Al-Ahram Hebdo
« Nous coopérerons avec la commission d'enquête sur Gaza »
Mahmoud Rached Ghaleb
Mercredi 15 avril 2009
Directeur du département des
droits de l’homme à la Ligue arabe,
Mahmoud Rached Ghaleb fait le point sur la commission
d’enquête de l’Onu sur la bande de Gaza et la prochaine
conférence internationale de Durban II sur le racisme.
Al-ahram hebdo : Quel type de
coopération envisagez-vous avec la commission d’enquête de
l’Onu, présidée par Richard Goldstone, sur les violations des
droits de l’homme lors de l’agression israélienne à Gaza ?
Mahmoud Rached Ghaleb :
Cette commission a été décidée
par le Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies pour
enquêter sur les violations des droits de l’homme et les crimes
de guerre commis lors de l’offensive d’Israël contre la bande de
Gaza. Le Conseil est l’unique organisation internationale
concernée par les droits de l’homme. Son importance s’accroît.
On a entendu dire que les Etats-Unis avaient l’intention de
rejoindre ce Conseil. Ceci se reflétera inéluctablement sur son
efficacité. Je suis heureux de la nouvelle politique du
président américain Barack Obama qui prête à l’optimisme,
contrairement à la politique de son prédécesseur George Bush. En
effet, Obama compte sur le dialogue dans la résolution des
problèmes, à l’opposé de son prédécesseur qui s’appuyait sur les
interventions militaires.
Quant à la commission, nous
sommes heureux en tant qu’Arabes de sa formation. C’est une
chose que nous avons longuement attendue. Elle a d’ailleurs été
formée en vertu d’une résolution du Conseil des droits de
l’homme en décembre dernier. La commission d’enquête est une
commission indépendante. Son rapport sera donc d’une grande
importance. Nous espérons qu’il sera objectif et qu’il
transmettra la réalité de ce qui s’est passé à Gaza. Pour notre
part, nous lui présenterons toutes les informations pouvant
faciliter sa tâche si elle le demande.
— La conférence de Durban II sur
la lutte contre le racisme, la discrimination et la xénophobie
doit se tenir du 22 au 24 avril en Suisse. Elle est fortement
liée au conflit israélo-palestinien, puisqu’elle traite la
question des pratiques de ségrégation pratiquées par Israël
contre les Palestiniens. Quels sont les préparatifs arabes pour
cette conférence ?
— Cette conférence est le
prolongement de celle de Durban I qui s’est tenue en 2001 en
Afrique du Sud. Elle a élaboré un document signé par un grand
nombre d’organisations de la société civile de par le monde. Il
comprend 436 articles reconnaissant que le peuple palestinien
est victime de racisme. Il appelle aussi à appliquer le droit
international ainsi que les quatre conventions de Genève portant
sur la situation des populations civiles sous occupation.
Dans le cadre des préparatifs de
la conférence de Durban II, de nombreuses organisations, avec en
tête l’Organisation arabe des droits de l’homme et le Conseil
égyptien des droits de l’homme, ont organisé, en présence de
personnalités internationales éminentes, la conférence arabe
préliminaire à la conférence de Durban II, à laquelle a
également pris part la Ligue arabe. Cette conférence
préparatoire visait à unifier le rang arabe à Durban II.
— Quelles étaient les positions
les plus importantes adoptées lors de cette conférence
préparatoire ?
— La conférence a adopté la
Déclaration du Caire portant sur les questions importantes pour
le monde arabe, notamment la question palestinienne. Les
participants ont dénoncé les politiques de racisme et de
discrimination contre les différents groupes ethniques ainsi que
contre les émigrés et les réfugiés. Ils ont également exprimé
leur inquiétude envers l’hostilité à l’islam ou au
christianisme, envers l’antisémitisme, la discrimination
évidente contre les Arabes et les musulmans dans les pays
occidentaux à la suite des événements du 11 septembre ainsi
qu’envers la discrimination contre les divers groupes religieux,
contre les personnes d’origines africaines et asiatiques et
contre les peuples autochtones. Ils ont également dénoncé toutes
formes d’esclavage, de colonialisme, d’occupation étrangère et
de génocide.
Les participants ont également
mis en garde contre les dangers de la pauvreté et de la
marginalisation ainsi que contre l’aggravation des aspects
négatifs de la mondialisation et des politiques économiques
injustes au niveau national et dans les relations entre les
pays. Ils ont exprimé leur crainte que les pays en développement
et les pauvres n’assument les fardeaux de la crise financière
mondiale et de la récession économique. Le fait qui peut
aggraver la discrimination sociale.
Pour les pays arabes, comme ils
l’ont exprimé dans le document, le principe de la citoyenneté
est le fondement juridique et constitutionnel pour garantir
l’égalité entre tous les citoyens, abstraction faite de leur
race, leur couleur, leur religion ou leur appartenance
politique.
