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La
quadrature du cercle
Ahmed Loutfi
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Conflit
arabo-israélien . L’heure
est-elle aux négociations à la suite de la relance d’un plan
de paix arabe qui, tout d’un coup, semble intéresser tout le
monde ? Ou s’agit-il plutôt d’une grosse affaire de relations
publiques ?
Photo Al-Ahram
Pourrissement
ou mûrissement de la crise ? Chaos constructif ou processus
logique et bien organisé ? Gestion de crise ? Des questions de méthode
que l’on a à l’esprit dès qu’il est sujet du conflit
arabo-israélien. Cela parce que depuis que ce problème existe,
c’est-à-dire depuis 1948, lorsque la Palestine fut usurpée (le
seul terme qui définit la réalité des choses), toutes sortes
d’approches ont été proposées qui ont figuré au cours de périodes
intermédiaires, celles séparant les guerres et les différents
choix de violence. On dirait un répit en attendant que les armes
dictent leur loi. Mais même finalement, il s’avère que ce
langage militaire est lui-même dans l’impasse. L’intervention
israélienne au Liban et son échec notoire, les différentes opérations
et interventions dans les territoires palestiniens, le blocus, une
guerre plus cruelle encore, tout cela n’a fait qu’attiser le
feu.
Et
voilà que subitement on a décidé de chercher dans les vieux
dossiers une formule qui pourrait meubler ce vide. Et ce fut
l’initiative arabe de paix décidée lors du sommet arabe de
Beyrouth de 2002 et que l’on croyait avoir fait long feu. A l’époque,
Israël et les Etats-Unis l’avaient dédaignée, au vrai sens du
terme. En plein sommet arabe, Ariel Sharon oppose une fin de
non-recevoir à l’offre arabe. Celle-ci prévoit la
normalisation des relations avec Israël en échange de son
retrait total des territoires arabes occupés depuis 1967, la création
d’un Etat palestinien et le règlement de la question des réfugiés
palestiniens.
Difficile
de déterminer pourquoi ce retour à une proposition qui, certes,
n’a jamais été abandonnée ? Une inspiration occidentale ? Une
sorte de promesse aux Arabes de faire un pas en direction d’un
Israël qui donne des apparences d’un certain essoufflement ?
De
toute façon, lors de leur sommet de Riyad, les dirigeants arabes
ont adopté une résolution qui relance ce plan. La réaction israélienne
n’a pas manqué d’être la même qu’en 2002 mais avec une
certaine nuance. Tel-Aviv a dit non à moins qu’il n’ait son
mot à dire sur le contenu du plan. Et Shimon Pérès, le numéro
2 du gouvernement israélien que l’on qualifie de « colombe »,
de lancer qu’il n’était toujours pas question pour Israël
d’accepter cette initiative dans sa forme actuelle, car « des négociations
n’auraient (alors) plus de raison d’être ». Les Arabes aussi
ont tenté de ménager la chèvre et le chou. « La réponse israélienne
à l’initiative a été très négative », a dit le ministre égyptien
des Affaires étrangères, Ahmad Aboul-Gheit. Mais de
s’empresser d’ajouter : « Nous ne considérons pas la réponse
israélienne comme définitive ».
Les
propos de M. Pérès et la réponse de M. Aboul-Gheit confirment
l’affrontement de deux logiques sans pour autant dédaigner une
possibilité de percée. D’un côté, les leaders arabes
estiment qu’Israël doit accepter l’initiative dans son intégralité
avant d’en négocier ensuite les modalités. « Nous leur
disons, acceptez-la d’abord, puis venez à la table de négociations
afin que l’on puisse parvenir à un règlement juste et
acceptable pour tous et conforme à la loi internationale, aux résolutions
du Conseil de sécurité et au principe de la terre contre la paix
», a ainsi déclaré le secrétaire général de la Ligue arabe,
Amr Moussa, lors de la session d’ouverture du sommet.
Si
un chercheur comme Saïd Okacha, spécialiste des affaires israéliennes,
minimise la portée de ce plan arabe et même des réactions israéliennes,
c’est qu’il considère qu’il s’agit d’une simple « opération
de relations publiques ». Il y aurait un hiatus considérable
entre de telles propositions et la réalité des faits. Parce
qu’au cœur de ce plan se trouve la question cruciale des réfugiés
palestiniens. Elle vient d’ailleurs rappeler que le conflit
arabo-israélien ne se limite pas à des seules données stratégiques
mais a pour base tout un peuple, dont une grande partie vit dans
l’exil. Les Israéliens refusent d’accepter un texte qui prévoit
notamment « un règlement équitable et agréé du problème des
réfugiés palestiniens conformément à la résolution 194 de
l’Assemblée générale de l’Onu ». Israël souhaite également
des modifications concernant les clauses du plan relatives aux
frontières du futur Etat palestinien. Comme le souligne Okacha,
une solution prévoyant le « retour de quelque 3 millions de réfugiés
mettrait fin à la majorité juive dans l’Etat d’Israël »,
ce que Tel-Aviv ne veut accepter.
