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Al-Ahram Hebdo

Au risque d'une troisième Intifada
Samar Al-Gamal


Photo Al-Ahram

Mercredi 14 octobre 2009

Jérusalem. Avec les provocations israéliennes sur l’Esplanade des mosquées, l’Etat hébreu veut donner définitivement un aspect religieux au conflit. Un troisième soulèvement peut éclater, mais sous une nouvelle forme.

La tradition dit qu’un jour, sur ce lieu, figurait un temple construit par Salomon, fils du prophète David. On le détruit sous Babylone, les jours glorieux des Hébreux prirent fin. Des siècles plus tard, il est reconstruit et les Israélites connaîtront des périodes fastes avant de retomber dans le désordre, une fois le temple de nouveau détruit par les Romains. Sous les musulmans, le Dôme du rocher fut érigé, car il s’agissait de l’emplacement même où le prophète Mohamad était monté aux cieux.

La légende dit aussi que la destruction du temple menace l’existence même des juifs. Ainsi faut-il le reconstruire pour accélérer une remontée des juifs et permettre le retour du Messie.

Les juifs religieux s’abstiennent pourtant de mettre le pied sur l’Esplanade des mosquées pour éviter de mettre le pied sur l’emplacement sacré du saint des saints. Ils se contentent de visiter le Kotel, ou le mur occidental.

Mais la tradition juive veut que lors des jours fériés de Rosh Hashanah et Yom Kippour, une trompette spéciale appelée « Shofar » doit entrer sur l’Esplanade. Vue comme provocation des musulmans sous mandant britannique, la tradition a été interdite. Des groupes sionistes ou des juifs ultra-orthodoxes tentent d’ailleurs de la faire revivre, devenant ainsi un ultime point de friction dans la Jérusalem occupée.

C’est ce qui s’est passé ces deux dernières semaines. Des Palestiniens ont protesté contre l’intrusion sur l’Esplanade, qui abrite les mosquées Al-Aqsa et le dôme du Rocher, d’extrémistes juifs. La police israélienne est intervenue et des heurts ont alors éclaté. Des milliers de policiers israéliens se sont déployés, arrêtant des fidèles palestiniens. L’Esplanade des mosquées a été bouclée. Vendredi, seuls les hommes âgés de plus de 50 ans, Palestiniens ou Arabes israéliens, ont eu le droit d’y accéder. En conséquence, 5 000 croyants seulement ont pu prier, alors qu’ils sont environ 25 000 en temps ordinaire. La journée a été déclarée journée de grève générale et de manifestations palestiniennes pour « la défense de Jérusalem ». Des jeunes Palestiniens masqués ont lancé des pierres contre les policiers israéliens, rappelant des scènes d’il y a plus de 20 ans, lors de la première Intifada, mais cette fois-ci, au moins pour l’instant, les choses n’ont pas dégénéré en confrontation générale.

Les affrontements les plus sérieux ont eu lieu dans le quartier arabe de Ras Al-Amoud, à l’extérieur de la vieille ville de Jérusalem. Des heurts ont aussi été signalés à Hébron.

Une histoire qui se répète, dit-on. La seconde Intifada a éclaté à cause d’un incident similaire sur l’Esplanade : une visite d’Ariel Sharon (lire page 5).

L’ombre d’une troisième Intifada surplombe les territoires occupés, même si officiellement les autorités israéliennes disent vouloir éviter tout geste qui servirait de prétexte à déclencher une nouvelle révolte palestinienne.

Sur le terrain, les Israéliens agissent autrement. Des dizaines de juifs ultra-orthodoxes ont pu marcher dans les rues de la vieille ville de Jérusalem à l’occasion de Shemini Atzeret. Escortés par des policiers et des forces spéciales alors qu’ils célébraient la fête qui tombe le lendemain de Soukkot, ils scandaient : « Mort aux Arabes ! Jérusalem capitale unifiée des Israéliens ! », en soulevant la Torah et en dansant en cercle la Hakafot. La police israélienne a même ordonné aux propriétaires arabes de fermer leurs magasins durant la prière juive.

D’autres mesures alimentent la tension. Depuis la construction du mur autour de la Cisjordanie, les Palestiniens éprouvent de plus en plus du mal à entrer et sortir de Jérusalem-Est. La vieille ville est encerclée par des colonies juives, grignotée par les confiscations des terres.

Une poudrière

Les Israéliens veulent pourtant croire qu’une nouvelle « révolte de pierres » n’est en aucun cas possible. Concrètement, Jérusalem est encerclée par le Mur de séparation. Chaque Palestinien qui cherche à se déplacer d’une ville à l’autre doit passer par des ultimes checkpoints.

