Site d'information sur la Palestine, le Moyen-Orient et l'Amérique latine

 

Palestine - Solidarité

 

Retour :  Accueil  - Sommaire Al-Ahram  -  Bush au P.-O.  -  Dossier Iran  -  Originaux  -  Analyses  -  Mises à jour


Rafah


Une marée de bonnes affaires
Ola Hamdi

Rafah . L’afflux de plusieurs centaines de milliers de Palestiniens vers cette ville du Nord-Sinaï frontalière d’Israël a fait prospérer un commerce sans précédent et bouleversé la vie des habitants. Reportage.


Photo Al-Ahram

Mercredi 30 janvier 2008

Rafah,
De notre envoyée spéciale

Vendredi 25 janvier. La ville de Rafah est en effervescence. Tout près de la porte Salaheddine, point de passage entre l’Egypte et la bande de Gaza, on peut voir plusieurs dizaines d’échelles en bois dressées sur le mur qui sépare les deux territoires. « Ils s’en sont servis pour passer par dessus le mur », signale l’un des témoins. Il était 15h environ mercredi 24 janvier lorsqu’une énorme vague humaine, formée de plusieurs centaines de Gazaouis, traverse subitement la frontière sous les regards des forces de sécurité égyptiennes, prises de court. Des hommes armés ont détruit à l’explosif une partie du mur en béton situé dans le côté palestinien de la frontière, puis jeté à terre une clôture métallique avant de faire sauter des pans d’un autre mur en béton situé côté égyptien. Le flot est ensuite passé. « On aurait cru à un tsunami. Il y avait parmi eux des hommes, des femmes, des vieillards, des enfants et même des nouveaux-nés », racontent les témoins.

Soumis depuis le 17 janvier à un blocus israélien sans faille, ces Palestiniens étaient privés de tout. Ils n’avaient ni eau ni électricité, ni nourriture. Ils sont venus en groupes, des familles, des amis et même des enfants sans leurs parents. Quelques jours après le premier afflux, la situation paraît calme près de la porte Salaheddine, mais des Palestiniens continuent d’affluer vers Rafah et Al-Arich comme cette femme accompagnée de ses 5 enfants. « Nous n’avons plus rien chez nous. Nous avons besoin de farine, de médicaments et d’autres produits. Nous n’avions pas d’autre choix que de venir ici », affirme Oum Taghrid. Et d’ajouter : « Ici, il y a toutes sortes de choses que nous ne voyons même pas chez nous, sauf à la télévision. Il y a un fromage que ma fille aimerait manger ». La voix d’Oum Taghrid est coupée par celle de sa sœur Ekram, âgée de 20 ans. « Nous, les habitants de Gaza, sommes des victimes. Il y a des choses chez nous mais on ne les voit pas à cause du blocus israélien ». Ghassane Barace, chauffeur de taxi, accompagné de sa fille Mervat est venu acheter du lait car il est très cher à Gaza et de l’essence pour le taxi. « Sans essence, je ne peux pas travailler et j’ai une famille de 7 personnes à nourrir ».

L’arrivée inattendue de ce flot de Gazaouis a complètement bouleversé la vie à Rafah. La rue Salaheddine se trouve à quelques pas de la frontière. Des dizaines de petits commerces serrés les uns contre les autres s’y trouvent. C’est en quelque sorte un grand marché où l’on peut acheter divers produits, paquets de chips, cigarettes au détail , appareils électriques. Sur les deux côtés de la route, les marchands ont placé leurs produits par terre. Certains vendent de la vaisselle, d’autres ont apporté des bidons d’essence, d’autres encore jouent aux agents de change. Des enfants ont pris part à la fête en exposant des paquets de cigarettes. Une foule immense a envahi la rue au point qu’il est difficile de s’y déplacer. Cette ruée de Palestiniens est ressentie comme une aubaine par les commerçants. « En l’espace de quelques heures, toutes les marchandises que j’avais apportées ont été vendues », explique Salem, qui vend de la vaisselle. Certains propriétaires de magasins ont dû fermer leurs portes après le premier jour, car ils étaient en rupture de stocks et les grossistes ont préféré aller eux-mêmes vendre leurs produits aux Palestiniens. « Au soir du premier jour, la majorité des produits a été vendue, et quand j’ai demandé aux grossistes de nouveaux produits, ils ont refusé car ils préféraient vendre leurs produits eux-mêmes dans les rues. Je n’ai que quelques bidons d’huile et de la vaisselle », explique Haj Abou-Ahmad, qui va être contraint de fermer son magasin à cause du manque de marchandises.

Une aubaine pour les commerçants

Les Palestiniens achètent de tout : du savon, des couches pour bébés, des produits ménagers et même du bétail, des motocyclettes et des pièces détachées pour voitures. Et certains sont même venus pour faire du business. C’est le cas d’Abou-Ammar qui a acheté 5 000 motos chinoises pour les revendre lui et ses associés à Gaza. « Le prix d’une moto en Israël commence à 3 000 dollars. Ici, c’est 700 dollars seulement. Ces motos sont très demandées à Gaza », s’enthousiasme Abou-Ammar. Tout au long de la route entre Le Caire et Rafah, des camions sont ainsi chargés de motocyclettes en provenance de plusieurs gouvernorats comme Port-Saïd, Damiette et d’autres. Ahmad Al-Chahed, quant à lui, a acheté des médicaments pour ouvrir sa pharmacie. « Cela faisait sept mois que je n’avais pas de médicaments. Et grâce à l’ouverture du terminal, j’ai pu acheter tous les médicaments dont j’avais besoin », dit-il.