Toute
la problématique concrète de la question est donc là. Et si
l’Etat hébreu ne peut admettre le principe du retour des réfugiés,
le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbass,
n’est non plus en mesure, lui, de « brader le droit au retour
» comme l’indique Okacha.
Si
la situation est telle, peut-on cependant expliquer le regain
d’intérêt pour le plan arabe de paix ? « Les Etats arabes
doivent s’ouvrir envers Israël afin de montrer à Israël
qu’ils ont accepté sa place au Proche-Orient », a déclaré la
secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice. Amener les
Arabes, en tant que bloc, à négocier avec Israël sur la base
d’un plan, même si celui-ci, dans sa totalité, ne répond pas
aux exigences de son allié israélien, serait un acquis pour un
Washington embourbé en Iraq et en difficulté avec l’Iran sur
le nucléaire.
Toute
relance du processus de paix a, en effet, été liée à une
quelconque guerre américaine dans la région. Oslo, qui a ouvert
la porte aux premières négociations israélo-palestiniennes, est
né dans la foulée de la guerre contre l’Iraq après son
invasion du Koweït. La Feuille de route était le fruit de la
deuxième guerre contre Bagdad. L’activité actuelle serait-elle
en prélude à une troisième guerre, cette fois-ci contre l’Iran
? Beaucoup d’indices le démontrent, surtout que les Américains
demandent d’« activer » l’offre arabe. Les Arabes croient ou
veulent croire à cette activation de la diplomatie après une
activation de leur plan. La déléguée générale de la Palestine
auprès de l’UE, Leïla Shahid, a ainsi affirmé qu’il « faut
se féliciter du retour d’une diplomatie arabe qui a été
pratiquement neutralisée depuis le 11 septembre 2001 ». Cette
initiative a été d’ailleurs incluse dans la Feuille de route
du Quartette. (lire page 5).
Négocier
donc pour négocier ? Ou mettre l’accent sur un règlement
pratique du problème des réfugiés ? Les Palestiniens ont
toujours exigé qu’Israël reconnaisse un droit au retour des réfugiés,
tout en affirmant qu’une fois ce principe reconnu, les modalités
d’application seraient négociées.
Le
sort des réfugiés palestiniens, poussés à l’exode lors de la
création d’Israël en 1948, et de leurs descendants, soit plus
de quatre millions de personnes au total, est un élément-clé de
la cause palestinienne (Lire reportages). Mais l’Etat hébreu
refuse d’entendre parler de leur retour. Certains Israéliens
voient dans l’acceptation même du principe, même s’il
s’agit de compensations financières, une remise en cause de la
légitimité de l’Etat hébreu. C’est comme si cet Israël né
dans la violence et le sang a existé ex cathedra.
Et
plus est, Israël rejette tous les autres éléments de
l’initiative arabe, notamment le fait d’accepter la création
d’un Etat palestinien souverain sur les territoires palestiniens
occupés depuis 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale. Tout
compte fait, c’est la sempiternelle attitude d’Israël qui
accepte de manière biaisée les résolutions internationales et
les accords, puis remet leur application aux calendes grecques
avant de conclure qu’ils sont devenus caducs et qu’il faut renégocier
sur d’autres principes. Un oui ou un non mais, c’est toujours
la réaction israélienne.
Pourquoi
donc ce regain d’intérêt général pour l’initiative arabe
si rien n’a changé ? Meubler un vide — la nature a horreur du
vide. Occuper les protagonistes, surtout arabes, en proie à
toutes sortes de difficultés internes à l’heure des grands
choix américains dans la région ? Et pour Israël, donner de
l’éclat à un Olmert en perte de vitesse ?
«
Si le roi saoudien initiait une réunion avec les pays arabes modérés
et m’invitait, avec le chef de l’Autorité palestinienne, pour
nous présenter les idées saoudiennes, nous viendrions pour les
écouter et serions heureux de présenter les nôtres », a affirmé
Olmert. Réaction : « M. Olmert est en si mauvaise posture sur la
scène politique intérieure qu’une telle invitation lui
redonnerait un peu de couleurs », a ironisé le commentateur de
la très influente radio militaire. Qu’espérer donc pour une
relance du processus de paix ? Sans doute rien avec cet adage
toujours à propos : « Plus ça change, plus c’est la même
chose ».
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