L’Autorité palestinienne à Ramallah n’a aucun intérêt, au moins aux yeux des Israéliens, à faire empirer la situation ou à détruire une économie qui prend forme en Cisjordanie. Le Hamas, lui, est isolé à Gaza, bande encerclée au sol, air et mer, où une nouvelle Intifada ne nuirait pas aux intérêts des Israéliens. Ne s’agit-il pas plutôt d’une sorte de fuite en avant de dirigeants israéliens ? Une exploitation de la religion à des fins politiques ? Et l’ultime objectif est de repousser durablement toute issue politique.

Sur le fond, le conflit israélo-arabe n’est pas un conflit religieux, les fondateurs du sionisme n’étaient pas croyants pour la plupart et l’OLP, dirigée par Yasser Arafat, était principalement un mouvement laïc. Mais somme toute, c’est du passé et un différend sur les lieux saints pourrait facilement servir de prétexte pour un regain de violence, surtout dans un contexte sans espoir pour les Palestiniens. La trêve avec Israël ressemble plus à une « pause ». Une intifada devrait donc bientôt reprendre. Peut-être pas au sens classique, mais en prenant une nouvelle forme. Toutes les conditions sont réunies : la judaïsation de Jérusalem, l’expulsion des Arabes de leurs maisons, la démolition d’autres maisons, l’inégalité dans l’octroi des permis entre juifs et Arabes, le quotidien infernal des Palestiniens d’un poste de contrôle à l’autre.

A ceci s’ajoutent deux facteurs, un Hamas qui aurait besoin de cet ultime soulèvement pour changer la donne à Gaza, et une popularité d’un président de l’Autorité palestinienne en chute à cause du scandale du rapport Goldstone. Mahmoud Abbass aurait succombé aux pressions américaines, mais aussi européennes qui menaçaient de couper leurs aides si le rapport était voté. Et l’Autorité palestinienne vit essentiellement sur ces assistances, notamment pour assurer les salaires des fonctionnaires palestiniens (lire page 5).

Les responsables palestiniens multiplient ainsi les déclarations alarmistes et évoquent eux aussi le risque d’un nouveau soulèvement.

Même Mohamad Dahlan, l’homme palestinien le plus proche des Américains et des Israéliens, a envoyé un message à Israël.

« Si Netanyahu croit qu’il peut maintenir l’occupation et élargir les colonies puis s’attend à une paix de notre côté, il se trompe », a-t-il dit.

Une Intifada, peut-être pas tout de suite, mais elle viendra, estiment les analystes.

« Si le point mort se poursuit, le premier ministre transige en refusant toute négociation sur Jérusalem et le sentiment d’étouffement se poursuit chez les Palestiniens, il y aura certes des difficultés dans l’avenir », a estimé Ahmad Al-Tibi, député arabe au Parlement israélien.

Pour éviter que la situation ne dégénère, des pressions diplomatiques doivent s’exercer, surtout sur Israël où ses dirigeants parlent de non accord ou non règlement. « Je lui dirai (à l’émissaire américain) clairement qu’il y a de nombreux cas de conflits dans le monde qui n’ont pas été réglés par une solution générale et où les gens ont appris à vivre avec », a déclaré le radical Lieberman avant de recevoir George Mitchell.

« Ce qui est possible de conclure, c’est un accord intermédiaire à long terme (...) qui remet les questions les plus délicates à une phase bien ultérieure », a dit Lieberman, en allusion aux questions comme le statut futur de Jérusalem, les réfugiés palestiniens et les frontières. N’est-ce pas le cas depuis des années ? Ce blocage n’est-il pas tout simplement devenu un statu quo ? Oui, mais il ne le sera pas définitivement.

En 2000, George Mitchell a été dépêché par Bill Clinton, le président américain, pour tenter de comprendre pourquoi l’Intifada avait éclaté et devait aussi trouver une issue. A l’époque, Mitchell avait recommandé un allégement des mesures contre les Palestiniens et un gel des colonies juives.

Mitchell est de nouveau envoyé spécial du président américain actuel. Lors de sa dernière visite cette semaine dans la région, il a tenu des propos plus affaiblis. « Quiconque croit réellement en la paix doit prendre la responsabilité d’actes permettant de réaliser cet objectif », a-t-il déclaré au Caire, sans dire qui devrait le faire ni comment.

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Publié le 14 octobre 2009 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo



Source : Al-Ahram Hebdo
http://hebdo.ahram.org.eg/...


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