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Al-Ahram Hebdo
L'Etat palestinien, une chimère ?
Abir Taleb

Photo Al-Ahram
Mercredi 6 mai 2009
Palestine.
A une dizaine de jours de la visite de
Netanyahu à Washington, les dirigeants israéliens donnent le ton
en excluant une solution durable qui inclut la création d’un
Etat palestinien. Les perspectives de
création d’un Etat palestinien s’éloignent de plus en plus au vu
des dernières déclarations des responsables israéliens. Ni le
premier ministre de droite, Benyamin Netanyahu, ni son chef de
la diplomatie, leader du parti d’extrême droite Israël Beitenu,
ni même le président Shimon Pérès, qui a été l’artisan des
accords d’Oslo et qui a longtemps soutenu l’idée d’une solution
de paix prévoyant un Etat palestinien indépendant coexistant en
paix avec Israël, n’ont dit un mot sur l’hypothétique Etat
palestinien.
Presque simultanément, les 3 responsables,
Pérès à Washington, Lieberman à Rome et Netanyahu à Tel-Aviv,
ont évoqué à leur manière le « processus de paix », sauf que la
paix y est, semble-t-il, absente ...
Pour le premier ministre Netanyahu, qui s’est
dit prêt, lundi, à ouvrir immédiatement des négociations de paix
avec les Palestiniens, il s’agit d’une approche « en trois
volets » — questions politiques, développement de l’économie
palestinienne et renforcement des forces de sécurité
palestiniennes, soit des négociations à son goût, qui excluent
totalement l’idée d’un Etat indépendant, pourtant considérée
comme la solution à terme dès le lancement du processus de paix.
Pour faire preuve de bonne volonté, ou plutôt
pour masquer sa mauvaise foi, Benyamin Netanyahu s’est disposé à
reprendre les négociations de paix « sans délai et sans
conditions préalables ». Et d’ajouter, et ce par téléphone
satellitaire dans le cadre de la conférence organisée par le
Comité des affaires publiques américano-israéliennes : « Le plus
tôt sera le mieux ». Sans conditions ? Cela semble chimérique
puisque dans le même discours, Netanyahu a dit attendre des
Palestiniens qu’ils reconnaissent Israël en tant qu’Etat juif.
Or, les Palestiniens reconnaissent Israël depuis la signature
des accords d’Oslo en septembre 1993. Et cet accord, qui avait
lancé le processus de paix, prévoyait des négociations par
étapes, la dernière incluant les questions les plus délicates,
dont les frontières, Jérusalem et les réfugiés. Et en insistant
sur la reconnaissance d’Israël en tant qu’« Etat juif »,
Netanyahu veut se débarrasser une fois pour toutes de la
question hautement délicate des réfugiés palestiniens qui ont
fui en 1948. Une telle reconnaissance permettrait aux Israéliens
d’empêcher leur retour, ce que redoutent les Palestiniens.
Dans le même temps, le nouveau chef de la
diplomatie israélienne, Avigdor Lieberman, a préféré mettre
l’accent sur ce qu’il considère le « danger iranien » plutôt que
sur les perspectives d’un Etat palestinien lundi à Rome,
première étape d’une tournée européenne qui inclut Paris, Prague
et Berlin. Rien de nouveau dans la position de Lieberman. Dès sa
prise de fonctions le 1er avril dernier, il a renié la promesse
faite en ce sens par l’ancien premier ministre Ehud Olmert en
novembre 2007 à la conférence d’Annapolis. A Rome, interrogé sur
ce point, Lieberman a argué qu’il était trop tôt pour un
gouvernement âgé de seulement cinq semaines pour « avoir tous
ses projets diplomatiques prêts (...). Nous avons l’intention de
prendre l’initiative et de ne pas perdre notre temps à des
déclarations et des slogans », réaffirmant toutefois que depuis
les accords d’Oslo, les rencontres et propositions de paix
n’avaient abouti à aucun résultat concret.
Même le président israélien Shimon Pérès, qui
a pourtant été l’un des artisans d’Oslo, a omis, lors d’une
visite à Washington, de parler d’Etat palestinien, se prononçant
vaguement pour la paix entre Israël et tous les Arabes. Même
s’il n’a qu’un rôle protocolaire, le président israélien se
rallie ainsi à la position du nouveau gouvernement.
« Wait and see »
Donc, rien de prometteur dans tout cela. Les
Palestiniens le savent, les membres de la communauté
internationale aussi. Les premiers, impuissants, reprochent à
Israël de ne pas s’engager à négocier sur les questions
primordiales que sont le statut de Jérusalem et les réfugiés
palestiniens, ni à rechercher une solution à deux Etats, selon
une déclaration du négociateur en chef, Saëb Eraqat. Le
président palestinien Mahmoud Abbass, lui, s’en remet à
Washington. Il a affirmé dimanche qu’il rappellerait à Barack
Obama que les conditions pour une reprise des négociations de
paix avec Israël sont l’approbation par l’Etat hébreu d’une
solution à deux Etats et l’arrêt de la colonisation. Mais avant
lui, c’est Netanyahu qui sera à Washington le 18 mai prochain.
En attendant, la communauté internationale
reste évasive. Si l’Union Européenne (UE) a pris l’initiative de
geler le renforcement des relations avec Israël, en attendant
que le nouveau gouvernement s’engage à œuvrer à la création d’un
Etat palestinien, elle attend toutefois la première rencontre
entre Netanyahu et le président Barack Obama pour savoir sur
quel pied danser avec le gouvernement conduit par le chef du
Likoud. Certes, le président américain s’est lui aussi engagé à
œuvrer pour une solution dans ce sens, mais depuis son arrivée
au pouvoir début 2009, rien de concret n’a été fait, bien qu’Obama
ait fait de la résolution du problème israélo-palestinien l’une
de ses hautes priorités en matière de politique étrangère. Et
les pressions américaines sur Tel-Aviv, que les Palestiniens
espéraient de la part de la nouvelle Administration américaine,
se font attendre.
Les Palestiniens devraient-ils alors se
tourner vers la Russie ? Moscou souhaite donner par
l’intermédiaire de l’Onu un nouvel élan au processus de paix à
l’occasion d’une réunion ministérielle du Conseil de sécurité
sur ce sujet le 11 mai, a affirmé lundi l’ambassadeur de Russie,
Vitaly Tchourkine. Là aussi, les espoirs sont minces. L’Histoire
nous a déjà montré que la Russie, même depuis l’époque de
l’URSS, n’a jamais rien fait de concret pour les Palestiniens,
sinon leur donner un soutien sans lendemain.
Droits de reproduction et de diffusion
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AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 7 mai 2009 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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