Invité

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« Nous avons encore la
possibilité de parvenir à une solution entre
Palestiniens et Israéliens »
Javier Solana
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Mercredi 17 septembre 2008
Le Haut
représentant de la politique étrangère de l’Union européenne,
Javier Solana, était cette semaine au Caire en début d’une
tournée au Proche-Orient. Il évoque les objectifs de sa visite
et les prochaines étapes de l’Union pour la Méditerranée.
Al-Ahram Hebdo : Quelle est la
raison de votre tournée dans la région au moment où les
conditions régionales et internationales — démission du premier
ministre israélien, présidentielles américaines — ne semblent
pas favorables à une reprise des négociations
israélo-palestiniennes ?
Javier Solana :
Je suis venu dans la région à ce
moment, car nous irons cette semaine à New York pour participer
à la session de l’Assemblée générale des Nations-Unies et nous
aurons là-bas des réunions importantes. Il y aura une réunion du
Quartette international sur le Proche-Orient (Etats-Unis,
Russie, Onu, Union européenne) et une autre entre celui-ci et
les représentants des pays arabes. Ces rencontres vont se
concentrer sur le processus de paix, au moment où la période de
l’après-Annapolis touche à sa fin. Pour cette raison, il était
très important pour moi en ce moment de réunir auprès des
différentes parties le maximum d’informations avant de
participer à ces importantes réunions de New York. Nous devons
concentrer le maximum d’efforts pour que le temps qui nous reste
soit utilisé de manière appropriée. Je sais que les conditions
sont difficiles, vous avez bien mentionné les conditions, mais
tout cela ne doit pas nous empêcher de continuer à travailler
sur les objectifs que nous nous sommes fixés à Annapolis il y a
un peu moins d’une année.
— Les espoirs soulevés lors de
la conférence d’Annapolis en novembre 2007 se sont pourtant
évanouis. Aucune possibilité ne semble-t-elle envisageable pour
parvenir à un accord de paix israélo-palestinien avant fin 2008
?
— Nous travaillons sur cette
question depuis bien longtemps. Ce que vous dites ne doit pas
nous faire perdre notre détermination de faire avancer le
processus de paix. Il est sûr que depuis les négociations de
Camp David réunissant le président américain Bill Clinton, le
chef de l’Autorité palestinienne Yasser Arafat et le premier
ministre israélien Ehud Barak en 2000, il s’est passé beaucoup
de temps, mais nous avons aujourd’hui encore une fois la
possibilité et l’espoir de parvenir à une solution entre
Palestiniens et Israéliens.
— Comment traitez-vous au sein
du Quartette le problème de la domination qu’exerce le Mouvement
de la résistance islamique Hamas sur la bande de Gaza ? Par quel
moyen faudrait-il intégrer ce mouvement dans le processus de
paix ? Cherchez-vous à l’écarter de toute participation à un
règlement ?
— Les dirigeants du Hamas savent
bien ce qu’ils doivent faire pour être intégrés à l’Autorité
palestinienne, et donc incorporés au processus de paix. Ils
doivent s’adapter aux réalités actuelles et doivent faire
certains compromis et changer certains points qui sont très
clairs et connus de tout le monde. Cette position est celle de
la Ligue arabe, qui l’a réitérée à plusieurs reprises. Une
position à laquelle nous avons accordé tout notre soutien. Je ne
pense pas que le Hamas ait le sentiment d’être marginalisé ou
d’être jeté dehors, car ses dirigeants savent de manière très
claire ce qu’ils doivent faire pour qu’ils soient inclus dans le
processus en cours.
— Que pensez-vous de la
médiation que mène l’Egypte auprès des factions palestiniennes,
notamment le Fatah et le Hamas, pour parvenir à une
réconciliation à dénominateur commun ?
— Je pense qu’il s’agit d’une
initiative très importante et j’apprécie très certainement la
détermination du président Moubarak de parvenir à une solution à
ce problème. Je suis de près les rounds de discussions entre les
factions palestiniennes, et si l’Egypte parvient à des résultats
satisfaisants, nous allons lui accorder notre soutien.
