Palestine

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Sur
la corde raide
Rania Adel
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Palestine.
Israël intensifie ses efforts visant à isoler le Hamas, tirant
profit de la tension persistante entre le mouvement islamiste et
le Fatah.
Photo Al-Ahram
Mercredi 26 septembre 2007
Les territoires
palestiniens offrent depuis plusieurs mois le même scénario : en
Cisjordanie, les sympathisants du Hamas sont la cible des
arrestations alors que ceux du Fatah subissent des coups de filet
et des répressions dans la bande de Gaza. Chaque clan voulant
prouver sa suprématie aux partisans de l’autre, de quoi éloigner
les perspectives d’un prochain dialogue inter-palestinien.
L’un des membres les plus influents du Hamas en Cisjordanie a été
interpellé cette semaine à Naplouse par les forces
palestiniennes.
Cheikh Maher Kharas,
surnommé le « Lion blanc » par ses partisans, a été interpellé
par des responsables des renseignements palestiniens alors qu’il
circulait à Naplouse, selon un porte-parole du Hamas. Naplouse
est considéré comme un fief du Hamas en Cisjordanie. Un
responsable de la sécurité palestinienne, Abdullah Kumail, a
accusé l’imam d’inciter les fidèles à la violence et a précisé
qu’il serait détenu le temps de son interrogatoire. Le premier
ministre palestinien Salam Fayyad, nommé par le président de
l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbass en juin dernier, avait
averti qu’il ne tolérerait pas d’appels à la violence lors
des sermons.
L’Autorité
palestinienne avait démis Maher Kharas de ses fonctions d’imam
en 1996 lors d’une répression contre les militants islamistes
après une série d’attentats suicide en Israël. L’an
dernier, après la victoire du Hamas aux législatives de janvier,
il avait été remis en place par le mouvement de la résistance
islamique. Selon le Hamas, 700 de ses membres ont été interpellés
depuis juin, et 150 sont toujours en détention sans avoir été
inculpés d’aucun chef.
Par ailleurs, des
centaines de partisanes du Hamas, dont certaines entièrement voilées,
ont manifesté pour exiger la libération de membres du groupe
islamiste retenus dans les prisons palestiniennes. C’est la
première manifestation de loyalistes du Hamas depuis le début du
mois sacré du Ramadan en Cisjordanie, administrée par le Fatah
rival. Les précédentes manifestations de soutien au Hamas se
sont terminées dans la violence.
La police
palestinienne a formé une chaîne pour empêcher les femmes de se
rassembler sur la place principale de Ramallah, où les
manifestations convergent traditionnellement. Des groupes
palestiniens de défense des droits de l’homme ont confirmé que
certains partisans du Hamas étaient violemment battus lors des
arrestations. Ashraf Ajrami, ministre dans le gouvernement
pro-Fatah de Cisjordanie, a assuré que le nombre de personnes arrêtées
était « exagéré », mais il a refusé de donner des chiffres
plus précis.
Preuve de la
rupture totale entre les deux parties, le mouvement de résistance
islamique du Hamas a déclaré ne pas considérer que les accords
passés entre le président palestinien Mahmoud Abbass et le
gouvernement israélien l’engagent.
« Le Hamas retire
le pouvoir accordé préalablement à Abbass pour les négociations
», a déclaré aux journalistes Saïd Siam, haut membre du Hamas
à Gaza. Au temps du gouvernement de coalition, le Hamas avait
autorisé le président Abbass à représenter le gouvernement
lors des négociations politiques avec Israël. Mahmoud Abbass a
depuis rencontré à plusieurs reprises le premier ministre israélien
Ehud Olmert, et les deux hommes devraient conclure des accords
avant la tenue de la conférence sur la paix organisée par les
Etats-Unis en novembre à Washington.
M. Siam a également
écarté toute reprise de dialogue national entre le Hamas et le
Fatah avant cette conférence. En ce qui concerne les dialogues éventuels
post-conférence, M. Siam a déclaré que le dialogue devra être
inconditionnel et basé sur « l’unité des deux branches : la
bande de Gaza et la Cisjordanie ». Le président Abbass refuse
quant à lui de renouer le dialogue avec le Hamas, à moins que ce
dernier ne fasse en sorte que la situation ne revienne comme elle
était avant le coup d’Etat.
Une libération
en trompe-l’œil
Mais au moment où
les Hamasis sont visés, les partisans du Fatah profitent de
certaines mesures israéliennes, notamment la libération de
prisonniers. Le gouvernement israélien a voté dimanche la
prochaine libération de 90 prisonniers palestiniens, en majorité
du parti Fatah. « La plupart de ces détenus font partie du
Fatah, les autres appartiennent à d’autres organisations à
l’exception du Hamas et du Djihad islamique », a précisé la
porte-parole de M. Olmert, Miri Eisin. Selon elle, ces libérations
devraient intervenir dans les premiers jours d’octobre. L’Etat
hébreu avait déjà, fin juin, libéré plus de 250 détenus
palestiniens appartenant au Fatah afin de tenter de marginaliser
le Hamas, seul maître de la bande de Gaza depuis la mi-juin.
Toutefois, les
Palestiniens sont loin de se sentir vraiment rassurés. Tous
considèrent ces libérations comme de la poudre aux yeux au
regard des 11 000 prisonniers restant détenus dans les geôles
israéliennes. Des responsables palestiniens, tout en se félicitant
de la libération des détenus, ont souligné que l’armée israélienne
poursuivait ses opérations d’arrestation en Cisjordanie, si
bien que le nombre de prisonniers ne diminue pas.
Ils ont également
critiqué l’absence de gestes d’Israël pour supprimer
certains des quelque 500 barrages israéliens disséminés en
Cisjordanie qui empêchent la libre circulation des Palestiniens.
Israël affirme de son côté que ces barrages permettent de
limiter le nombre d’attentats sur son territoire. Dans de telles
conditions, pourrait-on penser que le processus de paix puisse être
ranimé ? Côté israélien, on a d’ores et déjà prévenu
qu’à défaut d’un calendrier précis à l’issue de la conférence,
une simple « déclaration de principes » fera l’affaire.
Alors que pour les Palestiniens, la réunion devrait donner le
coup d’envoi à de sérieuses négociations aboutissant à la
fin de l’occupation israélienne et les efforts devront se
concentrer sur un accord cadre (avec Israël) sur les questions du
statut final : les frontières, Jérusalem, les réfugiés, la
colonisation et l’eau, les Etats-Unis estiment que «
l’objectif est de faire progresser le processus jusqu’à un
document qui aidera à jeter les fondations de négociations sérieuses
sur la création d’un Etat palestinien dès que possible ».
Selon les
analystes, il est peu probable que cette conférence aboutisse à
quelque chose et ce non seulement à cause de l’imprécision de
son agenda, mais aussi parce que les Etats-Unis n’ont pris
l’initiative de l’organiser que pour détourner l’attention
de la communauté internationale de ce qui se passe en Iraq et de
ce qui se passera en Iran.
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diffusion réservés. © AL-AHRAM
Hebdo
Publié le 26 septembre 2007 avec l'aimable
autorisation de AL-AHRAM Hebdo

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