Al-Ahram Hebdo
Scandale à l'Unesco
Richard Labévière
Richard Labévière
Mercredi 30 septembre 2009 Parti favori pour
diriger l’Organisation des Nations-Unies pour l’éducation, la
science et la culture (Unesco), l’Egyptien Farouk Hosni a fait
l’objet d’un véritable procès en sorcellerie. Accusé
d’antisémitisme, les médias américains, allemands et français,
dont Le Monde, Libération et L’Express lui ont reproché des
propos tenus dans l’enceinte du Parlement égyptien, paroles
prononcées lors d’une altercation avec un député des Frères
musulmans.
Farouk Hosni avait aussitôt assuré «
regretter » ces mots sortis de leur contexte parlementaire et
démenti toute velléité antisémite. En mai dernier, Israël avait
même levé son opposition à sa candidature après une rencontre
entre le premier ministre, Benyamin Netanyahu, et le président
Hosni Moubarak. Co-président de l’Union Pour la Méditerranée
(UPM), le raïs s’était assuré du soutien personnel de son
homologue français Nicolas Sarkozy. Alors, que s’est-il passé ?
Chasse aux sorcières
Dans la grande tradition du maccarthysme, les
Etats-Unis, l’Autrichienne Benita Ferrero-Waldner et la
chancelière allemande Angela Merkel ont clairement appelé à
faire barrage au candidat égyptien. En France, le très
pro-israélien ministre des Affaires étrangères, Bernard
Kouchner, déclarait en août dernier que M. Hosni n’avait pas
attendu 2008 pour faire des déclarations controversées … tandis
que le grand Rabbin de France, Gilles Bernheim, interpellait la
présidence de la République « pour qu’elle éclaircisse sa
position ! ».
A travers la presse américaine et française
essentiellement, une campagne de presse nourrie fut déclenchée
par le Prix Nobel de la paix Elie Wiesel, le pamphlétaire
Bernard-Henri Lévy et l’essayiste Claude Lanzmann, recevant
aussi l’appui de l’ancienne présidente du Parlement européen
Simone Weil.
Services français alertés
Le 21 septembre dernier, un officier
supérieur appartenant à la Direction du Renseignement Militaire
(DRM) a alerté la présidence de la République française sur la
présence à Paris de huit agents des services israéliens. Son
rapport explique que, résidant dans un grand hôtel parisien de
la rive gauche, ces barbouzes — sans contact officiel avec leur
ambassade, ni avec leurs homologues français — avaient pour
mission la mise sur pied d’une campagne de lobbying destinée à
faire échouer la candidature de Farouk Hosni. Hormis deux
anciens collaborateurs de l’agence de publicité Saatchi, cette
unité était composée de spécialistes des médias occidentaux et
des techniques « d’influence psychologique ».
Ces personnes ont été, effectivement, vues
dans l’enceinte du siège parisien de l’Unesco et auraient eu des
contacts répétés avec plusieurs ambassadeurs européens en poste
auprès de l’organisation onusienne, ainsi qu’avec des rédacteurs
en chef de journaux parisiens dont ceux du quotidien Libération.
Vérification faite, la Direction Centrale du Renseignement
Intérieur (DCRI), était — elle aussi — au courant et aurait
également saisi la cellule élyséenne de la présidence française.
Un haut fonctionnaire de l’Elysée devait préciser que cette
information ne remettait pas en cause le soutien officiel
apporté par Nicolas Sarkozy à la candidature égyptienne tout en
reconnaissant que « le ministère des Affaires étrangères n’était
pas sur cette ligne ».
Reproduisant la même dualité de postures
enregistrées lors de la venue du président syrien Bachar Al-Assad
à Paris pour l’installation de l’UPM en juillet 2008, l’Elysée
et le Quai d’Orsay affichent, une fois de plus, des attitudes
divergentes, sinon contradictoires. Le président Nicolas
Sarkozy, qui avait réaffirmé son soutien à son ministre des
Affaires étrangères après la publication d’une enquête dénonçant
et démontrant l’affairisme de Bernard Kouchner, assume-t-il ces
divergences répétées ? C’est toute la question …
Outre cette nouvelle histoire gauloise, le
complot ourdi contre Farouk Hosni s’inscrit clairement dans un
contexte récurrent d’une fabrication du « choc des civilisations
», d’une haine du monde arabo-musulman et d’un rejet des autres
cultures. Enfin, il faut rappeler à tous les « chiens de garde »
et les donneurs de leçons culturelles que la « convention sur la
protection et la promotion de la diversité des expressions
culturelles » a été adoptée par la conférence de l’Unesco en
octobre 2005. Deux seuls Etats membres ont alors voté contre …
Les Etats-Unis et Israël.
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Publié
le 30 septembre 2009 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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