Les participants ont surtout
exprimé leur inquiétude concernant les conclusions de la
commission chargée de mettre un terme à toutes formes de
discrimination raciale perpétrées par Israël contre le peuple
palestinien dans les territoires occupés en 1967 ou dans les
territoires palestiniens de 1948. Le responsable de l’Onu pour
les droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés
et la Cour internationale de justice les ont soulignées comme ce
fut le cas pour la construction du mur de séparation ou la
poursuite de la colonisation juive. Les participants ont
confirmé que la dénonciation seule ne suffisait pas pour changer
les faits ni pour alléger les souffrances des victimes. Ils ont
affirmé qu’il était indispensable que les efforts de la
communauté internationale se conjuguent pour mettre en exécution
les principes de la légitimité internationale et mettre un terme
à l’occupation.
Les participants ont convenu que
les violations des droits de l’homme, y compris le racisme et la
discrimination raciale, étaient perpétrées dans tous les pays à
des degrés divers et qu’il était impossible d’exclure Israël. En
effet, son registre à ce sujet est confirmé par les organismes
de l’Onu. Ils ont confirmé que la dénonciation des violations
perpétrées par Israël n’avait aucune relation avec
l’antisémitisme que brandit Israël à chaque occasion pour
obtenir une immunité contre les critiques et contre la
conduction en justice, comme s’il se plaçait au-dessus de la
loi.
Les pays arabes aspirent à la
formation d’un réseau de relations et d’un organisme de
coopération entre les institutions et les ONG internationales
afin de confirmer que la discrimination raciale dont le peuple
palestinien est victime n’est pas une prétention arabe émanant
d’un prétendu antisémitisme, mais de réalités déterminées que
dénoncent la communauté internationale et les organisations des
droits de l’homme.
Les spécialistes arabes des
droits de l’homme auprès de la Ligue arabe et de l’Organisation
de la conférence islamique, en coopération avec les ONG arabes
et islamiques, devraient assumer la responsabilité de soulever
un sujet extrêmement important lors de la conférence de Durban.
Il s’agit de l’interdiction de l’incitation à la haine
religieuse. En effet, l’utilisation de la liberté d’opinion et
d’expression d’une manière portant atteinte aux adeptes d’une
religion déterminée est un phénomène qui commence à prendre de
l’ampleur et qui mène à la violation des droits des minorités
musulmanes dans les pays occidentaux. Ce qui accroît le racisme
et la discrimination contre eux.
— Comment ces conclusions se
refléteront-elles sur la conférence de Durban II, surtout que
certains pays, en particulier les pays occidentaux, veulent la
boycotter au profit d’Israël ?
— Chaque partie participant à la
conférence essayera d’imposer son agenda. Ces tentatives
existent depuis Durban I. Il y avait même un courant visant à
modifier l’agenda de Durban II par rapport à Durban I, tandis
que les pays arabes et africains voulaient que la conférence
continue le travail de sa prédécesseure. Pour notre part, nous
tentons à nous entendre avec les autres parties sans renoncer
aux gains acquis au cours de la première conférence. Nous ne
pouvons pas changer les positions des autres Etats, mais la
position arabe reste comme elle l’était lors de la première
conférence, qui est une conférence internationale parrainée par
l’Onu. Nous ne devons donc pas dépasser ses décisions. Certains
pays comme le Canada ont annoncé leur intention de boycotter la
conférence, ce qui signifie que nous allons être exposés à de
nombreuses pressions comme ce fut le cas avant Durban I. Il est
clair que toute l’affaire est dominée par la politique et non
par le côté juridique des questions qui seront traitées à la
conférence. Or, il est clair que certains pays pensent que
puisqu’il est impossible d’annuler la conférence, il est au
moins possible de faire en sorte que la déclaration et les
recommandations ne condamnent pas Israël et ses pratiques
racistes. On espère qu’il sera possible de réaliser une certaine
entente entre les pays de façon à ce que la partie arabe puisse
garder les gains réalisés à Durban I et renforcer ses relations
avec les ONG qui ont joué un grand rôle dans la réalisation de
ces gains. La coordination entre les organisations arabes et les
organisations gouvernementales dans les autres rassemblements
régionaux avait aidé à la réalisation de ces gains. Nous
espérons la poursuite de ces efforts pour que la conférence
puisse aboutir à des recommandations condamnant toutes les
pratiques racistes.
— Quel est l’état d’avancement
de la Commission arabe des droits de l’homme qui est le premier
mécanisme arabe pour le suivi de l’exécution de la Charte arabe
des droits de l’homme ?
— Les membres de la Commission
arabe des droits de l’homme ont été élus par les pays
signataires de la Charte arabe des droits de l’homme. 7 membres
ont été élus parmi 8 candidats des pays signataires. La
prochaine réunion de la commission se tiendra le 4 mai en
conformité avec le texte de la charte. La commission se devra
d’élaborer un système interne de travail ainsi qu’un programme
d’action. Elle commencera ensuite à s’adresser aux pays
signataires pour qu’ils envoient des rapports sur les droits de
l’homme dans leurs pays. Les mesures pratiques de l’exécution de
la charte auront ainsi commencé. On s’attend à un grand
enthousiasme de la part des membres du comité et des pays
membres pour poursuivre l’application de la charte.
Propos recueillis par Atef Saqr
Droits de reproduction et de diffusion
réservés. ©
AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 17 avril 2009 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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