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Gaza

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Israël
extermine, le monde se tait
Rania Adel
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Palestine.
Après plusieurs tentatives pour se débarrasser du Hamas,
Israël a opté pour la manière forte, faisant un usage excessif
de la violence et ne faisant aucune distinction entre activistes
et civils.

Photo Al-Ahram
Mercredi 5 mars 2008
Les négociations
de paix entre l’Autorité palestinienne et Israël ne sont plus.
Le président palestinien Mahmoud Abbass a en effet décidé de
suspendre les pourparlers avec Tel-Aviv en réponse à
l’offensive en cours dans la bande de Gaza qui a entraîné la
mort de plus d’une centaine de Palestiniens, dont de nombreux
civils, en cinq jours.
Après avoir
proclamé dimanche jour de deuil national, M. Abbass a ordonné «
la suspension des négociations (...) jusqu’à l’arrêt de
l’agression (israélienne) », a déclaré un collaborateur du
président palestinien à Ramallah, en Cisjordanie. Dénonçant un
« holocauste », il n’est néanmoins pas allé jusqu’à
proclamer la rupture des négociations menées sous l’égide des
Etats-Unis et auxquelles le Hamas, qui a pris le contrôle de la
bande de Gaza en juin, est hostile. Saëb Eraqat, chef des négociateurs
palestiniens, a affirmé que les négociations de paix avec Israël
étaient, pour l’heure, « enterrées sous les maisons détruites
de Gaza ».
En brouille avec M.
Abbass, le Hamas a appelé à la formation d’un cabinet
d’union nationale d’urgence.
Côté israélien,
Arye Mekel, porte-parole de la ministre israélienne des Affaires
étrangères Tzipi Levni, qui conduit les négociations, a déclaré
que la décision des Palestiniens était « une erreur » et a
exprimé l’espoir que les discussions reprennent « dans un très
proche avenir ». Mais Israël est loin d’arrêter ses
incursions pour faire cesser les tirs de roquettes sur son
territoire qui ont provoqué la mort, mercredi dernier, d’un
habitant de Sderot, dans le sud du pays. Bien qu’accusé de
faire un usage excessif de la force, il a menacé d’intensifier
son offensive terrestre et aérienne. « Israël n’a pas
l’intention d’arrêter le combat contre les organisations
terroristes, ne serait-ce qu’une seule minute », a dit le
premier ministre Ehud Olmert lors du conseil des ministres. «
Cela ne se fera pas dans les deux jours, mais nous poursuivrons
nos activités de toutes nos forces et nous devons nous préparer
à l’escalade, parce que la grande opération terrestre est une
réalité tangible », a de son côté assuré le ministre de la Défense
Ehud Barak. M. Barak a avisé des pays amis qu’Israël préparait
une offensive contre les activistes palestiniens à Gaza et son
adjoint Matan Vilnaï a prévenu ces derniers qu’ils
s’exposaient à une « shoah » s’ils poursuivaient leurs tirs
de roquettes contre l’Etat hébreu.
Les agressions israéliennes
ont été dénoncées par presque toute la communauté
internationale. A New York, Ban Ki-moon, secrétaire général de
l’Onu, avait déploré un usage « excessif » de la force et réclamé
l’arrêt de l’offensive de Tsahal. Dans une déclaration adoptée
après cinq heures de débats, les membres du Conseil de sécurité
ont, quant à eux, exprimé leur profonde inquiétude au sujet des
pertes civiles et réclamé l’arrêt des violences. La Slovénie,
qui assure la présidence de l’Union européenne, a condamné
l’offensive israélienne jugée disproportionnée et contraire
au droit international. Un communiqué de la présidence réclame
aussi l’arrêt immédiat des tirs de roquettes. « La présidence
(européenne) rejette la punition collective de la population de
Gaza », dit notamment un communiqué publié peu avant le départ
précipité du porte-parole de la diplomatie européenne, Javier
Solana, pour Israël et la Cisjordanie.
Le
processus de paix menacé
Devant la dégradation
de la situation et les menaces pesant sur un processus relancé
sous l’égide du président George W. Bush, la Maison Blanche a
appelé dimanche à la fin des violences. La secrétaire d’Etat
américaine Condoleezza Rice, arrivée mardi dans la région, tâche
pour sa part d’arrêter un engrenage qui pourrait broyer les
nouvelles négociations de paix lancées en grande pompe à
Annapolis (Etats-Unis) fin novembre. Profitant de sa visite, des
voix se sont élevées pour demander à Mme Rice de s’impliquer
davantage dans les pourparlers de paix, comme celle du roi
Abdallah II de Jordanie. « Le temps presse et nous avons besoin
que les Etats-Unis soient complètement impliqués, qu’ils
influencent le cours des discussions, qu’ils surveillent les
progrès et qu’ils aident à réduire les divergences afin de
parvenir à un accord final avant fin 2008 », a-t-il déclaré
vendredi.
Mais les Etats-Unis
ont-ils vraiment l’intention de s’engager davantage ? Pour
Scott Lasensky, un expert du Proche-Orient à l’USIP (United
States Institute of Peace), la réponse est à la négative. «
Sur le terrain, nous apparaissons n’offrir aucune idée utile
pour résoudre le problème de Gaza. Et aux plus hauts niveaux, en
termes de diplomatie, nous ne sommes même pas dans la même pièce
», explique-t-il. Selon lui, « l’une des principales leçons
des négociations passées est qu’Israéliens et Palestiniens ne
peuvent pas être livrés à eux-mêmes, parce qu’il y a trop
d’asymétries de pouvoir. Ça ne fonctionne tout simplement pas
».
Les analystes
s’accordent sur le fait qu’aucune pression ne sera vraiment
exercée sur Israël pour qu’il arrête son opération « hiver
chaud ». Reste à savoir pour combien de temps durera cette
agression israélienne ? De nombreuses raisons conduisent à
penser que l’escalade actuelle entre Israël et le Hamas à Gaza
va perdurer. L’Etat hébreu poursuivant des objectifs politiques
à la fois à court et à long termes dans cette escalade.
Séparer Gaza de la
Cisjordanie, à la fois de facto et de jure, constitue l’élément
majeur de la stratégie unilatérale israélienne, qui avait débuté
avec l’évacuation de Gaza. Israël espère ainsi miner les
aspirations palestiniennes quant à la constitution d’un Etat
sur tous les territoires palestiniens occupés y compris en
Cisjordanie et à Jérusalem. Cet objectif était derrière le
blocus imposé dès l’accession au pouvoir du Hamas ; mais
lorsqu’une brèche a été ouverte sur la frontière avec
l’Egypte, la visée d’Israël a échoué, ce qui a contraint
les Israéliens à repenser les choses, d’où l’escalade
actuelle d’Israël sur Gaza. Mais le dilemme dans lequel se
retrouvera bientôt Israël, c’est que s’il veut écraser le
Hamas, le prix à payer sera une réoccupation complète de la
totalité de la bande de Gaza, ce dont Israël a déjà une longue
et amère expérience.
Droits de
reproduction et de diffusion réservés. © AL-AHRAM
Hebdo
Publié le 5 mars 2008
avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo

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