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Al-Ahram Hebdo

Quand la vérité blesse
Ahmed Loutfi et Chaïmaa Abdel-Hamid


Photo Al-Ahram

Mercredi 29 avril 2009

Durban II. La conférence de l’Onu contre le racisme qui vient de se terminer à Genève a éludé notamment la question palestinienne et évité de condamner Israël. Toute une orchestration qui a permis d’échapper aux engagements de Durban I.

Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a parlé lors de la conférence de Durban II à Genève. S’en est suivie une vraie comédie. On l’a accusé d’antisémitisme et de nombreux représentants européens sous la houlette de la République tchèque ont quitté la salle. Une comédie ? Oui. Parce qu’en fait, tout était préparé d’avance par les pays occidentaux pour prendre le parti d’Israël qui, lui, était, par la force des choses, visé en premier en tant qu’Etat raciste. Et on a vu les poids lourds bras dessus, bras dessous avec Israël boycotter la réunion : l’Allemagne, l’Italie, la Pologne et les Pays-Bas, comme d’autres puissances internationales telles que les Etats-Unis et le Canada.

Durban II s’est ouvert quelques heures avant le début des commémorations du jour de la Shoah en Israël. La Une des grands quotidiens du pays et les discours du président de l’Etat, Shimon Pérès, ainsi que du premier ministre, Benyamin Netanyahu, ont critiqué le fait que cette conférence de Genève ait lieu alors qu’Israël se souvient des six millions de juifs tués par les nazis. En tout cas, Israël s’est longuement préparé à la conférence avec une campagne diplomatique destinée à en encourager le boycott par la communauté internationale. Et Benyamin Netanyahu n’a pas manqué de dresser la liste des pays qui avaient refusé de se rendre à Genève en les remerciant. Le gouvernement Netanyahu ne s’est pas contenté de déclarations. Il a rappelé pour consultation l’ambassadeur d’Israël à Berne, cela en protestation contre la rencontre, en marge de la conférence, entre le chef de l’Etat iranien et le président suisse. La chargée d’affaires suisse à Tel-Aviv a d’ailleurs été convoquée à Jérusalem où on lui a fait part de la protestation officielle d’Israël. C’est dire que c’était un plan bien minutieux et qui s’est poursuivi sur les planches. Alors que le chef d’Etat iranien prenait juste la parole, au moins trois manifestants déguisés avec des perruques multicolores et des nez rouges de clown ont crié « Raciste ! Raciste ! » à l’adresse de l’orateur et ont été expulsés par les gardes de l’Onu. C’était donc prévu d’avance et à mesure que le président iranien parlait, le scénario prévu d’avance était mis en exécution. Or, qu’a dit au juste ce chef d’Etat que l’on accable de tous les maux ? Il a critiqué la création d’Israël aux dépens de la Palestine en 1948. « Les Alliés (ndlr) ont eu recours à l’agression militaire pour priver de terres une nation entière sous le prétexte de la souffrance juive », a expliqué M. Ahmadinejad. « Ils ont envoyé des migrants d’Europe, des Etats-Unis et du monde de l’Holocauste pour établir un gouvernement raciste en Palestine occupée », a-t-il affirmé.

Rien sur les agressions israéliennes

Pourtant, le président iranien n’a guère nié la Shoah ; il a simplement dénoncé son exploitation pour chasser les Palestiniens de leur terre. Une situation qui se poursuit. Et les Occidentaux, comme le soulignent les analystes, n’ont pas dit un mot sur la sauvagerie des Israéliens à l’égard des Palestiniens, telle que la colonisation, le mur de séparation raciste, les arrestations arbitraires et le traitement réservé à un million et demi d’Arabes israéliens, « qui est pire que celle subie par les Noirs d’Afrique du Sud au temps de l’apartheid ».

D’ailleurs, Ahmad Sabet, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, estime que « le discours du président iranien était diplomatique, dans une large mesure, contrairement à l’habitude. Il n’a pas démenti l’Holocauste. Il a parlé des pays occidentaux qui ont soutenu Israël qui, se sentant embarrassés, se sont retirés ». Et d’ajouter : « Ces délégations ont senti que l’Iran, qui est toujours accusé de violation des droits de l’homme, ne devrait paraître jamais sous un beau jour ».

Même un quotidien libanais, L’Orient le Jour, tout à fait anti-iranien et hostile à Nejad, n’a pas manqué de relever le côté mascarade de la réaction occidentale. « Pas raciste, vraiment, Israël ? Que l’on commence, dans ce cas, par expliquer, ne serait-ce qu’au seul et vaste monde arabo-musulman, quel autre épithète il conviendrait de décerner à un Etat qui lui-même se veut juif et rien que juif. Qui s’entête à nier un fait national palestinien dont la réalité, pourtant, s’est imposée de longue date à la Terre toute entière. Qui traite en citoyens de seconde zone ses citoyens non juifs … Qui, s’il écoutait son propre ministre des Affaires étrangères, expulserait volontiers tous ces Israéliens non juifs ».

