Al-Ahram Hebdo
Obama et le Moyen-Orient
Mohamed Salmawy
Photo Al-Ahram
Mercredi 13 mai 2009
L’intérêt du monde
s’est focalisé ces derniers jours sur l’évaluation de la
performance du nouveau président américain Barack Obama, 100
jours après son investiture à la tête de l’une des plus grandes
puissances mondiales, qui s’avère être le point de mire de tous
les foyers de tension de par le monde. Ces régions qui vivent
des mutations s’attendent à ce qu’elle assume un rôle important
dans le règlement de leurs crises.
Le Moyen-Orient, lui aussi, a commencé à s’attendre à un
éventuel soutien de la part de l’Administration Obama dans le
règlement de la cause arabe. Le monde arabe aspirait à ce rôle,
non seulement après que les 100 premiers jours de son
investiture se soient écoulés, mais même avant son succès aux
élections présidentielles en novembre dernier.
Les Arabes ont plus ou moins été déçus
lorsqu’ils ont constaté que d’autres questions jouissaient de la
priorité lors des déclarations faites par Obama, que ce soit
durant la campagne électorale ou bien après son entrée à la
Maison Blanche en ce début d’année. Mais le camp arabe avait
oublié que l’abstention d’Obama d’afficher sa politique à
l’égard de cette partie du monde aurait dû nous inciter plutôt à
l’optimisme et non pas au contraire. Si le nouveau président
avait l’intention de suivre la même voie que ses prédécesseurs,
considérés par les Arabes comme alignés sur Israël, au détriment
du droit arabe, il l’aurait déclaré dès le début. Ainsi, il se
serait attiré les voix juives qui sont allées en grand nombre à
son adversaire républicain John MacCain. Mais cette abstention
marquait plutôt une nouvelle orientation. Obama ne voulait pas
heurter le côté israélien, d’autant que n’importe quel président
américain n’était pas en mesure de s’attirer son hostilité.
C’est ainsi que le président Obama s’est
approché du conflit arabo-israélien mais à partir de son
extrémité la plus lointaine. Ses premières déclarations dans son
discours d’investiture à cet égard se rapportaient à l’islam et
non pas à la cause palestinienne. Il a affirmé officiellement
que les Etats-Unis ne sont pas en état de guerre avec l’islam
vers lequel ils portaient plutôt un regard positif. Il est alors
allé totalement à l’encontre de son prédécesseur Georges Bush,
qui parlait, lui, de Croisades.
Lorsqu’Obama avait choisi plus tard de
traiter de manière franche et claire la question du
Moyen-Orient, son Administration a pris soin d’afficher que le
règlement du conflit ne se fera qu’avec la mise en place d’un
Etat palestinien aux côtés d’un Etat israélien. L’option des
deux Etats, comme on l’appelle dans la terminologie politique.
La déclaration sans précédent est arrivée
ensuite, selon laquelle Israël doit signer le traité de
non-prolifération nucléaire. Si certains précédentes
Administrations américaines, et notamment celle de Bush, avaient
parlé d’un Etat palestinien sans œuvrer à son instauration,
aucune d’entre elles n’avait osé s’approcher du dossier
nucléaire israélien qui a toujours été laissé dans le secret. A
tel point que les tentatives arabes de le susciter, sous
prétexte de la menace non négligeable que ce dossier
représentait pour les peuples de la région, étaient toujours
suivies d’un silence total. L’unique menace qui était sujette à
la discussion pour le côté américain était la menace à laquelle
Israël était exposée.
