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Al-Ahram Hebdo
Escalade dangereuse
Abir Taleb

Photo Al-Ahram
Mercredi 24 décembre 2008
Palestine.
La fin de trêve entre
Israël et le Hamas a été marquée par une reprise de la violence
et des menaces de part et d’autre d’une intensification des
opérations au risque de mettre le feu aux poudres.
Aussitôt terminée, la trêve entre
le mouvement islamiste Hamas et Israël a laissé place à des
violences susceptibles de prendre de l’ampleur dans les jours et
les semaines à venir. Après six mois de calme relatif dans la
bande de Gaza, cette région risque de s’embraser. Aucune des
deux parties ne semble en effet à l’heure actuelle calmer le
jeu. Au contraire, le ton monte de part et d’autre. Le Hamas,
qui contrôle la bande de Gaza, a menacé lundi de reprendre les
attentats suicide en Israël, face aux menaces d’opérations
israéliennes d’envergure dans ce territoire palestinien. « Nous
ne resterons pas les bras croisés face à l’agression
israélienne. Il est de notre droit en tant que peuple occupé de
nous défendre et de combattre l’occupation par tous les moyens
possibles, y compris les opérations suicide », a affirmé à l’AFP
Aymane Taha, un responsable du mouvement. « La résistance par
tous les moyens est (un droit) légitime face à l’occupation et
la poursuite des agressions. Nous disposons de tous les moyens,
y compris des opérations suicide », a-t-il ajouté.
Cette mise en garde du Hamas
intervient après que de nombreux responsables israéliens eurent
menacé de lancer des opérations d’envergure dans la bande de
Gaza. La dirigeante du parti Kadima (centriste, au pouvoir en
Israël), la ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni, est
allée jusqu’à prôner le renversement du Hamas et exigé qu’«
Israël rétablisse son pouvoir de dissuasion ». « Israël doit
faire tomber le pouvoir du Hamas et un gouvernement sous ma
direction le fera », a-t-elle fustigé.
Une menace bien directe et dont
les conséquences risquent d’être graves. Les autorités
israéliennes ont donc pris leur décision : le Hamas sera frappé.
Mais selon de hauts responsables de la Défense, Tel-Aviv doit
encore décider du moment opportun et de l’ampleur de sa riposte.
« Pour frapper, il faut se préparer soigneusement, comme pour
une opération chirurgicale », a déclaré le général de réserve
Amos Gilad, principal conseiller du ministre de la Défense, Ehud
Barak. M. Gilad a relevé le risque qu’une opération israélienne
à grande échelle ne fasse des victimes innocentes et que le
blâme n’en retombe sur Israël. Un autre responsable israélien de
la Défense a jugé une confrontation entre l’Etat hébreu et le
Hamas « inéluctable », en dépit des appels au calme de la
communauté internationale. « Le chemin que nous empruntons
concernant Gaza est évident. La situation est à la fois
intolérable et limpide. Les considérations de l’armée sont les
seules à décider du moment où les événements se produiront »,
a-t-il affirmé à l’AFP.
De son côté, le gouvernement
israélien de transition a débattu dimanche, lors de sa réunion
hebdomadaire, de l’attitude à adopter face au Hamas, deux jours
après l’expiration de la trêve. En marge de la réunion du
cabinet, plusieurs ministres ont réclamé des ripostes bien plus
sévères, faisant craindre un embrasement. Plus prudent que sa
ministre des Affaires étrangères, le premier ministre, Ehud
Olmert, qui quittera ses fonctions à l’issue des législatives du
10 février, a déclaré au cabinet : « Un gouvernement responsable
n’est pas impatient à l’idée de déclencher une guerre, mais ne
l’évite pas non plus. En conséquence, nous prendrons les mesures
appropriées ».
Sur le terrain, une vingtaine de
roquettes et d’obus de mortiers ont été tirés dimanche par les
groupes armés palestiniens de Gaza, selon un porte-parole
militaire israélien. Dans la soirée du dimanche, l’aviation
israélienne a effectué un raid à l’est de la ville de Gaza en
visant, selon elle, « deux lance-roquettes prêts à l’usage ».
