Opinion
Le «printemps»
qu'ils n'attendaient pas
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Dimanche 30 octobre
2011
C'est fait,
on peut regarder ailleurs. J'écrivais,
ici même, le 7 juin passé que le
scénario le plus vivace pour la Tunisie
était «qu'il y aura bien un vote
démocratique et de vrais élus, comme
prévu et comme demandé par les
insurgés». Parce qu'il n'y a aucun
danger à ce que cela se fasse pour que
l'ordre international en vigueur soit
offusqué…Comme tous les indicateurs
prévoient que ce sera Ennahdha qui en
aura le bénéfice et que ce parti n'a
aucune intention programmatique hostile
aux directives de la finance
internationale, la boucle est bouclée
sans risque. «Eh bien, c'est au-delà de
ce pronostic que le parti victorieux
veut aller. Il va faire mieux que prévu
et nous aider à comprendre pourquoi Béji
Caïd Essebsi se comportait comme s'il
n'était pas un Premier ministre
provisoire. On se rappelle que, durant
tout son mandat, il engageait le pays
pour des années et que les instances
internationales et les pays qui comptent
n'avaient aucune réticence à le traiter
en tant que représentant pérenne du
nouvel «ordre révolutionnaire tunisien».
Désormais, on a l'explication, il était
prévu depuis le début que rien ne
changerait, sauf le maquillage
idéologique du système. Ennahda propose
Béji Caïd Essebsi à la magistrature
suprême. Une façon de faire un
pied-de-nez à ceux qui s'échine à
dissoudre l'islamisme dans la démocratie
de leurs lubies. L'islamisme étant,
depuis longtemps et peut-être dès son
apparition, un rouage essentiel de la "
démocratie " voulue pour les Arabes et
assimilés. L'important sera de garantir
un bon «climat des affaires» et un
environnement politique qui ne gênera
pas, entre autres, les entreprises
délocalisées qui viendront à la
recherche d'une main d'œuvre moins
regardante sur le contenu de sa fiche de
paye. Les laïcs et tous ceux qui sont
jaloux de leurs libertés coupables
en pays musulmans, ne pèsent pas lourd
dans le contexte. Chez les maîtres du
monde, qui viennent d'installer la
Charia à coups de bombes en Libye, on
déclare comprendre que la " démocratie "
au sens occidental n'est pas tout à fait
ce qu'il faut et, pour la forme, ils
ajoutent qu'ils seront quand même
vigilants . Pour finir, force est de
constater la prostration des
démocrates de nos contrées qui sont
tétanisés, c'est le moins qu'on puisse
dire, devant cette issue qu'ils étaient
loin de prévoir, quand ils
applaudissaient aux frappes de l'OTAN ou
à ses remontrances contre leurs
régimes . Victimes de leurs propres
fantasmes. Les malheureux croyaient dur
comme fer qu'une intervention
salvatrice de l'Occident leur
offrirait le pouvoir et les aiderait à
combattre l'obscurantisme . Ils
ont en eu pour leur cécité politique. On
les voit, encore, se parer du triomphe
du CNT et parader contre les hésitations
de l'Algérie à se coucher devant lui. Là
aussi on doit s'attendre à de profondes
ruptures épistémologiques qui prendront
du temps à se manifester. L'habitude des
raccourcis et des prêts à penser sera
dure à perdre et la construction de
nouveaux angles d'attaques encore plus
difficile à réaliser. Preuve en est la
réponse d'El Watan à l'indignation de
l'historien Daho Djerbal concernant le
traitement par ce quotidien du lynchage
de Mouammar Kadhafi par les hordes du
CNT. Les rédacteurs n'ont rien trouvé
d'autre que de stigmatiser
l'anti-impérialisme de l'indigné, quand
il s'agissait de justifier leur
prétention affichée d'être des
«étendards de la démocratie» alors
qu'ils ont jubilé devant l'atroce
supplice infligé à un homme désarmé.
Article publié sur
Les Débats
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