Ce tapage médiatique occidental s’il était bien voulu d’avance, c’était justement pour éviter une condamnation d’Israël. « La conférence devait débattre le problème du racisme et ses contradictions avec le droit international et le droit humanitaire international, ainsi que les droits de l’homme en général. Si Israël et les Etats-Unis ont décidé d’avance de ne pas y participer, c’est qu’ils ont craint que tous les travaux ne soient concentrés sur Israël. C’est-à-dire en particulier les crimes de guerre commis par Israël lors de l’agression contre Gaza », souligne Ahmad Sabet. Il rappelle qu’aujourd’hui, « Israël est le seul pays du monde accusé de pratiquer le racisme. Même en Afrique, il n’en existe plus ».

C’est une réalité indéniable qui se renforce avec la présence à Tel-Aviv d’un gouvernement d’extrême-droite qui base sa politique sur le rejet de l’autre, du Palestinien. D’ailleurs, le racisme israélien frappe aux yeux. Au moment même où ce tollé anti-Nejad avait lieu, le ministre israélien du Tourisme, Stas Misezhnikov, du parti ultranationaliste Israël Beiteinou, a appelé le Vatican à annuler une rencontre prévue entre le pape Benoît XVI et un maire arabe israélien, accusant ce dernier de « soutenir le terrorisme ». Qu’est-ce que les Israéliens lui reprochent ? Tout simplement d’avoir participé à l’organisation à Sakhnine d’un rassemblement massif contre l’offensive israélienne à Gaza (27 décembre-18 janvier), d’y avoir tenu des propos dénonçant « la politique israélienne oppressante » contre les Palestiniens et d’avoir rendu hommage à leurs « martyrs ». S’agit-il d’un péché mortel aux yeux des Israéliens dont on connaît la sauvagerie du dernier massacre devant porter ses responsables devant une cour internationale ?

Succès ou échec ?

La conférence s’est trouvée ainsi prise dans de véritables méandres, à l’exemple de nombreuses autres réunions destinées à résoudre des problèmes concrets sur les droits de l’homme.

Le texte adopté réaffirme les engagements pris en 2001 en Afrique du Sud lors de la Conférence de Durban contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, dont elle a assuré le suivi pendant cinq jours.

Avant même sa clôture, le Haut-Commissaire de l’Onu pour les droits de l’homme, Navanethem Pillay, a dénoncé la « machine de propagande » mise en branle par les détracteurs de la conférence pour l’assimiler à un « échec ». Il s’agit, selon elle, d’un « succès » rendu possible par les « concessions » consenties par « tous les groupes régionaux et politiques » de l’Onu.

A l’instar d’Human Rights Watch (HRW), certaines ONG y voient une « réponse forte » des Etats aux polémiques qui ont accompagné les négociations sur le texte, en particulier sur les concepts de liberté d’expression, fermement défendus par les Occidentaux, et de diffamation des religions, à laquelle les pays musulmans ont finalement renoncé sous la menace de boycott des Occidentaux. Ahmad Sabet, lui, souligne que « certains pays arabes ont paru réticents, alors que la pratique du racisme n’est pas uniquement l’antisémitisme ; mais il s’agit de la diffamation des religions dans un contexte général, comme l’anti-islamisme ».

Certaines ONG doutent toutefois que les Etats aient la volonté politique d’appliquer les recommandations de la Déclaration.

Les Palestiniens finalement perdants

Au-delà de ce débat sur la notion et la condamnation du racisme en tant que tel, il reste toujours que les Palestiniens en particulier se sentent lésés. Il s’agit surtout d’un recul par rapport à Durban I (lire fenêtre). L’ambassadeur palestinien à Genève, Ibrahim Khreishé, avait facilité l’adoption du projet de résolution finale qui ne mentionne ni Israël ni la Palestine, contrairement à la Déclaration de 2001, rapporte la presse. Une tentative de préserver un petit acquis pour éviter les menaces de chamboulement total.

Et tout le show qui a eu lieu concernant le président iranien a fait que la question palestinienne est devenue la véritable absente alors qu’elle constitue un point focal dans les tensions internationales actuelles et un des principaux exemples de racisme. Et somme toute, ce que l’on veut taire, c’est que la Déclaration de 2001 est aussi bien en faveur des droits palestiniens que celui d’Israël à exister. Mais depuis quand l’Etat hébreu a-t-il reconnu le moindre droit palestinien ? Rendez-vous dans huit ans pour Genève V/Durban III ?

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Publié le 29 avril 2009 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo



Source : Al-Ahram Hebdo
http://hebdo.ahram.org.eg/...


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