Opinion
|
Pas
de paix sans Jérusalem
Morsi Attalah
|
Mercredi 19 décembre 2007
Il est certain
aujourd’hui que l’avenir du processus de paix dépend désormais
de la possibilité de trouver une solution acceptable concernant Jérusalem
bien que de nombreuses embûches et complications entourent les
autres dossiers comme celui des réfugiés, des implantations, des
frontières et de l’eau.
Jérusalem est la
pierre angulaire qui déterminera la voie du processus de paix
dans toute la région. En effet, pour les Arabes, les musulmans et
les chrétiens, ce sujet ne peut supporter davantage de compromis
et de concessions tactiques portant atteinte à la réalité qui
existait avant le 4 juin 1967.
Depuis son
occupation en juin 1967, Israël a consacré un programme spécial
à Jérusalem qui consiste à créer une réalité géographique
et démographique complexe et insoluble. Dans ce cas, aucune
solution politique ne peut être imposée dans le cadre d’un éventuel
compromis.
L’objectif d’Israël
a toujours été d’opérer un changement radical dans la
composition démographique de la ville de Jérusalem de sorte que
le nombre des habitants juifs soit le plus grand notamment à Jérusalem-Est.
Pour ce, Israël a octroyé des facilités illimitées aux
habitants juifs et a imposé des contraintes illimitées aux
habitants arabes. De plus, il a tenté d’opérer un changement géographique
global et rapide afin de changer radicalement les caractères de
la ville sainte, en intensifiant la construction des implantations
de sorte qu’il devienne impossible de repartager la ville. Israël
cherche ainsi à imposer la réalité de la ville unifiée sous la
domination israélienne.
Israël a un autre
objectif, celui de terroriser les habitants arabes de Jérusalem,
de faire pression sur eux de toutes les manières légitimes et
non légitimes pour les pousser à partir, à vendre leurs terres,
leurs commerces et leurs biens immobiliers. Lorsque les
Palestiniens ont campé sur leurs positions et ont refusé
d’abdiquer, Israël a eu recours à l’arme de la confiscation
des biens et des terres. Il a entravé le mouvement du travail et
du commerce dans le secteur Est de la ville de telle sorte que la
différence ait été devenue énorme entre le niveau de vie, les
taux de croissance et les facilités de mouvement entre les deux
parties de la ville. Il est grand temps pour que le négociateur
palestinien tranche ses positions et adresse un message franc et
clair aux Israéliens. Il doit leur dire que malgré les
changements démographiques qu’ils ont opérés à Jérusalem,
il est impossible de parvenir à un règlement final sans trouver
une formule déterminée reflétant la réalité de la domination
palestinienne sur la ville arabe de Jérusalem. Il est vrai que
les mesures de judaïsation ont imposé une majorité juive sur la
ville arabe de Jérusalem. Cependant, le Grand Jérusalem, qui
englobe Ramallah et Bethléem et qui représente le prolongement
naturel de toute expansion à venir, peut réaliser l’équilibre
requis entre les habitants arabes et les habitants juifs dans le
cadre de tout éventuel règlement.
Certains disent que
les implantations israéliennes à Jérusalem représentent une
entrave face à une solution pratique permettant le retour de la
souveraineté arabe sur le secteur Est de la ville. Nous pouvons répondre
: Pourquoi ne pas considérer ces implantations comme une partie
des indemnisations qu’Israël doit verser au peuple palestinien
conformément aux résolutions de l’Onu promulguées en 1948 sur
le droit du retour ou le droit aux indemnisations ?
Si nous parlons
vraiment d’une paix réelle, pourquoi ce qui est valable pour Jérusalem
ne deviendrait-il pas une introduction à la résolution du problème
des implantations répandues dans tous les territoires
palestiniens occupés ?
Si certains croient
que seuls les Arabes et les Palestiniens vont payer le prix de
l’impasse de la paix, ils ont tort. Israël n’est pas
seulement la partie qui a le plus besoin de la paix dans la région,
mais c’est aussi la seule partie qui prendra sans aucune
contrepartie. La formule de la terre contre la paix selon laquelle
les Arabes se sont rendus à la conférence de Madrid signifie
qu’Israël doit rendre les territoires occupés en juin 1967 à
leurs véritables propriétaires. Elle ne parle nullement des
territoires palestiniens qu’Israël a violés avant cette date !
Il faut rappeler à ceux qui avalent facilement les couleuvres des
médias sionistes que l’Onu quand elle a pris sa résolution
injuste de 1947, l’Etat d’Israël n’existait pas, mais
c’est l’Etat de la Palestine qui existait. La division injuste
s’est opérée sur les territoires palestiniens et non israéliens.
Partant, il n’est pas dans l’intérêt d’Israël de
continuer à vivre dans l’impasse actuelle, ni de voir s’éteindre
le rêve de la paix selon la formule de Madrid renforcée par
l’initiative arabe. En effet, rouvrir les vieux dossiers n’est
dans l’intérêt de personne et surtout d’Israël qui n’a
jamais rêvé de la légitimité de l’acceptation arabe de son
existence.
L’ambition des
Arabes de réaliser une conciliation historique avec Israël n’émane
pas d’une position de faiblesse. C’est une ambition légitime
qui tient à une logique déterminée. Celle-ci suppose que si les
Arabes ont été incapables d’infliger une défaite écrasante
à l’Etat hébreu et bien cet Etat, soutenu par la plus grande
superpuissance de notre monde contemporain, n’a pu briser la
volonté arabe ni imposer l’abdication à aucune partie arabe
malgré les victoires tactiques qu’il a réalisées dans des
batailles ultérieures ! Aucune partie, quelle que soit sa force
ou sa capacité, ne peut croire qu’il est possible de
transformer le fait accompli en paix. L’histoire du conflit
arabo-israélien le démontre parfaitement.
Les batailles de
1947 se sont terminées par une trêve qui ne s’est pas
transformée en paix. Les batailles de 1956 aussi se sont terminées
par une trêve qui ne s’est pas transformée en paix. Même la
guerre de juin 1967, malgré les gains qu’elle a attribués à
Israël, a abouti à de nouvelles lignes de cessez-le-feu. La
guerre d’octobre 1973, malgré la grande victoire arabe, a
abouti à de nouvelles lignes de cessez-le-feu. Lorsqu’Israël a
occupé le Liban et est arrivé à Beyrouth en 1982, il a été
obligé de se retirer de manière humiliante en 2000 sous
l’emprise des coups de la résistance qui lui a aussi infligé
une défaite écrasante en juin 2006.
Ce sont là les leçons
tirées d’une série de guerres. Ce sont leurs conséquences sur
le terrain de la réalité. Une réalité renforcée par la résistance
héroïque du peuple palestinienne durant la première Intifada de
1987 et la seconde en 2000. Mais la paix est tout autre chose.
Elle ne peut se matérialiser que par le respect réciproque et la
reconnaissance mutuelle des droits légitimes des uns et des
autres.
Droits de reproduction et de
diffusion réservés. © AL-AHRAM
Hebdo
Publié le 19 décembre 2007 avec l'aimable
autorisation de AL-AHRAM Hebdo
|