Opinion
Egypte : résidus
de propagande et révolution
Ahmed Halfaoui

© Ahmed
Halfaoui
Dimanche 28 juillet 2013
La machine médiatique atlantiste,
quoique fortement ébranlée dans ces
certitudes printanières, n’en continue
pas moins d’espérer que son cauchemar va
se dissiper. Les deux peuples, Tunisien
et Egyptien, qui ont fait mouvement sans
des « amis » constitués et sans
« représentants légitimes » désignés par
la « communauté internationale » sous
parrainage déclaré de Washington,
devaient rassurer en soumettant leur
destinée aux Frères musulmans. Un temps
la chose semblait fonctionner et
l’humeur atlantiste était au beau fixe.
Et voilà que rien ne va plus. Le peuple
Egyptien refait mouvement et oblige
l’armée à démettre le président élu des
Frères et exprime son hostilité à la
connexion de ces derniers avec les
Etats-Unis. En réponse les Frères sont
ouvertement encouragés à ne pas se
laisser faire. Ce qu’ils vont faire
durant plus de trois semaines, seuls sur
la scène pour clamer la « légitimité »
bafouée et le « projet islamiste »
bloqué. Peu importe à ce propos le
déterminant, le peuple égyptien par
dizaines de millions reprend la rue, à
l’appel de l’armée, pour réitérer sa
volonté de se débarrasser du pouvoir de
la Confrérie. L’Egypte renoue avec
l’expression populaire qui ramène la
contesta frériste à sa marginalité
première. Les données en termes de
rapport de nombre de manifestants ne
laissent aucun doute sur le caractère
dérisoire de la « légitimité »
revendiquée. Ce n’est pas ce que veut
voir et faire voir la presse de l’OTAN
qui ne démord pas de nier la réalité. Le
Figaro titre : « Deux Égypte
manifestent l'une contre l'autre »,
Le Monde à l’unisson nuance à peine le
message concerté : « Egypte : les
deux camps rivaux manifestent », le
Parisien ne déroge pas non plus : « Egypte
: les deux camps mobilisent… »
et ainsi de suite. Au mépris de la
gigantesque disproportion des forces en
présence que de très rares publications
osent présenter, à l’instar du Washington Post qui rapporte une
demi-vérité : « Morsi’s supporters
also showed no signs of backing down,
though they turned out in vastly smaller
numbers ». Le journal tente juste de
justifier l’écart des effectifs par le
non déplacement des Frères. Pourtant,
les enjeux se situent bien au-delà de
ces pitoyables et désespérées
manipulations qui ne trompent que leurs
auteurs. Le peuple d’Egypte est en train
d’écrire une nouvelle période de son
histoire et, ce faisant, celle de la
région et probablement celle d’une
refondation des rapports de forces
internationaux. Ce peuple qui, le
premier, vient d’adresser un message
écrit, du lieu de son irruption sur la
scène politique, à l’ambassadrice
étatsunienne pour lui signifier de s’en
tenir à sa mission et la menacer
d’expulsion au cas où il lui viendrait à
l’esprit de se mêler des affaires qui ne
concernent que les Egyptiens. Ce peuple
doit aussi résoudre une problématique
complexe, éviter de retomber sous une
version, même édulcorée, de la dictature
qu’il a abattue. Pour le moment, la
confusion semble être la règle. Il ne
trouve à portée d’imagination que le
souvenir de Gamel Abdenasser, dont il
propose le modèle au général Abdel
Fattah Al Sissi. Soit un message
alternatif au vide politique pour un
retour au nationalisme populiste, au
moins attentif à la souffrance
populaire.
Article publié sur
Les Débats
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