Opinion
L'Histoire
codifiée
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Samedi 28 janvier
2012
Il y a cinq
ans, dix-neuf historiens ont demandé
l'abrogation de textes de loi jugés
«indignes d'un régime démocratique»,
visant la loi du 23 février 2005
(article 4 : «rôle positif» de la
colonisation), la loi du 13 juillet 1990
(loi Gayssot, réprimant la négation de
crimes contre l'humanité), celle du 29
janvier 2001 (reconnaissance du génocide
arménien) et celle du 21 mai 2001
(reconnaissance de l'esclavage et de la
traite des Noirs comme crimes contre
l'humanité). Seul le «rôle positif» de
la colonisation a été retiré. Le pouvoir
français récidive et met en place une
loi similaire à la loi Gayssot, pour la
tragédie arménienne. Mais rien
n'occultera jamais que le développement
du capitalisme s'est produit sur les
cadavres, la peine et la paupérisation
de centaines de millions de natifs
américains, d'Asiatiques et d'Africains.
Rien ne fera jamais que soit oubliée
l'horreur vécue par des dizaines de
millions d'hommes qui ont été arrachés à
leur terre et à leur vie pour servir de
bêtes humaines au service
d'esclavagistes, dont les descendants,
aujourd'hui, baignent dans l'opulence.
Il n'y a pas besoin de loi pour cela.
L'amère vérité est gravée pour toujours
sur le fronton de l'ignominie humaine.
De même, il n'y a pas besoin de loi pour
protéger du négationnisme le martyre du
peuple algérien, cent trente deux ans
durant, avec son lot de massacres,
d'humiliations, d'exploitation, de
spoliation et de déni d'humanité. Ce qui
laisse les historiens s'interroger sur
cet empressement de certains pays, au
passé peu reluisant en la matière, à
établir des législations qui
verrouillent, sélectivement, le champ
historique. Au-delà de l'impertinence de
la chose, une réponse peut fuser devant
ce comportement. Elle serait qu'il soit
reconnu que le crime ne serait pas
semblable pour l'ensemble du genre
humain, surtout pour les Jaunes, les
Noirs et les bazanés et qu'il y a une
volonté de banaliser, pour des
entreprises en cours et futures, le
traitement qui est infligé ou en voie de
l'être à des populations peu enclines à
se laisser dominer. En même temps qu'il
sera permis de mettre sur la table les
«bienfaits» du colonialisme, de façon à,
d'une part, jeter le doute sur ses
sanglantes turpitudes et, d'autre part,
à lui attribuer des lettres de noblesse,
afin de justifier les opérations de
«civilisation/ démocratisation». Jacques
Chirac nous a dit : «La France a été le
premier pays au monde – et à ce jour le
seul – à reconnaître l'esclavage comme
un crime contre l'humanité», à la bonne
heure, qui peut le moins, peut le plus.
Pour faire bonne mesure, il aurait dû
«bénéficier» d'une attention égale à
celle dont on a crédité les Arméniens et
les victimes juives des hordes
hitlériennes. Sur ce registre, les nazis
seraient des barbares, en raison du
simple fait que leurs victimes soient
blanches, rejoints par les Turcs pour le
même motif. Ce qui fait qu'il n'y a
aucune incongruité, du point de vue des
auteurs, à baliser le terrain, de façon
qu'on encourt d'être traîné devant les
tribunaux pour avoir tenté de faire un
travail d'investigation sur des faits
qui, d'ordinaire, ne doivent jamais
cesser de faire l'objet de recherche, et
qu'on est libre de nier, de falsifier ou
de produire des contrevérités quand il
s'agit de l'esclavage, du génocide des
natifs américains ou de la colonisation.
Article publié sur
Les Débats
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