|
Al-Ahram Hebdo
L'union introuvable
Abir Taleb

Photo Al-Ahram
Mercredi 4 février 2009
Palestine.
Le Fatah et le Hamas se sont lancés dans
des critiques et des accusations mutuelles qui éloignent
l’espoir d’une réconciliation prochaine, malgré l’offensive
israélienne sur Gaza.
L’on s’attendait, peut-être avec
un peu trop d’optimisme, à ce que l’offensive meurtrière sur le
peuple palestinien de Gaza unisse, ou du moins rapproche, les
vues politiques. Loin de là, hélas. Les dirigeants palestiniens
semblent plus divisés que jamais. Tel est le plus triste des
constats à la suite de l’offensive israélienne, qui a fait plus
de 1 300 morts et causé d’énormes destructions dans un
territoire pauvre et asphyxié par des mois de blocus.
Deux semaines en effet après la
fin de l’opération militaire, et au moment où les termes de la
trêve sont encore en discussion, le ton est gravement monté
entre le Hamas et le Fatah. Lundi, le Hamas a réclamé « une
restructuration immédiate » de l’Organisation de Libération de
la Palestine (OLP), cette organisation historique qui a lancé la
lutte palestinienne. C’est Oussama
Hamdane, représentant du Hamas à
Beyrouth, qui l’a déclaré à l’AFP, appelant à une intégration à
l’OLP du Hamas et du Djihad islamique et accusant le président
palestinien, Mahmoud Abbas, d’entraver un accord de 2005 qui
aurait permis l’intégration des islamistes au sein de l’OLP.
Selon Hamdane, cet accord «
prévoyait la mise en place d’un comité sous la présidence de
(Mahmoud) Abbas pour décider de la restructuration de l’OLP,
mais il a refusé de convoquer une seule réunion de ce comité et
c’est lui qui a entravé » le processus.
Une déclaration qui intervient au
lendemain d’une menace lancée par le président palestinien à
partir du Caire, où il a affirmé qu’aucun dialogue sur la
réconciliation inter-palestinienne
n’aurait lieu « avec ceux qui ne reconnaissent pas l’OLP ». «
Ils doivent reconnaître (...) que l’organisation est le seul
représentant légitime du peuple palestinien et après cela, (il
pourra y avoir) dialogue ».
Mahmoud Abbas faisait allusion à
l’appel lancé, la semaine passée, par le chef du bureau
politique en exil du Hamas, Khaled Mechaal,
en faveur d’une nouvelle structure représentant « le peuple
palestinien à l’intérieur et dans la diaspora ».
Mechaal avait fait part de son
intention de mettre en place avec d’autres factions radicales
une nouvelle structure représentant les Palestiniens à la place
de l’OLP. Cette centrale, dirigée par le président Abbas,
également chef du Fatah, le rival du Hamas, regroupe les
principaux mouvements nationalistes palestiniens et chapeaute
l’Autorité palestinienne, mais le Hamas n’en fait pas partie. «
Le Hamas doit revenir sur cette déclaration faite par Khaled
Mechaal », a aussi insisté M. Abbas. Réponse du Hamas : « Cela
signifie qu’il ne veut pas que ce dialogue réussisse », a dit
Oussama Hamdane. M. Abbas a également affirmé que l’ouverture
permanente du terminal de Rafah devait intervenir après une
réconciliation entre Palestiniens et aux termes de l’accord de
2005, selon lequel des représentants de l’Autorité et des
observateurs européens doivent être présents à ce point de
passage entre l’Egypte et la bande de Gaza. Le Hamas, lui, veut
un accord de trêve, la levée du blocus israélien imposé à Gaza
et la réouverture des points de passage avant d’entamer un
processus de réconciliation.
Rivalité entre deux axes
régionaux
Mahmoud Abbas s’en est ainsi
violemment pris au Hamas, l’accusant, sans le nommer, d’avoir
joué avec la vie et l’avenir des Palestiniens et d’avoir servi
des intérêts étrangers. « Ces gens ont risqué la vie du peuple
(...), le sang du peuple, la destinée du peuple, le rêve et
l’espoir du peuple d’établir un Etat palestinien indépendant »,
a martelé M. Abbas qui, bien qu’il ne contrôle plus que la
Cisjordanie, demeure le principal interlocuteur de la communauté
internationale. « Et pourquoi ? En toute franchise, à cause
d’agendas qui ne sont pas palestiniens ». Le mot a été donc
lancé. Le président palestinien fait ainsi du différend interne
une question régionale.
Certains experts en effet
estiment qu’une réconciliation entre Mahmoud Abbas et le Hamas
se heurte à la rivalité, attisée par la récente guerre à Gaza,
entre deux axes régionaux : Iran-Syrie d’un côté, Arabie
saoudite et Egypte de l’autre. Après l’offensive israélienne, le
Hamas a proclamé une « victoire » qu’il entend mettre à profit
pour obtenir une légitimité de son pouvoir dans le territoire,
acquis après en avoir délogé le Fatah de M. Abbas lors d’un coup
de force en 2007. Le Hamas, majoritaire au Parlement, est
soutenu par la Syrie, siège du bureau politique du mouvement, et
l’Iran, deux bêtes noires de Washington. M. Abbas bénéficie,
lui, de l’appui de l’Egypte et de l’Arabie saoudite, les
puissances régionales alliées des Etats-Unis. Quant au Qatar,
qui abrite une base militaire américaine et un bureau d’intérêt
israélien, il s’est paradoxalement rangé du côté de l’axe
Téhéran-Damas. « La région est devenue tellement polarisée et
cela rend toute réconciliation (interpalestinienne) extrêmement
difficile à réaliser », souligne Nicolas Pelham, analyste à
l’International Crisis Group, cité par l’AFP. « Toutes les
parties se sont emparées de la question de Gaza, devenue un
point focal accentuant la polarisation. Un énorme jeu se déroule
dans la région » et entrave toute entente palestinienne,
ajoute-t-il.
A la veille de sa diatribe contre
l’OLP en effet, M. Mechaal et d’autres chefs de factions
palestiniennes ont été reçus par le président syrien Bachar Al-Assad,
qui les a exhortés à « exploiter politiquement la victoire de
Gaza ». Le porte-parole du Fatah, Ahmad Abdelrahmane, a
immédiatement réagi, dénonçant, sans citer la Syrie nommément,
une « basse interférence dans les affaires nationales
palestiniennes » et appelé « ceux qui complotent contre nous
dans telle ou telle capitale à retrousser les manches et à
résister pour libérer leur terre », une allusion au plateau du
Golan conquis par Israël à la Syrie.
Des jeux internes et régionaux
complexes, des divisions dangereuses qui font finalement le jeu
d’Israël. L’absence d’une direction palestinienne unifiée lui
donne un prétexte pour ne rien céder dans les négociations de
paix et durcir sa position de plus en plus, au moment où la
droite s’apprête à revenir au pouvoir en Israël.
Droits de reproduction et de diffusion
réservés. ©
AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 6 février 2009 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
 |