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Maigres
avancées
Rania Adel
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Palestine
. La rencontre entre le président
de l’Autorité palestinienne et le premier ministre israélien
s’est soldée par quelques mesures qui devraient renforcer le président
palestinien dans son bras de fer avec le Hamas.
«
La glace a été brisée », rien de mieux ne peut qualifier la
première rencontre officielle qui a eu lieu à Jérusalem entre
le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbass et le
premier ministre israélien. Une rencontre qui a marqué la
reprise du dialogue au plus haut niveau entre Palestiniens et Israéliens.
Mais il faut encore que cette rencontre soit suivie d’autres
plus fructueuses, comme l’a annoncé le porte-parole de la présidence
palestinienne, qui a également qualifié cette entrevue de deux
heures d’« utile », les deux responsables s’étant mis
d’accord pour relancer le processus de paix. « Les deux
dirigeants ont exprimé leur volonté de coopérer comme de vrais
partenaires dans un effort pour faire progresser le processus de
paix entre Israël et l’Autorité palestinienne », a indiqué
le communiqué conjoint publié par la résidence du Conseil israélien
à l’issue de cette rencontre. « Le peuple israélien et le
peuple palestinien ont suffisamment souffert et il est temps de
faire avancer le processus de paix par des mesures concrètes »,
souligne le communiqué conjoint.
Ce
faisant, Abbass et Olmert ont insisté sur « l’importance de
l’existence d’un contact direct et sérieux entre eux ». Ils
ont convenu de se « rencontrer fréquemment ». Les deux
dirigeants ont « discuté du cessez-le-feu en vigueur dans la
bande de Gaza et de son extension à la Cisjordanie », dans le
cadre des conclusions du sommet de Charm Al-Cheikh de février
2005 entre le président palestinien Mahmoud Abbass et le premier
ministre israélien de l’époque, Ariel Sharon. Ils se sont dit
d’accord pour parvenir à « une solution à deux Etats vivant côte
à côte en paix et en sécurité », en conformité avec la
Feuille de route, le dernier plan de paix en date pour un règlement
du conflit israélo-palestinien.
De
belles paroles qui ne sont, pour l’instant, que des vœux pieux.
Car rien n’indique que le gouvernement israélien a
l’intention de changer sa politique et de s’engager dans de véritables
négociations de paix. Le langage conciliant concédé par le
gouvernement Olmert dans le communiqué commun n’est finalement
qu’un moyen de renforcer la position du président Mahmoud
Abbass dans son bras de fer avec le mouvement du Hamas, qui dirige
le gouvernement palestinien. Dans ce même cadre, le ministre israélien
de la Défense Amir Peretz a annoncé des mesures d’allègements
« immédiates » pour les Palestiniens de Cisjordanie. « Nous
avons préparé un plan applicable immédiatement, qui consiste à
faciliter la circulation et les mouvements des Palestiniens et à
augmenter le nombre de Palestiniens autorisés à travailler en
Israël », a-t-il déclaré à la presse à l’issue d’une réunion
de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la
Knesset, le Parlement israélien. M. Peretz a précisé qu’Israël
allait « démanteler 59 barrages routiers en Cisjordanie en deux
phases, d’abord 24, puis le reste ». Un nouveau passage devrait
être ouvert pour le transit des marchandises entre le nord de la
Cisjordanie et Israël, et les contrôles sécuritaires devraient
être assouplis pour faciliter l’accès au territoire israélien
des commerçants palestiniens.
Scepticisme
Au
cours de leur entretien, Olmert et Abbass ont également évoqué
la réactivation d’une « commission mixte pour étudier les
normes à suivre pour la libération de prisonniers ». C’est ce
dossier des prisonniers qui peut être le plus important de tout
ce qu’ils ont discuté. Au lendemain du sommet de Jérusalem, le
premier ministre israélien a invité dimanche son cabinet à
revoir sa position sur le sort des quelque 8 000 Palestiniens détenus
en Israël. Il a suggéré que certains pourraient être relâchés,
même avant la libération du caporal Shalit, enlevé par des
groupes palestiniens en juin dernier, condition qui était préalable
à toute libération des Palestiniens.
«
Cette opinion est peut-être différente de ce qui a été dit précédemment
lors de réunions du gouvernement mais c’est mon opinion », a déclaré
Ehoud Olmert, selon les propos rapportés par un responsable israélien
ayant requis l’anonymat. Le premier ministre israélien a laissé
entendre que certains prisonniers palestiniens pourraient être
libérés pour la fête musulmane du Grand Baïram, qui tombe
cette année le 30 décembre dans la région, a précisé ce
responsable.
Cette
mesure obéit à la même logique : soutenir Mahmoud Abbass, du
Fatah, en pleine lutte de pouvoir avec le Hamas. Si des
prisonniers étaient libérés, le président de l’Autorité
palestinienne pourrait plus facilement persuader ses administrés
que la voie de la négociation peut porter ses fruits. Mahmoud
Abbass tente de convaincre les Palestiniens que seuls des
pourparlers avec Israël peuvent déboucher sur un Etat
palestinien indépendant.
Sur
un plan plus pragmatique, le chef du gouvernement israélien a
accepté de débloquer 100 millions de dollars (76 millions d’euros)
provenant de taxes et droits de douanes collectés par Israël
pour le compte de l’Autorité palestinienne mais gelés depuis
l’arrivée au pouvoir en mars dernier du Hamas. Israël compte
transférer bientôt cet argent mais veut s’assurer qu’il ne
parviendra pas au Hamas, selon Miri Eisin, porte-parole du
gouvernement israélien. Cette mesure devrait soulager la crise
financière aiguë dont souffre l’Autorité palestinienne,
incapable de payer ses fonctionnaires et aidera M. Abbass à
marquer des points face au Hamas.
La
rencontre de samedi a été évidemment accueillie avec méfiance
par le Hamas, pour qui cette rencontre et son contenu ne répondent
pas aux revendications des Palestiniens : « Tous nos droits
nationaux, le droit au retour, Jérusalem, l’évacuation des
colonies, la libération des prisonniers. Nous attendons du président
et de tous les leaders palestiniens qu’ils s’engagent dans ces
droits et qu’ils ne donnent pas la possibilité aux Israéliens
de se servir de nos difficultés internes, de gagner du temps ou
de faire pression sur nous. ». De même, le ministre chargé des
prisonniers, Wasfi Kabha du Hamas, a estimé que « cette
rencontre n’était que de la poudre aux yeux ». « Aussi bien
Abou-Mazen (Mahmoud Abbass) qu’Ehud Olmert sont confrontés à
une crise interne et ils se sont rencontrés uniquement pour dire
qu’ils espèrent reprendre des négociations », a ajouté ce
ministre.
Un
professeur de sciences politiques de l’Université de Bir Zeit
en Cisjordanie, Ali Al-Jarbawi reste également prudent. «
C’est un premier pas, mais nous ne saurons pas s’il est
important avant de voir les résultats sur le terrain. Le peuple
palestinien veut du concret et pas seulement des rencontres »,
poursuit cet universitaire. Un autre analyste, Hani Al-Masri,
souligne qu’Ehud Olmert « n’a rien donné de tangible à
Abou-Mazen ».
Rania Adel
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