Dans les rares moments où Washington se
trouvait obligée de discuter de ce sujet, la position
officielle, peu convaincante, des précédentes Administrations
américaines consistait à répéter qu’Israël était un pays
démocratique. Ce qui voulait dire qu’il était en vertu de ce
qualificatif totalement responsable de ses actes. Dans ce même
ordre d’idées donc, l’arme nucléaire qu’il tient entre ses mains
n’est pas similaire à celle dont disposent certains régimes
arabes qui, eux, sont non démocratiques, tels que l’Iraq et la
Libye. De tels discours nous parvenaient de Washington au moment
où un leader politique en Israël, l’oasis de démocratie et de
responsabilité, menaçait de frapper le Haut-Barrage en Egypte et
d’entraîner par la suite une catastrophe sans précédent. Un
autre leader qualifiait les Arabes d’insectes et de vipères
qu’il fallait à tout prix anéantir. Au même moment, les forces
de l’occupation israélienne menaient une guerre d’extermination
contre le peuple palestinien en Cisjordanie et enfin à Gaza.
Comme il apparaît, ces évolutions ne sont que
le sommet apparent de l’iceberg de la politique étrangère
américaine, alors que la plus grande partie reste submergée sous
l’eau. Tony Blair, qui est toujours responsable du dossier du
règlement au sein du Quartette international, a déclaré
récemment que le président Obama avait un plan exhaustif pour le
règlement au Moyen-Orient, qui sera rendu public prochainement.
Tout ceci signale que le dossier a été ouvert
après les premiers 100 jours de son investiture, lorsqu’il a été
décidé effectivement que les visites et les concertations
auraient lieu de manière directe au niveau des leaders entre
l’Administration américaine d’une part et l’Egypte, Israël et
l’Autorité palestinienne de l’autre. Les prochains jours seront
témoins de visites des leaders de ces pays aux Etats-Unis,
ensuite une visite sera effectuée par le président américain en
Egypte, le mois prochain.
Si nous considérons cette évolution dans la
politique américaine, qui en est toujours à ses débuts, comme un
don du ciel, nous serons donc appelés à déployer un effort pour
en constituer un acquis. Sinon, dans le cas où on ne saisirait
pas l’occasion pour l’investir, elle partirait en fumée.
Probablement, nous devons tout d’abord
constituer une position arabe unifiée face à la position
israélienne qui a effectivement commencé à tenter d’influencer
la nouvelle politique américaine.
Les Arabes sont amenés maintenant plus que
jamais à avoir un dénominateur commun dans leur position pour
une tentative de règlement. A mon avis, l’existence de
l’initiative de paix arabe épargne l’effort dans la quête de ce
dénominateur commun. La question est la suivante : A-t-elle été
réexaminée pour nous assurer que les changements qui ont eu lieu
depuis qu’elle a été lancée, pour la première fois en 2006, ne
l’ont pas affectée ? Avons-nous parlé avec la nouvelle
Administration à propos de son contenu et des principes qui
l’ont régi pour que la position arabe soit claire à Washington ?
Avons-nous fait la propagande pour cette initiative, une
deuxième fois, dans les médias internationaux, afin de mobiliser
une opinion publique exerçant des pressions dans ce sens ?
L’éminent journaliste américain Thomas
Friedman a contribué pour que cette initiative voit le jour à
travers son étroite relation avec le régime saoudien qui l’avait
présentée. Ne serait-il pas bénéfique de l’encourager à assumer
sa responsabilité à ce niveau, vu la crédibilité qu’il a au sein
des cercles juifs, à l’intérieur comme à l’extérieur des
Etats-Unis ?
Mais pour parvenir à ce niveau d’action arabe
commun, ne devons-nous pas commencer par mettre de l’ordre dans
notre demeure ? Tant que la division palestinienne interne
persiste, toute initiative constructive dans le sens de la
solution finale à laquelle nous aspirons restera lettre morte.
Raison pour laquelle nous avons besoin, avant toute chose, d’une
initiative arabe consistant à unifier les rangs palestiniens et,
derrière eux, nos rangs panarabes. Sommes-nous capables d’aller
jusque-là ? Ou bien resterons-nous cloués à nos sièges, en
attendant qu’un don nous tombe du ciel, sans que l’on prenne la
peine de déployer l’effort nécessaire pour l’obtenir ?
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AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 13 mai 2009 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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