Opinion
Exit le
«printemps», vive l'Islamisme
Ahmed
Halfaoui

© Ahmed
Halfaoui
Mardi 29 novembre
2011
Les médias
quasi unanimes font, petit à petit,
l'impasse sur le «printemps» pour vendre
leur nouvelle perspective : l'Islamisme.
Après la Libye, la Tunisie et
l'hypothèse égyptienne et ses Frères
musulmans, voici le Maroc qui viendrait
confirmer leur génie analytique.
L'Algérie devrait, bien sûr, suivre. A
la base il y a ce racisme vis-à-vis de
cette masse «arabe» qui ne doit obéir
qu'à des tropismes simples. Tant pis si
tout le monde s'est trompé sur le
«printemps», on remet ça avec les
islamistes. Pourtant, en Libye personne
n'a voté pour eux en dehors des
bombardiers d'Anders Rasmussen et, en
Tunisie, plus de 64% d'électeurs n'ont
voté pour personne. Quant à l'Egypte, on
ne croit pas trop que les Frères aient
encore beaucoup de place dans le cœur
des Egyptiens, à la suite de leur
alignement avec le Conseil Supérieur des
Forces Armées (CSFA) et la grande
bourgeoisie. Pour le Maroc c'est encore
plus loin de la vérité et pour que
l'Algérie suive, il faudrait qu'on nous
explique pourquoi les Algériens ne
voteraient pas autrement, quand on nous
disait qu'ils réclamaient la
«démocratie». Il nous faut, maintenant,
revenir au Maroc, de sorte à mesurer
l'incurie d'une presse qui ne fait plus
que dans le fast-food. Le Parti pour la
Justice et le Développement (PJD) aurait
pris le pouvoir. On croit rêver.
Heureusement que Mohammed VI et son
Makhzen sont plus intelligents que la
catharsis médiatique, sinon leur panique
serait telle qu'on le saurait, parce que
M6 se serait mis à douter de sa
Constitution qui, comme on le sait, ne
laisse rien au hasard et rien comme
pouvoir à quiconque en dehors de la
discrétion de Sa Majesté. Ce que cache
l'euphorie générale c'est que le PJD ne
dispose d'aucune prérogative que de
servir le Roi, «Chef de l'Etat, son
Représentant suprême, Symbole de l'unité
de la Nation, Garant de la pérennité et
de la continuité de l'Etat et Arbitre
suprême entre ses institutions». Un roi
qui «nomme le Chef du gouvernement», qui
«nomme les membres du gouvernement» et
qui peut, à Son initiative, «mettre fin
aux fonctions d'un ou de plusieurs
membres du gouvernement». Le Chef du
gouvernement, lui, aura le privilège
d'être informé («consulté» en langage
poli) et pourra «demander au Roi de
mettre fin aux fonctions d'un ou de
plusieurs membres du gouvernement» (les
majuscules honorifiques sont dans le
texte de la Constitution). C'est cela
que nos «analystes» appellent une prise
de pouvoir. Le PJD sait de quoi il en
retourne et n'en fait pas trop, il va
même jusqu'à devancer l'appel en
déclarant à tout va que «le Maroc
(étant) un pays ouvert sur le monde… une
interdiction de l'alcool serait
contradictoire avec cette ouverture et
inutile», que «si les Marocains veulent
tous un partage équitable de l'héritage
par un référendum, le PJD ne pourra
qu'accepter aussi», qu'on ne peut pas
autoriser ce qui est interdit par le
Coran, MAIS on pourrait (trouver) des
équilibres dans les domaines de
l'alcool, la peine de mort,
l'homosexualité etc., que «l'avortement
d'autre part peut être autorisé» en
exigeant juste que «des conditions
doivent être fixées par la loi, quand la
vie de la mère et en danger par
exemple». Les raisons de ces reculades,
hormis la soumission au souverain,
doivent aussi être recherchées dans
l'émancipation sociale que connaissent
un grand nombre de politiques
«islamistes», consécutives à la distance
qu'ils prennent de plus en plus avec la
base populaire.
Article publié sur
Les Débats
Copyright © 2001-2011- MAHMOUDI INFO
Sarl - Tous droits réservés.
Reçu de l'auteur pour publication
Les analyses d'Ahmed Halfaoui
Les dernières mises à jour

|