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Dossier Nakba

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Les réfugiés au cœur du
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Nakba.
Historiens et juristes ont
affirmé la validité juridique du droit au retour des réfugiés
lors d’une conférence sur les réfugiés de la Palestine tenue à
l’Unesco. Extraits du débat
hautement significatif.

Photo Al-Ahram
Mercredi 14 mai 2008
Lors des allocutions et des
diverses interventions de la séance inaugurale, les intervenants
ont estimé urgent de trouver une issue à la question des
réfugiés de Palestine, 60 ans après leur exode. La réunion avait
été ouverte par Angela Kane, sous-secrétaire aux affaires
politiques des Nations-Unies, s’exprimant au nom du secrétaire
général de l’Onu, Ban Ki-moon. Elle a souligné que le
Proche-Orient ne connaîtrait pas de paix durable tant que la
question des réfugiés ne serait pas réglée. Elias Sanbar,
observateur permanent de la Palestine à l’Unesco, a rappelé au
nom du président palestinien Mahmoud Abbass que trois
générations vivent toujours dans l’attente du retour.
Parmi les six experts invités,
Susan Akram, professeur à la faculté de droit de l’Université de
Boston, a examiné en détail les arguments juridiques mis en
avant par certains Israéliens pour justifier l’absence de droit
au retour des Palestiniens, alors que les juifs du monde entier
bénéficient quant à eux d’un tel droit. Les opposants au droit
au retour des Palestiniens expliquent par exemple que ceux-ci
ont été déplacés au cours d’une guerre défensive et qu’aucun
droit de l’homme ne prévoit de droit au retour automatique des
réfugiés. Et si un tel droit existe, il ne s’appliquerait qu’aux
individus et pas à une population entière. Mme Akram a souligné
à l’inverse que le droit humanitaire ne distinguait pas les
déplacements forcés ou volontaires de populations. Selon elle,
les provisions concernant le droit au retour concernent toutes
les catégories de personnes, qu’elles soient civiles ou
combattantes. Elle a dénoncé l’utilisation « hypocrite » du
droit pour justifier les droits des uns contre ceux des autres.
Salman Abou-Sitta, chercheur et
ancien membre du Conseil national palestinien, a constaté que
bien que le territoire palestinien ait été conquis, sa
population a été multipliée par 15 en six décennies, 50 % vivant
encore sur le territoire de la Palestine historique. Il a
dénoncé « une mythologie fabriquée » selon laquelle le retour
des réfugiés serait impossible. Il s’est dit convaincu que
ceux-ci ne renonceraient jamais à leur droit de récupérer leurs
biens.
Michael Fischbach, professeur
d’histoire, au Randolph-Macon College (Virginie) a brossé un
tableau historique complet de la période allant de 1948 à 1951,
des années qui ont vu la genèse du problème non résolu à ce jour
des réfugiés palestiniens. Après avoir rappelé l’immigration
juive en Palestine et l’acquisition de terres par le mouvement
sioniste avec l’appui de la puissance mandataire britannique sur
la région, Fischbach a souligné qu’en 1947, les juifs
constituaient le tiers de la population totale et qu’ils
possédaient 20 % des terres. Lors de l’armistice de 1949, les
forces israéliennes contrôlaient 77 % de la Palestine
mandataire, territoire qui est devenu le nouvel Etat hébreu.
Aucun Etat arabe palestinien comparable n’a été créé dans le
même temps et la guerre a été pleurée comme la plus terrible des
catastrophes (la Nakba) par les Palestiniens, a encore rappelé
l’orateur.
Les Palestiniens ayant fui la guerre étaient
majoritairement des paysans, ils ont tout perdu, se trouvant
totalement démunis sur le plan économique pour refaire leur vie
dans les camps. A l’inverse, pour les dirigeants sionistes, cet
exode massif a permis de résoudre un problème a priori
insurmontable qui était de créer un Etat hébreu, alors que la
majorité de la population était arabe, a noté l’orateur. Le
maintien de la nouvelle composition ethnique d’Israël est
rapidement devenu l’un des principaux objectifs stratégiques du
nouvel Etat, a-t-il souligné, ce qui a été fait par la
confiscation des biens des réfugiés et par l’interdiction de
leur retour.
Daud Abdullah, chercheur au Palestine Return
Center, a estimé qu’il ne fallait pas confondre la question du
droit au retour des réfugiés chez eux et la souveraineté d’un
éventuel Etat de Palestine. La souveraineté est un acte
politique par lequel un Etat étend son autorité reconnue sur un
territoire, alors que le droit au retour est un droit
inaliénable applicable à l’homme et son domicile quel que soit
le lieu où celui-ci se situe. Ainsi, la résolution 3 236 est
particulièrement explicite sur le plan géographique. Lorsque
celle-ci appelle à un retour, cela implique à la fois des zones
se trouvant aujourd’hui en Israël tel qu’il est défini par la
résolution sur la partition de 1947 et les frontières de facto
d’Israël obtenues par la guerre de 1967 ou par la suite.
Par conséquent, la résolution 3 236 est
considérée comme l’un des textes les plus fondamentaux
concernant le droit au retour des réfugiés, a indiqué l’orateur.
Pourtant, selon lui, aucun des accords de paix signés à ce jour
ne reconnaît et ne garantit les droits des Palestiniens. Ainsi,
l’accord de Camp David, signé en 1978, généralement considéré
comme l’un des plus réussis, prévoit que le sort des réfugiés de
la guerre de 1967 sera réglé par consensus entre les Etats
concernés. Cela revient, selon l’orateur, à donner un droit de
veto à Israël. En raison de cette aberration, une résolution de
l’Assemblée générale de l’Onu du 29 novembre 1978 a invalidé les
accords de Camp David. L’Onu a en effet estimé qu’aucun Etat
n’avait le droit de déterminer l’avenir du peuple palestinien et
de ses droits inaliénables.
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reproduction et de diffusion réservés. ©
AL-AHRAM
Hebdo
Publié le 14 mai 2008 avec
l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo

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