D’autre part, des témoins palestiniens ont indiqué qu’une unité
de l’armée israélienne a effectué dimanche une incursion limitée
dans le sud de la bande de Gaza, ce qui a été démenti par
l’armée israélienne.
La situation a commencé à se
détériorer dès l’expiration de la trêve, vendredi dernier. Le
lendemain, Israël a lancé un premier raid sur la bande de Gaza,
tuant un Palestinien et en blessant trois autres, dont deux
grièvement. Parmi ces Palestiniens, trois appartiennent aux
Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, la branche armée du Fatah, le
parti du président palestinien Mahmoud Abbass, ont indiqué des
témoins, le quatrième étant un civil. Dans un communiqué, les
Brigades des martyrs d’Al-Aqsa ont menacé : « Notre réponse ne
tardera pas. Toutes les options sont possibles et la réaction
doit venir de tous les groupes palestiniens ».
De l’autre côté, un porte-parole
de l’armée israélienne a affirmé que dix roquettes tirées de
Gaza s’étaient abattues samedi en Israël, sans faire de
victimes. Le Djihad islamique a revendiqué les tirs de
roquettes, tandis que les Brigades Ezzeddine Al-Qassam, branche
armée du Hamas, ont dit avoir tiré 19 obus contre Israël.
Israël ignore les appels au
calme
Mais c’est surtout la mort d’un
activiste palestinien tué samedi par un missile israélien visant
la ville de Beit Lahiya qui a mis le feu aux poudres et qui a
entraîné la région dans un cycle infernal de représailles et
contre-représailles.
Et il semble qu’Israël soit
déterminé à aller jusqu’au bout. L’Etat hébreu a lancé une
campagne diplomatique destinée à justifier à l’avance les
opérations que pourrait lancer l’armée israélienne dans la bande
de Gaza. A cet effet, la ministre des Affaires étrangères, Tzipi
Livni, a déclaré avoir l’intention de « convoquer prochainement
les ambassadeurs accrédités en Israël et s’adresser à ses
homologues ». Dans le même temps, lundi, dans une lettre
adressée au secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, la
représentante d’Israël aux Nations-Unies a averti de la
détermination de l’Etat hébreu à réagir aux tirs de roquettes.
Une façon d’ignorer les appels
lancés par la communauté internationale. En effet, face à cette
escalade, le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, a de
nouveau exprimé son inquiétude concernant la situation à Gaza et
appelé au rétablissement de la trêve négociée par l’Egypte et à
la fin des violences.
Déjà, à la veille de la rupture
de la trêve, l’envoyé spécial des Nations-Unies pour le
Proche-Orient, Robert Serry, avait mis en garde le Conseil de
sécurité de l’Onu contre les risques d’« une escalade majeure de
la violence qui aurait des conséquences graves » pour la
population civile en Israël et à Gaza. Même inquiétude de la
part des Européens, Paris ayant exprimé vendredi la « plus vive
inquiétude » de l’Union européenne sur la situation à Gaza,
tandis que la Russie, un des rares interlocuteurs du Hamas, a
appelé le mouvement islamiste à revoir sa décision de mettre fin
à la trêve.
Or, si la trêve a été rompue par
le Hamas, c’est justement en raison de la situation dans la
bande de Gaza. Entrée en vigueur le 19 juin après une médiation
égyptienne, elle n’a pas été reconduite, « car l’ennemi sioniste
n’a pas respecté ses conditions », ont affirmé vendredi les
Brigades Ezzeddine Al-Qassam sur leur site Internet. Le Hamas
reproche notamment à Israël de ne pas avoir levé le blocus de la
bande de Gaza, entièrement coupée du monde. Ce blocus, en
vigueur depuis la prise de pouvoir par le Hamas en juin 2007, a
été renforcé début novembre, ce qui a aggravé la situation
humanitaire dans cette région où vivent 1,5 million de
Palestiniens dans des conditions misérables.
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AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 24 décembre 2008 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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