Quant aux marchands, ils tentent de faire le maximum de profits en faisant flamber les prix. Les Palestiniens sont une aubaine. « Nous avons été submergés par tous ces Gazaouis. Il n’y a pas assez de marchandises pour tous ces gens », confie Am Mohamad, propriétaire d’un petit commerce. Pour faire face à cette demande inattendue, les commerçants ont affrété des camions au Caire afin de se ravitailler en marchandises. Les véhicules reviennent chargés de produits alimentaires, de couvertures et d’autres produits de base que les commerçants vendent au prix fort : le double et parfois le triple du prix normal. Au bout de la rue Salaheddine se trouvent deux stations d’essence. Là, la scène est quasi apocalyptique. Devant chacune des stations, aucune voiture mais d’immenses files d’attente. Des milliers de Palestiniens munis de bidons vides sont venus s’approvisionner en essence et en gasoil. Une odeur d’essence mélangée de poussière se répand dans l’atmosphère.

Si les commerçants sont aux anges, les habitants égyptiens font plutôt la grise mine. Leur vie a été complètement bouleversée. « Avec l’arrivée de ce flux de Palestiniens, les commerçants ont augmenté les prix et ce qui vaut pour eux vaut pour nous », assure Khaled Abou-Nagdi, l’un des habitants de Rafah. Il affirme que le paquet de sucre est vendu à 6 L.E. au lieu 2,5 L.E. Il craint que les commerçants ne baissent pas les prix après le départ des Palestiniens. En effet, les prix des produits ne sont pas les seuls à avoir augmenté. Les services également ont connu une certaine hausse. Les bus et les taxis ont augmenté leurs tarifs qui sont passés de 2,25 L.E. à 10 et 15 L.E. pour un trajet entre Rafah et Al-Arich. Quant au litre d’essence, il est passé de 1 L.E. à 5 et 6 L.E. Après avoir fait leurs achats, certains Gazaouis rentrent le soir chez eux avec des cartons remplis de produits alimentaires, des postes de télévision, des frigidaires, des bidons d’essence et des moutons. Certains Gazaouis ont préféré en revanche faire un séjour chez des proches. « Je ne veux pas retourner à Gaza. Il n’y a pas de sécurité là-bas. Tout le monde se fait la guerre », affirme Maamoun, jeune habitant de Gaza. De nombreux Gazaouis ont en effet des liens avec les tribus du Nord-Sinaï.

D’autres Palestiniens, qui se comptent par milliers, ont regagné la ville d’Al-Arich, située à environ 60 kilomètres de Rafah. Mais ici c’est le calme qui prévaut. Des habitants de la ville racontent que durant les premiers jours, les Palestiniens ont envahi les trottoirs, les centres de jeunesse et les mosquées au point qu’il n’y avait plus de place pour les fidèles. Cependant, après s’être sentis en sécurité, les Gazaouis se sont regroupés autour du marché principal de la ville. Le marché est en effervescence. Certains Palestiniens se trouvent sur le marché et vendent des téléphones portables d’occasion. « J’ai rassemblé les téléphones portables de ma famille pour les vendre ici en Egypte. Et avec l’argent, je vais acheter des produits de base », affirme Adnane, un ressortissant palestinien. A la sortie d’Al-Arich, les forces de sécurité ont installé des barrages de sécurité et les contrôles sont très stricts. Si la sécurité a toléré le passage des Palestiniens à Rafah et Al-Arich, il n’est pas question de les laisser aller plus loin.

 

Droits de reproduction et de diffusion réservés. © AL-AHRAM Hebdo
Publié le 30 janvier 2008 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo



Source : Al-Ahram hebdo
http://hebdo.ahram.org.eg/...


Avertissement
Palestine - Solidarité a pour vocation la diffusion d'informations relatives aux événements du Moyen-Orient et de l'Amérique latine.
L' auteur du site travaille à la plus grande objectivité et au respect des opinions de chacun, soucieux de corriger les erreurs qui lui seraient signalées.
Les opinions exprimées dans les articles n'engagent que la responsabilité de leur auteur et/ou de leur traducteur. En aucun cas Palestine - Solidarité ne saurait être tenue responsable des propos tenus dans les analyses, témoignages et messages postés par des tierces personnes.
D'autre part, beaucoup d'informations émanant de sources externes, ou faisant lien vers des sites dont elle n'a pas la gestion, Palestine - Solidarité n'assume aucunement la responsabilité quant à l'information contenue dans ces sites.
Pour contacter le webmaster, cliquez < ici >

Retour  -  Accueil Ressources  -  Analyses  -  Communiques  -  Originaux