne peut contester le « droit de tout pays à se défendre », Israël n’est à l’évidence pas engagé dans une légitime défense mais dans la protection d’une infrastructure coloniale en expansion permanente et la protection de l’occupation de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza. Comme l’a établi la Cour Internationale de Justice en juillet 2004, Israël dispose de la faculté de se protéger en retirant tous ses soldats et ses colons des territoires occupés en 1967, comme l’exige le droit international. Votre échec à sommer Israël à le faire revient à cautionner les colonies illégales d’Israël ainsi que son recours à la force pour assurer leur maintien.

• Votre communiqué fait mention des activités « terroristes » de Palestiniens et échoue à défendre leur droit à résister à une occupation militaire étrangère. Ce droit est universellement reconnu. Je ne doute pas que vous savez, par exemple, que la constitution d’une autre nation scandinave et Etat membre de l’Union Européenne, la Suède, stipule qu’au cas où n’importe quelle partie du pays devait se trouver sous occupation, il serait du devoir de tout agent de la fonction publique « d’agir de la manière qui sert au mieux les efforts de défense et les activités de résistance », et qu’ « en aucune circonstance, un organisme public ne peut prendre une décision ou entreprendre une action qui imposerait à tout citoyen du royaume le devoir de prêter assistance à la puissance occupante en violation du droit international ». On ne voit pas clairement pourquoi l’UE réaffirme constamment le prétendu « droit » d’Israël à « se » défendre, mais s’abstient de faire la moindre mention du droit palestinien à la légitime défense et à la résistance. Pire encore, il semble relever de la politique de l’UE de tenir les Palestiniens pour obligés d’aider leurs occupants à les opprimer et à réprimer la résistance. Si, le ciel vous préserve, votre pays devait passer sous une occupation militaire hostile, que feriez-vous ?

• Je suis de tout cœur d’accord avec ce passage de votre communiqué qui dit que « La violence ne fera qu’aggraver, dans la région, une situation qui est déjà grave ». Mais on ne mettra pas fin à la violence en condamnant vainement les victimes et en apaisant lâchement l’occupant. Elle prendra fin lorsque des gouvernements comme le vôtre interviendront afin qu’Israël ait à rendre des comptes en tant que puissance coloniale occupante. Si vous ne voulez pas que les Palestiniens aient à recourir à quelque forme de violence que ce soit, vous devriez alors offrir une alternative. Devant les yeux du monde, les forces d’occupation israéliennes ont ouvert le feu à balles réelles sur une manifestation de femmes palestiniennes non armées, courageuses et exemplaires, à Beit Hanoun. Les Etats membres de l’UE n’ont rien fait pour aider les Palestiniens à résister pacifiquement, même quand Israël les fauche à la mitrailleuse.

Pour le cas où votre désir de paix déclaré serait sérieux et sincère, voici six mesures que vous pourriez réclamer immédiatement :

1. Constatant la grave escalade dans les crimes et les violations des droits de l’homme dont le gouvernement israélien se rend coupable, y compris le meurtre aveugle de civils, l’incessante confiscation de terres et la construction de colonies illégales, suspendre, avec effet immédiat, l’Accord d’Association UE-Israël, conformément à l’Article 2 dudit accord.

2. Adopter un embargo total sur les armes, empêchant les pays de l’UE d’acheter ou de vendre des armes à Israël.

3. Prenant acte des nouvelles déclarations faites par le Vice Premier Ministre et Ministre des Menaces stratégiques, Avigdor Lieberman, qui menace d’exécution extrajudiciaire le Premier Ministre palestinien Ismaïl Haniyeh et appelle au « transfert chirurgical » (en d’autres termes, au nettoyage ethnique) de tous les citoyens arabes hors d’Israël (voir le quotidien Haaretz, 4 et 5 novembre), limiter strictement les contacts, l’aide et le commerce avec Israël jusqu’à ce qu’il renonce à la violence, au terrorisme d’Etat, au colonialisme, au nettoyage ethnique, et qu’il s’engage à appliquer pleinement le droit international, les résolutions de l’ONU, la décision de la CIJ à propos du Mur de Cisjordanie, et à mettre un terme à toutes les formes sanctionnées officiellement et inscrites dans la loi, de discrimination raciale à l’encontre de ses citoyens non juifs.

4. Constatant qu’un tiers des députés et des ministres élus par les Palestiniens sous occupation ont été kidnappés et retenus en otages par les forces d’occupation israéliennes depuis le mois de juin, les pays de l’UE devraient refuser de délivrer à tout représentant officiel d’Israël les visas permettant de voyager dans l’espace européen, jusqu’à ce que tous les représentants palestiniens élus soient libérés et autorisés à remplir leurs fonctions sans être molestés par les forces d’occupation.

5. Prenant acte des déclarations répétées des dirigeants des Palestiniens sous occupation, y compris le Premier Ministre Ismaïl Haniyeh, appelant à une trêve de 10 ans sur le modèle de celle établie entre l’IRA et le gouvernement britannique qui a engagé des négociations de paix, mettre immédiatement fin aux sanctions contre l’Autorité Palestinienne élue et mener des pourparlers avec tous les partis palestiniens.

6. Accorder un soutien moral, politique et autres formes d’appui à la résistance civile palestinienne, en particulier la campagne de boycott, de désinvestissement et de sanctions à laquelle des centaines d’organisations émanant de la société civile palestinienne ont appelé.

Je me fie à l’idée que vous verrez ces mesures comme étant les démarches raisonnables minimales que vous êtes tenu d’adopter, étant donné les obligations de votre pays à l’égard de la quatrième Convention de Genève et votre attachement aux principes de paix, de justice, d’antiracisme et des droits de l’homme. Je suis sûr que vous aimeriez que l’Union Européenne n’en fasse pas moins pour vous si vous étiez dans la même situation que les Palestiniens.

Je suis dans l’impatience d’une réponse positive de vous.

Sincèrement vôtre,

Ali Abunimah

Cofondateur de The Electronic Intifada

(écrivant à titre personnel)

http://electronicintifada.net/v2/article5960.shtml

 

Traduction : Michel Ghys 

 

 


Source : Michel Ghys


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