Monde arabe

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Crimes
de guerre israéliens
Rania Adel
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Palestine
. Le bouclage de la bande
de Gaza met en relief la volonté de l’Etat hébreu de mettre le
secteur à feu et à sang sous couvert de riposter au Hamas.

Photo Al-Ahram
Mercredi 23 janvier 2008
Israël est
intraitable. Il est déterminé à en finir avec le mouvement du
Hamas dans la bande de Gaza, au détriment de la vie des civils
palestiniens. Il a ainsi imposé un blocus hermétique sur ce
territoire surpeuplé et déjà très pauvre, rendant la vie
encore plus dure à ses 1,5 million d’habitants. Israël a fermé
vendredi ses passages frontaliers avec la bande de Gaza. Les
camions humanitaires de l’UNRWA (Office de secours et de travaux
des Nations-Unies pour les réfugiés de Palestine), qui
fournissent de l’aide alimentaire aux réfugiés palestiniens de
Gaza, n’ont pas été autorisés à passer comme ils le font
habituellement. « La bande de Gaza est totalement bouclée. Cela
ne fera qu’aggraver une situation déjà terrible », a déclaré
Christopher Gunness, porte-parole de l’UNRWA. Israël imposait déjà
de sévères restrictions aux acheminements humanitaires vers la
bande de Gaza depuis que le Hamas en a pris le contrôle par la
force en juin dernier.
En raison du
bouclage, la principale centrale électrique de la bande de Gaza a
commencé à suspendre progressivement ses activités, faute de
carburant. Kanaan Abeïd, directeur adjoint de la Direction
palestinienne de l’énergie, a déclaré que l’une des deux
turbines de la centrale avait été mise à l’arrêt dans la
matinée de dimanche et que la seconde serait arrêtée dans
l’après-midi. « Il n’y a plus de carburant qui arrive et
nous n’avons pas de réserves », a-t-il expliqué, estimant à
un million le nombre d’habitants qui sont affectés par la
fermeture totale de la centrale.
L’Union Européenne
(UE), qui finance l’approvisionnement en carburant de la
centrale, a confirmé que l’une des turbines était à l’arrêt
et que l’installation fonctionnait désormais à 50 % de sa
capacité. Elle a précisé que le dernier approvisionnement en
carburant financé par l’UE avait été effectué jeudi et
qu’aucune livraison n’avait été autorisée dimanche.
Selon les chiffres
palestiniens et israéliens, la bande de Gaza consomme 200 mégawatts,
dont 120 sont directement fournis par l’Etat juif, 17
proviennent d’Egypte et 65 sont produits par la centrale locale.
« Cela va avoir un
impact important sur la vie quotidienne de centaines de milliers
de personnes à Gaza », a déclaré M. Gunness. Les coupures de
courant sont devenues fréquentes dans la bande côtière, déclarée
« entité hostile » en septembre par le gouvernement israélien
après la prise de contrôle du territoire en juin par le Hamas.
Soulignant la
gravité de la situation, le secrétaire général adjoint de
l’Onu aux Affaires humanitaires, John Holmes, s’est élevé
vendredi contre une « punition collective » des Gazaouis. «
Nous comprenons tous les problèmes de sécurité et la nécessité
d’y réagir, mais une punition collective visant la population
de Gaza n’est pas, à notre avis, la manière appropriée de le
faire », a-t-il dit.
De son côté, le
rapporteur spécial de l’Onu pour les droits de l’homme dans
les territoires occupés, John Dugard, a dénoncé samedi les
crimes de guerre « lâches » commis par Israël dans la bande de
Gaza lors des raids de la semaine écoulée. Dans un communiqué
diffusé par le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les
droits de l’homme à Genève, l’expert indépendant a accusé
Israël de recourir à un châtiment collectif et de ne pas
distinguer entre cibles militaires et civiles. « Les responsables
d’actes aussi lâches se rendent coupables de graves crimes de
guerre et doivent être poursuivis et sanctionnés », a estimé
M. Dugard, estimant que l’intervention militaire israélienne a
fait près de 40 morts dans les rangs palestiniens durant la
semaine. Le rapporteur a particulièrement condamné le tir des
missiles contre un bâtiment administratif à proximité d’une cérémonie
de mariage, estimant que l’armée israélienne ne pouvait
ignorer le risque de pertes humaines parmi les civils. M. Dugard a
estimé que les Etats-Unis et les autres pays engagés dans le
processus de paix d’Annapolis avaient « une obligation à la
fois légale et morale » de forcer Israël à mettre fin à son
intervention.
Outre le problème
d’électricité, l’armée israélienne a capturé samedi
quatre activistes du Hamas à l’issue d’un échange de tirs
dans la bande de Gaza, ont rapporté Tsahal et les Brigades
Ezzedine Al-Qassam, bras armé du Hamas. Les quatre hommes ont été
emmenés en Israël pour y être interrogés avec plusieurs autres
suspects. Depuis le début de la semaine, les forces israéliennes
ont tué 35 Palestiniens dans la bande de Gaza dans le cadre
d’opérations destinées à mettre fin aux tirs de roquettes
artisanales sur Israël.
Le gouvernement
palestinien du président Mahmoud Abbass a condamné les opérations
israéliennes en les qualifiant de « gifle » infligée à George
Bush, qui espère un traité de paix israélo-palestinien avant la
fin de son mandat en janvier 2009.
Négociations en
péril
Tout le monde
s’attendait à ce que la tournée du président américain dans
la région ne mène à rien. Pourtant, personne ne croyait
qu’Israël serait aussi rapide dans sa détermination à tuer
dans l’œuf les négociations entamées avec les Palestiniens
sur les questions de fond. Incursions, raids, arrestations,
coupure d’électricité, blocage et fermeture de passages, Israël
attaque sur tous les fronts. Objectif affiché : venir à bout des
activistes du Hamas et arrêter les tirs de roquettes. Mais à
force de frapper durement, il semble loin d’atteindre son
objectif, le Hamas devenant plus déterminé à poursuivre sa résistance.
Plus important encore, Israël torpille la relance du processus de
paix, déjà lettre morte. Le résultat qui émane des agissements
israéliens est loin de laisser espérer une quelconque décrispation.
Israël porte le Hamas responsable de cette situation et rejette
toutes les pressions internationales, surtout celles de la Ligue
arabe dont les délégués permanents ont tenu une réunion lundi
pour dénoncer les crimes israéliens. Les Palestiniens, eux,
menacent d’avoir recours à l’Onu pour mettre fin au bouclage
de la bande de Gaza où la situation humanitaire n’est pas
enviable.
Bref, Ehud Olmert a
déclaré la « guerre » aux activistes mais n’a fait aucune
allusion à une éventuelle opération de grande envergure dans la
bande de Gaza, que tout le monde s’accorde à considérer comme
risquée. Olmert s’est dit prêt « sans aucune hésitation »
à poursuivre les négociations de paix. Mais dans cette atmosphère
assez tendue, la question qui mérite d’être posée est la
suivante : de quelle paix parle M. Olmert ?
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Hebdo
Publié le 23 janvier 2008 avec l'aimable
autorisation de AL-AHRAM Hebdo

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