— De nombreux rapports d’ONG
travaillant en Palestine ont indiqué récemment qu’aussi bien
l’Autorité palestinienne que le Hamas utilisent des méthodes
violant les droits de l’homme contre leurs prisonniers du camp
adverse. Vous ne parlez pas au Hamas, mais soulevez-vous cette
question avec l’Autorité palestinienne ?
— Lorsque nous entendons parler
d’un rapport sur des violations des droits de l’homme, nous
essayons de faire connaître notre position sur ce sujet aux
responsables concernés. Nous le faisons sans essayer de nous
imposer, mais pour montrer les informations que nous recevons de
la part d’ONG ou de diverses institutions chargées de faire état
des violations des principes des droits de l’homme. Et nous
essayons de faire passer ce message à ceux qui peuvent en être
responsables.
— Le projet de l’Union pour la
Méditerranée a été lancé formellement à Paris mi-juillet. Mais
de nombreux points restent encore non élucidés. Pouvez-vous
faire la lumière sur le contenu de cette initiative et la suite
à lui donner ?
— L’idée du sommet de Paris est
de lancer un partenariat entre les deux rives de la Méditerranée
pour être sur un pied d’égalité. Il s’agit d’une nouvelle étape
du Processus de Barcelone. Comme vous le savez, la présidence
actuelle est partagée entre l’Egypte et la France pour un
certain temps. Le sommet sera suivi d’une réunion ministérielle
qui aura lieu au mois de novembre où seront prises des décisions
sur la structure du secrétariat et sur l’adoption de projets
dans différents domaines comme l’économie, l’énergie,
l’éducation, l’environnement, etc.
— Mais à quel point ce projet
est-il adapté aux circonstances qui prévalent autour de la
Méditerranée, où règnent surtout les disparités entre le Nord et
le Sud ?
— C’est pour cette raison que
l’idée est de travailler de la manière la plus orientée vers les
besoins des gens. Nous allons mettre en place des projets, des
programmes et des actions qui auront des répercussions positives
sur les gens. Nous voulons faire cela, car nous voulons être
plus efficaces en travaillant ensemble des deux rives de la
Méditerranée. Nous voulons travailler dans les domaines qui
auront de bonnes répercussions sur l’économie. Des domaines
fondamentaux tels que l’énergie, l’environnement, l’éducation,
la recherche, etc. Bref, tout cela aura des répercussions
positives sur la vie des gens.
— La lutte européenne contre
l’immigration clandestine soulève la question de la circulation
des personnes dans la Méditerranée. Comment allez-vous traiter
cette question dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée ?
— La question de la circulation
autour de la Méditerranée sera l’un des points importants des
discussions avec les pays du Sud. Les déplacements de biens et
de personnes du Nord vers le Sud et vice-versa. Tout cela devra
être traité dans un contexte plus large. Dans un contexte où
tous les projets liés aux domaines des sciences, de l’économie,
de l’éducation, de la recherche scientifique et de la
technologie auront comme conséquence l’organisation des flux des
personnes allant d’un côté à l’autre de la Méditerranée. Ce qui
sera très important dans ce partenariat, c’est que nous
comprenons les problèmes de la même manière.
— L’Europe a signé des accords
d’association avec la majorité de ses voisins du sud de la
Méditerranée dans lesquels figure le respect des principes de la
démocratie, des droits de l’homme et des libertés fondamentales
comme la liberté d’expression. Comment fonctionnent les
mécanismes de suivi de ces dispositions ?
— Il existe avec eux un dialogue
au niveau politique, qui implique aussi un échange sur les
questions que vous venez de mentionner. Nous le faisons de la
manière la plus respectueuse, car nous respectons ces pays, mais
nous voulons aussi aller le plus loin possible dans cette
direction, qui est celle menant au respect des valeurs
fondamentales que nous partageons tous.
Propos recueillis par Randa
Achmawi
Droits de
reproduction et de diffusion réservés. ©
AL-AHRAM
Hebdo
Publié le 17
septembre
2008 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo

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