|
Al-Ahram Hebdo
Netanyahu conditionne l'impossible
Abir Taleb

Photo Al-Ahram
Mercredi 17 juin 2009
Processus de Paix.
Benyamin Netanyahu a fait part de
ses exigences irréalisables pour la création d’un Etat
palestinien dans un discours hué par les Palestiniens et
applaudi par la communauté internationale.
Ce sont des conditions chimériques que le premier ministre
israélien, Benyamin Netanyahu, a posées lors de son discours,
dimanche dernier, sur sa « vision » de la paix et de la
sécurité. Des propositions loin de représenter une véritable
solution pour la paix. En effet, en acceptant pour la première
fois le principe d’un Etat palestinien, Benyamin Netanyahu a
ouvert une voie vers une solution au conflit qu’il s’est
toutefois empressé de refermer en l’assortissant de conditions
jugées inacceptables : un Etat démilitarisé, une reconnaissance
par les Palestiniens du caractère juif d’Israël, un rejet du gel
de la colonisation, un refus du retour des réfugiés et Jérusalem
capitale éternelle d’Israël.
Un « oui, mais » irréalisable. Ce ne sont
donc pas des conditions mais des entraves qui ne permettent même
pas une reprise des négociations. Car sur quoi les deux parties
peuvent-elles alors négocier si les conditions minimums
nécessaires pour une relance de la paix sont inexistantes ?
Benyamin Netanyahu s’est ainsi montré plus intransigeant que
jamais. Mais aussi plus malin que jamais. En évoquant pour la
première fois la création d’un Etat palestinien, il s’est assuré
le soutien de la communauté internationale, qui l’appelait à
accepter la solution de deux Etats. Il n’en demeure pas moins
que Netanyahu a prouvé qu’il était loin d’être prêt à parvenir à
la paix.
« Après le discours de Netanyahu, il devient
clair que nous sommes en présence d’un gouvernement israélien
qui refuse en réalité une solution à deux Etats (…). Netanyahu
n’a fait qu’émettre cinq non. Il a dit non à une solution à deux
Etats, non au gel de la colonisation, non à la vision du
président Barack Obama pour un nouveau Proche-Orient, non à la
reprise des négociations au point où elles s’étaient arrêtées et
non à l’initiative de paix arabe », proposant une normalisation
avec Israël en échange de son retrait des territoires occupés, a
affirmé le négociateur palestinien, Saëb Erakat. Et d’ajouter :
« Netanyahu évoque des négociations sur un canton, le canton de
l’Etat de Palestine, avec un drapeau et un hymne, un Etat sans
frontières, sans souveraineté, sans capitale », tout en appelant
les médiateurs à demander clairement à Netanyahu s’il était prêt
à aborder des questions primordiales, telles que les frontières,
les réfugiés et Jérusalem. C’est un discours qui « torpille
toutes les initiatives de paix dans la région », a dit pour sa
part Nabil Abou-Roudeina, porte-parole du président palestinien,
Mahmoud Abbass. Yasser Abdrabbou, conseiller du président de
l’Autorité palestinienne, est allé dans le même sens, en
affirmant que « la communauté internationale doit contester
cette politique, par laquelle Netanyahu cherche à porter un coup
fatal à toute chance de paix. Elle doit isoler et contester
cette politique adoptée par Netanyahu et exercer des pressions
sur lui afin qu’il adhère à la légitimité internationale et à la
Feuille de route », le plan de paix de 2003 parrainé par les
Etats-Unis.
Côté égyptien, le président Hosni Moubarak a
estimé lundi que l’appel de Netanyahu aux Palestiniens à
reconnaître le caractère juif d’Israël « ruinait les
possibilités de paix ». « Personne ne soutiendra cet appel, ni
en Egypte ni ailleurs », a-t-il ajouté.
Réactions internationales décevantes
Or, les premières réactions internationales
au discours de Netanyahu ne promettent pas aux Palestiniens le
soutien qu’ils attendent. Le président américain, Barack Obama,
a salué dimanche ce qu’il a considéré comme un « important pas
en avant », alors que l’Union Européenne (UE) a qualifié le
discours du premier ministre israélien comme « un pas dans la
bonne direction ».
Les Etats-Unis, comme l’UE, n’ont semble-t-il
retenu que l’acceptation théorique par Benyamin Netanyahu du
principe de la création d’un Etat palestinien, tout en omettant
le reste, c’est-à-dire les exigences israéliennes impossibles à
remplir. Ainsi, comme l’a déclaré Erakat, « la question qui se
pose à présent est : Que vont faire les Etats-Unis et le
Quartette (Etats-Unis, UE, Russie et Onu) ? ». En effet, que
peuvent faire ces médiateurs qui œuvrent pour un règlement fondé
sur la création d’un Etat palestinien au côté d’Israël face à
l’intransigeant Netanyahu ?
En feignant de se soumettre aux pressions
internationales, et notamment américaines suite au discours de
Barack Obama du 4 juin concernant l’acceptation du principe
d’une solution à deux Etats, le premier ministre israélien a
marqué un coup en sa faveur. Il a en quelque sorte poussé la
communauté internationale à l’applaudir, alors qu’il n’a rien
dit de concrètement applicable. C’est donc une contre-offensive
israélienne. Netanyahu a accepté le principe de deux Etats, mais
en le vidant de son contenu. De cette manière, il s’assure de
diminuer les pressions exercées à son encontre en mettant la
communauté internationale au pied du mur.
Droits de reproduction et de diffusion
réservés. ©
AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 17 juin 2009 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
 |