Al-Ahram Hebdo
« Il est
inacceptable que le quartier général de l'Onu
à Gaza ait été frappé »
Le commissaire européen Louis Michel
Mercredi 4 février 2009
Louis
Michel, le
commissaire européen chargé de l’aide humanitaire et du
développement, appelle au respect du droit humanitaire
international à Gaza pour la survie d'une population de 1,5
million de personnes, incapable de satisfaire ses besoins
essentiels après les bombardements israéliens.
Al-Ahram Hebdo : Vous avez
récemment effectué une visite dans la bande de Gaza. Quelle est
votre évaluation de la situation là-bas après les bombardements
israéliens ?
Louis Michel :
La population civile de Gaza a fait face à une souffrance
terrible et sans précédent au cours des semaines passées, et
l'aide humanitaire est à présent, davantage qu'avant,
essentielle à leur survie. Les Palestiniens n’ont pas encore un
accès suffisant aux aides humanitaires. Les camions d’aides
humanitaires doivent passer par des checkpoints qui ne sont pas
toujours ouverts. 220 camions par jour peuvent rentrer dans la
bande de Gaza, tandis que les civils auraient besoin de 500
camions par jour pour couvrir leurs besoins humanitaires.
-
L’Union Européenne (UE) a appelé à la réouverture de tous les
points de passage pour faciliter l’accès de l'aide humanitaire.
Pourquoi Israël ne procède-t-il pas à leur ouverture permanente
?
-
Je n’ai pas de réponse à cette question. C’est à Israël d'y
répondre. On comprend qu’il y a des inquiétudes sécuritaires de
la part des Israéliens. C’est un processus administratif. Selon
la loi humanitaire internationale, les autorités israéliennes
sont obligées d’ouvrir les points de passage pour la livraison
des aides. Il faut que les agences internationales d’aides comme
la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge trouvent un accès libre.
-
Vous avez annoncé 58 millions d’euros pour porter secours aux
Palestiniens. Quel est le plan de financement de cette aide ?
-
Le Plan global 2009 attribue en effet 58 millions d'euros pour
venir en aide aux populations palestiniennes. 32 millions seront
affectés en réponse à la situation humanitaire dramatique à
Gaza, 20 millions seront consacrés à l'aide en Cisjordanie et 6
millions seront destinés aux réfugiés palestiniens au Liban. Le
financement sera utilisé pour fournir une aide de première
nécessité comme l'approvisionnement en nourriture et en eau,
l'assainissement, la reconstruction des abris et la mise en
circulation d'argent liquide pour rétribuer le travail, la santé
et les soutiens psychologiques. Une évaluation complète des
conséquences humanitaires et des dommages causés par l'opération
militaire doit toujours être réalisée. Les besoins en aide de
secours devraient être énormes. Les activités mises en œuvre
dans la bande de Gaza feront partie d'un rapide plan de
rétablissement qui succédera à une évaluation coordonnée des
besoins avec les donateurs multilatéraux et internationaux.
En outre, la crise humanitaire en
Cisjordanie se prolonge dans un contexte de fragmentation et
d'isolement croissants. La dépendance croissante envers l'aide
internationale et la détérioration ininterrompue de la situation
socioéconomique de la population palestinienne contribuent
sensiblement à la complexité de cette crise prolongée. La
situation humanitaire de plus de 400 000 réfugiés palestiniens
au Liban continue également à être une préoccupation majeure.
En 2008, la Commission européenne
a octroyé une aide humanitaire de plus de 73 millions d’euros
aux victimes de la crise sévissant dans les territoires
palestiniens, 56 % de cette somme a été consacrée à des
activités d’assistance dans la bande de Gaza.
Lors de cette dernière guerre, la
Commission a mobilisé 10,4 millions d’euros supplémentaires au
titre de l’aide humanitaire afin d’apporter une réponse directe
à l’aggravation de la crise humanitaire dans ce territoire
palestinien.
-
L’Egypte a des frontières communes avec Gaza. Quel est son rôle
dans la livraison des aides aux territoires occupés ?
-
L’Egypte est un partenaire très important pour la région et
l’UE. Nous soutenons tous les efforts de l’Egypte pour assister
la population civile palestinienne.
-
Vous avez exclu tout dialogue avec le Hamas qui s'en prend aux
innocents, alors que 1 300 Palestiniens innocents ont été tués
par l’armée israélienne à Gaza. Pourquoi personne n’exclut le
dialogue avec Israël ?
-
C’est une question très politique et je veux rester sur la
question humanitaire. Car moi, en tant que commissaire européen,
j’exprime la situation de l’UE. Il s’agit d’une politique
commune qui rassemble tous les 27 Etats membres de l’UE. Ce qui
n’est pas nécessairement le point de vue d’un pays européen à
part. Le mouvement Hamas est inscrit sur la liste européenne des
organisations terroristes. Et l’UE n’entretient pas de dialogue
avec ce mouvement. Je ne suis pas pro-israélien, ni
pro-palestinien, je suis plutôt pro-paix et pour aider une
société civile palestinienne, surtout les enfants et les femmes.
-
Soutenez-vous une enquête internationale sur les crimes de
guerre et les violations du droit humanitaire international à
Gaza ?
-
Nous condamnons publiquement et de façon claire toute violation
du droit humanitaire international. Nous soutenons une enquête
de transparence, les rôles appropriés de toute enquête
internationale légitime. Mais nous n'avons pas d'expertise
judiciaire.
-
Israël a, une fois de plus, bombardé des infrastructures
financées par la communauté internationale et l’UE. Cela ne
peut-il pas être évité ?
-
Depuis le début des combats, j'ai fortement appelé toutes les
parties à respecter le droit humanitaire international. Il est
inacceptable que le quartier général de l'Onu à Gaza ait été
frappé par des tirs de l'artillerie israélienne. La Commission
européenne est le principal bailleur de fonds de l’UNRWA (Office
de secours et de travaux des Nations-Unies pour les réfugiés de
Palestine au Proche-Orient), sa contribution s’est élevée à 113
millions d’euros en 2008. Alors, la sécurité de l'UNRWA et de
son personnel doit être garantie pour leur permettre de
poursuivre leur travail, qui est essentiel, et de fournir à la
population de Gaza une aide indispensable. Il s'agit là d'un
incident très sérieux nécessitant une enquête complète et
indépendante.
Propos recueillis par Dina
Ibrahim
Droits de reproduction et de diffusion
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AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 4 février 2009 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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