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Qui
peut sauver le Liban d’une guerre civile ?
Mohamad Al-Sayed Saïd
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Alors qu’une guerre civile acharnée est sur
le point de se déclencher en Iraq, le Liban est lui aussi au bord
du précipice. De nombreux facteurs poussent ce pays vers cette
situation d’affrontement entre communautés. Certains sont
nouveaux alors que d’autres sont plus anciens et sont dernièrement
réapparus. Le Liban vit une division confessionnelle.
D’ailleurs, les hommes politiques appellent l’équilibre
confessionnel au Liban « un équilibre de la catastrophe »,
c’est-à-dire que tout changement important mènerait à de
graves explosions. Les ingérences américaines et européennes
ont toujours été un facteur d’ébranlement de cet équilibre
libanais. De plus, la faiblesse des Arabes, leurs divergences
politiques et leur interaction compliquée avec les politiques
internationales ont facilité les choses à tous ceux qui ont
voulu exploiter le Liban pour des projets et des stratégies
politiques ayant pour objectif de déstabiliser la région.
De nombreux facteurs attisent actuellement le
feu des conflits confessionnels. Le plus important est
certainement la tentative de réaliser les objectifs politiques
qui n’ont pu être accomplis lors de la guerre israélo-américaine
contre le Hezbollah au Liban en juillet dernier. Saper le pouvoir
politique du Hezbollah et le désarmer par la force représentent
l’un des principaux objectifs des politiques américaine et israélienne.
Liquider politiquement et militairement le Hezbollah réalisera
l’un des objectifs de la politique américaine et israélienne.
Ce, dans le cas d’un scénario militaire qui viserait à mettre
un terme au dossier nucléaire iranien et à liquider le camp
radical dans tout le monde islamique.
De plus, le destin du Liban et notamment du
Hezbollah relève d’une importance capitale pour le destin de la
Palestine. En effet, l’encerclement du mouvement islamique dans
les territoires occupés et le renversement du Hamas nécessitent
l’anéantissement du Hezbollah, que ce soit en sa qualité de
modèle réussi de la résistance contre Israël ou de force de
soutien pour le Hamas. Sans oublier que ces deux mouvements sont
les deux principaux alliés de la Syrie et de l’Iran dans la région.
Le deuxième facteur qui n’en est pas moins
important est la tentative de la Syrie de rétablir son pouvoir au
Liban après l’avoir perdu à la suite du retrait de ses forces
en application de la résolution 1 595. C’est l’une des plus
importantes cartes pour Damas, que ce soit pour jouer un plus
grand rôle régional ou pour se défendre face aux pressions américaines
visant à renverser son régime. Il est clair que la Syrie estime
que le moment est devenu propice pour rétablir une partie de son
pouvoir au Liban. En effet, elle estime que le Hezbollah a réalisé
une victoire militaire qu’il est indispensable d’exploiter et
que l’hégémonie de la majorité parlementaire au Liban est
devenue insupportable étant donné le tribunal international sur
l’affaire de l’assassinat de Hariri et également la reprise
de relations quasi déclarée entre certaines forces de la majorité
libanaise d’une part, et Israël d’autre part.
Le principal indice de la proximité de la
guerre civile est que les différentes parties de la politique
libanaise, le Hezbollah, les forces nationales, les forces
islamistes et la coalition du 14 mars, adoptent des initiatives
agressives les unes contre les autres. En effet, au nom de la
souveraineté du Liban, la coalition du 14 mars revendique sérieusement
le désarmement du Hezbollah. Quant à ce dernier, il veut couper
court à toute politique ou position visant son désarmement, il
veut priver les Etats-Unis et Israël d’utiliser le Liban pour
encercler l’Iran et la Syrie et veut aussi traduire sa victoire
militaire au cours de la dernière guerre en un pouvoir politique
surtout qu’il a présenté de grands sacrifices. De plus, le
Hezbollah veut évidemment rétablir une partie de son poids et de
sa représentation politique dans les organismes d’Etat perdus
suite aux dernières élections et aussi après le retrait des
forces syriennes.
La guerre civile semble davantage probable si
les deux principaux adversaires visent à réaliser des objectifs
supplémentaires à travers des stratégies agressives.
Cependant, la guerre civile au Liban peut être
évitée contrairement au cas iraqien. Alors que les grands blocs
politiques entrent dans de larges affrontements, le citoyen
libanais veut s’en écarter au maximum. Les blocs politiques
s’empressent d’obtenir des armes et de s’entraîner, mais
les souvenirs amers de la guerre civile qui s’est prolongée de
1976 à 1990 ne peuvent être ignorés. De plus, toutes les
parties de la scène politique souffrent de faiblesse. En effet,
le Hezbollah est sorti affaibli de la dernière guerre et les
habitants du Sud-Liban et du sud de Beyrouth souffrent de
conditions déplorables qu’il n’est pas possible d’aggraver
par une guerre civile. Quant aux organisations chrétiennes, elles
se sont fortement épuisées en conséquence de leur défaite lors
de la guerre civile ainsi que durant la période du fort pouvoir
de la Syrie et du Hezbollah.
De plus, les forces chrétiennes sont divisées
entre elles. Quant au secteur sunnite qui se range sous l’emblème
de ce qu’on appelle le courant de l’avenir et la majorité
parlementaire, il n’a jamais représenté une grande force
militaire sur la scène libanaise et il peut tout perdre s’il
entre dans une guerre civile. Par ailleurs, la coalition du 14
mars ne peut risquer d’entrer dans une guerre civile de peur de
sortir perdante à cause de sa faiblesse militaire.
Plusieurs raisons poussent aussi les parties étrangères
à éviter la guerre civile. Les Etats-Unis et Israël craignent
de s’enliser dans un tel conflit d’autant plus que Washington
fait face à une véritable catastrophe en Iraq. Ces deux forces
craignent la défaite de leurs alliés dans la guerre civile. Ce
qui est tout à fait probable. Le fait qui ramènera la Syrie au
Liban ou qui obligera même les Etats-Unis à demander son
intervention comme ce fut le cas en 1976. Quant à la Syrie, elle
craint moins la guerre civile libanaise. Cependant, elle ne la préfère
pas pour des raisons similaires. Si elle perd la guerre ou si elle
favorise les conditions de l’ingérence internationale, elle se
trouvera dans des conditions plus difficiles car elle deviendra
complètement encerclée par des forces extérieures et régionales
hostiles et sans alliés sur la scène politique libanaise.
Avec toutes ces considérations, nous devons
nous souvenir que les guerres civiles n’éclatent pas pour des
causes raisonnables, mais généralement pour des causes que
refusent la raison et la logique. L’environnement psychique et
politique au Liban se détériore maintenant d’une manière qui
peut devenir incontrôlable. Ce qui signifie qu’il sera
difficile d’éviter la guerre civile au Liban si l’Egypte,
l’Arabie saoudite et les autres parties du régime arabe
n’interviennent pas pour trouver une résolution pacifique
rapide sur le conflit au Liban.
Les Libanais considèrent l’Egypte comme
l’unique force équilibrée car elle n’est ni l’allié, ni
le parrain d’aucune des parties du conflit.
Cependant, les Libanais déplorent l’absence
du rôle égyptien, et nombreux estiment même qu’il ne sera pas
efficace après 30 ans d’absence sur la scène politique
libanaise. Notre mission est donc de leur prouver que l’Egypte
est le seul pays arabe capable de sauver le Liban et de retracer
la réalité régionale .
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